Quand les motos hivernent, les side-cars pointent leurs paniers. Dans les Vosges une association regroupe une trentaine de conducteurs et leurs familles. Les Paniers lorrains organisent des sorties toute l’année, pour initier au plaisir des trois-roues mais aussi faire le bonheur des personnes handicapées et en maisons de retraite. Peu importe la météo !
Au sommet de la colline de Sion, le vent balaye les feuilles mortes. L’heure de la messe approche, et quelques voitures se garent sagement au pied de l’église. Les Paniers lorrains s’alignent sur le parking, et provoquent immédiatement sourires et débuts de discussions.
Une vieille dame interpelle malicieusement Cyril Sésé, le président de l’association. "Vous savez que j’ai passé ma jeunesse dans un side-car ?" Le motard répond par un clin d’œil. "Partout où on passe, on voit bien que le regard des gens est différent de celui qu’ils portent sur les motards. Avec nos paniers, notre allure, on nous fait régulièrement des signes de la main et on voit bien qu’on suscite tendresse et attention."
Le profil du conducteur diffère beaucoup de celui des motards sur deux roues. "Souvent on vient au side-car après un accident à moto. Soit parce qu’on ne peut plus conduire de la même façon ou pour reprendre en douceur. Souvent on y vient aussi quand la famille s’agrandit ! Parce que quand un bébé arrive, soit on abandonne la moto, soit on abandonne la famille… avec le side on ne se pose pas la question, on fait quoi du petit ou de la petite ? On le met dans le panier et on roule tous ensemble", explique Cyril.
Romain, patron d’une start-up spécialisée dans l’imagerie de précision, acquiesce. "Je ne me suis jamais posé la question d’avoir une bagnole. Hors de question. Pendant des années, le side a été mon véhicule au quotidien, y compris l’hiver sous la neige ! Quand les enfants sont arrivés, on a continué. On voyage au long cours, avec un confort qu’on n’aurait pas à moto évidemment."
Le quadra est le dernier arrivé dans l’association. Il enfourche une fusée japonaise noire de 200 chevaux, sur-mesure, avec un réservoir additionnel, de l’éclairage additionnel et un panier tout confort. Il détaille les spécificités de la conduite du side. "Ça n’a rien à voir avec la conduite d’une moto. On vire à plat, donc nos pneus sont carrés comme sur les voitures. Quand on accélère, le side part à droite, et quand on freine, il part à gauche. Pour prendre les virages il y a donc une technique particulière, que l’on doit apprendre, sous peine de se faire peur."
Formation non obligatoire mais fortement conseillée
Nicolas confirme, "la première fois que j’ai conduit un side, c’était sur le parking du parc des expos de Nancy ! Je suis allé chercher le mien près de Bordeaux avec le président mais sur la route du retour, c’est lui qui a conduit, je ne me sentais pas. J’ai fait une formation de 7 heures avec l'Association pour la Formation des Motards (AFDM) et c’est obligatoire selon moi. On roule avec nos familles à côté de nous… pour moi il faut rester humble et modeste sur un side".
Théoriquement, un simple permis moto A ou A2 permet de conduire un side, mais les Paniers lorrains le disent tous : "sur un side, c’est quand tout va bien que tout va mal !". Même en ligne droite, le trois-roues doit être maîtrisé.
La ballade s’engage dans la campagne lorraine. Le Saintois fourmille de virages entre deux haies, de villages cachés, et de petites routes propices aux escapades. Dans les hameaux traversés, les habitants s’arrêtent et saluent les équipages, qui répondent tous. "Notre asso est née pour organiser un rassemblement. Et puis rapidement on a mis en place des activités pour faire profiter les autres. Régulièrement, on organise des sorties pour des personnes handicapées, ou qui sont dans des EHPAD. Quand on voit leur sourire à côté de nous… c’est une vraie récompense".
La communauté des side-caristes est modeste en France, 5 000 à 6 000 machines au mieux sur plus de deux millions et demi de motos. Beaucoup de motards hivernent, mais pas les sides. "Quand l’automne arrive et que les conditions deviennent difficiles à moto, la plupart des conducteurs la laisse au garage en attendant le printemps. Et c’est à ce moment-là que nous, on sort. Quand le motard commence à avoir peur de glisser, nous on attend que ça !" sourit Cyril. Le président et quelques autres paniers sont des adeptes des rassemblements hivernaux. En janvier 2024, ils rallieront en side Saint-Véran dans les Hautes-Alpes pour participer à celui des Marmottes. La neige sera au programme… "Évidemment… sinon on n’irait pas !"