80 ans après la mise à mort de Missak Manouchian et ses compagnons, le Résistant et son épouse Mélinée vont rejoindre le Panthéon. Une reconnaissance du lien profond qui unissait Manouchian à son pays d'adoption, selon André Nersier, président de l'association Diaspora arménienne du Grand Est.
Aux résistants étrangers, la France enfin reconnaissante. Héros de la Résistance, mais aussi poète et ouvrier, Missak Manouchian avait 37 ans lorsqu'il a été fusillé par les Nazis, au Mont-Valérien, à Suresnes, (Hauts-de-Seine) avec ses 22 compagnons de l'Affiche rouge.
80 ans plus tard, il s'apprête à faire son entrée au Panthéon, ce mercredi 21 février 2024, aux côtés de son épouse, Mélinée. Président de l'association Diaspora arménienne du Grand Est, André Nersier revient sur l'immense héritage de cette figure arménienne.
Que représente l'entrée au Panthéon des Manouchian pour votre association ?
André Nersier : Un sentiment de fierté et de reconnaissance, vis-à-vis de mon pays d'accueil. De cette France qui sait se souvenir des héros, même s'ils sont étrangers. Certains disent que la reconnaissance arrive avec beaucoup de retard. Mais 80 ans après les faits, l'acte est là. La panthéonisation des Manouchian symbolise à la fois cette France qui n’appartient pas uniquement aux Français, mais peut aussi être admirée par les étrangers. C'est aussi un acte qui résume bien l’engagement de Missak Manouchian : il a su apprendre la langue française, tomber amoureux de la littérature française et se battre pour notre liberté.
Est-ce une figure populaire au sein de la diaspora arménienne ?
Pour une partie de la diaspora, oui. La diaspora historique notamment : les rescapés du génocide Arménien, et les deux générations qui suivent. Mais la diaspora plus récente, des années 2000, apprend plutôt à le connaître à l'école ou dans les livres. Et aujourd'hui grâce à sa Panthéonisation.
Cette panthéonisation intervient quelques semaines après le vote de la loi Immigration. Comment s'imbriquent ces deux actualités ?
Sans vouloir commenter des décisions politiques, je pense qu'il faut rappeler que devenir Français est un acte fort. Faire le choix de devenir Français, relève d'une décision personnelle, d'une envie d'adhérer à la communauté nationale. Ce n'est pas simplement une histoire de papiers, c'est quelque chose qui se mérite. L'histoire de Manouchian permet de reconnaître que l'immigration peut apporter beaucoup. Toutes ces diasporas arméniennes qui ont immigré en France et ont su s'engager aux côtés des Français, s'intégrer à la société et réussir. On ne manque pas d'exemples : Hélène Ségara, Patrick Fiori, André Manouchian...
Votre association a entrepris des démarches pour qu'une rue soit nommée d'après les Manouchian, à Nancy et à Strasbourg, qu'en est-il ?
Le maire de Nancy, Mathieu Klein, nous a fait savoir que lors du dernier conseil municipal, il a annoncé qu'une école de la ville sera nommée "Missak et Mélinée Manouchian" très prochainement. Nous ne savons pas encore laquelle, mais nous en sommes très heureux, car l’école est un lieu de transmission des savoirs et de l’histoire. Cet aspect pédagogique est très important pour nous. Ce soir, j'aurais une pensée pour le peuple arménien qui souffre encore aujourd'hui, et fait tout pour survivre et protéger ses frontières, transmettre sa culture, son histoire.