Ce mercredi 21 février, Missak Manouchian, le poète arménien étranger résistant et communiste entrera au Panthéon ; et avec lui, symboliquement, vingt-trois de ses camarades, dont son chef Joseph Epstein, responsable des Francs-tireurs et partisans français (FTP) et étrangers (FTP-MOI) de la région parisienne. Pour comprendre le courageux engagement de ces résistants étrangers, nous avons retrouvé leurs descendants
Nous sommes le 18 juin 2023, jour de la commémoration du célèbre appel du général De Gaulle, et pour la première fois, un président de la République se recueille un 18 juin dans la clairière des Fusillés du Mont-Valérien à Suresnes.
"Le président de la République a décidé, 80 ans après son exécution et celle de ses camarades, l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian", annonçait alors Patricia Miralles, secrétaire d’Etat chargée des Anciens Combattants.
Dans cette clairière sanglante, 1007 otages et résistants tombent sous les balles des Allemands à l’abri des regards. Seules trois photos témoignent des crimes perpétrés ici par l’occupant nazi durant la Seconde Guerre mondiale. Elles montrent l’exécution des 22 combattants du groupe Manouchian le 21 février 1943.
Aux côtés de Missak Manouchian
Trois mois avant son arrestation et celle de ses camarades le poète communiste arménien Missak Manouchian prend la tête des francs-tireurs et partisans main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) de la région parisienne.
Et puis il y a un groupe de gamins qui ont entre 17 et 22 ans et qui n'ont aucune expérience de la clandestinité et du combat et qui ont un antifascisme convaincu
Denis Peschanski, historien
Son groupe de combat est constitué en partie d’anciens de la guerre d’Espagne comme Célestino Alfonso ou encore joseph Boczov, un ingénieur hongrois qui ont déjà lutté contre les fascistes, "et puis il y a un groupe de gamins qui ont entre 17 et 22 ans et qui n'ont aucune expérience de la clandestinité et du combat et qui ont un antifascisme convaincu", ajoute Denis Peschanski, historien et directeur de recherche émérite au CNRS.
Depuis le 14 juin 1940, Paris est occupé, le maréchal Pétain a fait le choix de la collaboration. Le régime de Vichy diffuse sa propagande antisémite. Désormais, les nouvelles lois permettent l’internement des ressortissants étrangers de race juive. Les rafles se succèdent et des familles entières vont être décimées comme celle des deux combattants du groupe Manouchian : Marcel et Simon Rajman.
"Quand les policiers français sont venus chercher son père en 1941 lors d’une des premières rafles de Juifs étrangers, Simon voulait prendre sa place. […] Les policiers ont refusé", racontent Élise et Fabienne, les cousines de Marcel Rajman. Très vite, Marcel va devenir un combattant aguerri et courageux. Il rejoint l’équipe spéciale des FTP-MOI qui cible les officiers allemands.
Le 28 septembre 1943 un commando constitué de Celestino Alfonso, Leo Knéler et Marcel Rajman abattent un officier allemand repéré pas leur service de renseignement. Ils ne le savent pas encore, mais ils viennent d’éliminer le colonel SS Julius Ritter, un haut dignitaire nazi responsable du Service de Travail Obligatoire en Allemagne. Les jours des résistants sont comptés.
En plus : Parmi les camarades de Missak Manouchian : VIDEO. Rino Della Negra : footballeur et résistant
Le 16 novembre 1943, la deuxième brigade spéciale des renseignements généraux effectue un vaste coup de filet. Missak Manouchian et les principaux combattants FTP-MOI sont arrêtés, torturés, avant d’être livrés aux Allemands. Après un procès expéditif, ils seront fusillés dans la clairière du Mont-Valerien. Olga Bancic, la seule femme du groupe, sera, elle, guillotinée en Allemagne.
15 000 affiches rouges de propagande sont alors placardées dans toute la France qui découvre le visage de ces résistants. "Ceux que l’on voit dans cette affiche rouge, c’est le caractère matriciel de l’antisémitisme de l’idéologie nazi", affirme l'historienne Annette Wiervorka.
À la Libération, le travail de mémoire
Le général de Gaulle, l’Homme de Londres, ne veut pas que le Mont-Valérien devienne uniquement un lieu de mémoire du martyr communiste. Il érige, dans les années soixante, une immense croix de Lorraine et inaugure une crypte nationale où reposent quinze cercueils appartenant aux représentants des armées de la Libération mais où ne repose aucun corps des fusillés du Mont-Valérien.
C'est Léo Ferré qui chantera la mémoire des résistants dans L’Affiche rouge. Le chanteur reprend le poème de Louis Aragon et s'inspire de la dernière lettre de Missak Manouchian avec cette phrase énigmatique dans laquelle il évoque : "ceux qui nous ont vendus …".
Pour aller plus loin :
Rencontre avec Didier Daenincks, écrivain, à la clairière des Fusillés au Mont-Valérien :
La bande dessinée de Didier Daeninckx, "Missak Manouchian - Une vie héroïque" sortira le 21 février 2024 :
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