A l'origine de l’épidémie du Covid-19, l'hypothèse d'une zoonose, maladie transmise par des animaux, est donc privilégiée. A Nancy, depuis plus de quarante ans, un laboratoire est spécialisé dans la recherche de la rage animale et de certaines zoonoses émergentes de la faune sauvage.
Plus d'un an après le début de la pandémie, il est certain que le virus Covid-19 vient de Chine et de la chauve-souris, essentiellement transmis par morsure. Mais on ignore toujours comment il est passé de l’animal à l’homme. "Attention, on ne sait pas si à l'origine ça vient de la ville Wuhan, douze millions d'habitants".
C’est toute cette chaîne de contamination qu’il faut explorer. Le virus circule silencieusement depuis août 2019.
Le laboratoire de la rage et de la faune sauvage est le centre national de référence pour la rage. Depuis 1970, il est installé dans la banlieue de Nancy (Meurthe-et-Moselle). Ici, les chercheurs travaillent sur l’état sanitaire de la faune sauvage qui serait un réservoir de zoonoses. Les experts admettent que l’hypothèse du virus transmis par un premier animal, puis un second, avant une contamination de l’homme est la plus probable. "Une morsure d'une chauve-souris reste la meilleure hypothèse. Les virus, bactéries ou parasites "sautent" la barrière pour infecter l'être humain ", dit Elodie Monchâtre-Leroy, directrice du laboratoire. Elle est véterinaire et elle a rédigé une thèse de doctorat en Biologie, "médecine et santé descriptive et analytique des orthohantavirus chez les rongeurs sauvages en France". Pour elle, " Il faut que le virus de la chauve-souris s'adapte à l'homme et ensuite se retransmet de l'homme à l'homme et plus besoin d'animaux. Cela peut aller très vite".
Impossible à prévoir
Les chercheurs ont constaté que parmi les causes des nouvelles pandémies, on retrouve le plus souvent la perte de biodiversité. "Il faut comprendre que les virus font partie de la biodiversité et une abondante biodiversité permet de freiner les agents microbiens dans la variété des espèces sauvages. Il est donc probable que les écosystèmes sauvages aient été perturbés en Chine".
Il est très difficile d'anticiper l'émergence d'une épidémie. Le réservoir naturel du virus est la chauve-souris.
Aujourd'hui, nos modes de vie sont aussi des facteurs de risque avec la fréquence des transports. "Les êtres humains sont de plus en plus en contact avec la faune sauvage". Cela multiplie les chances de contamination. "C'est pour ça que nous recherchons, très souvent en vain, le fameux patient zéro". Ainsi, avec le Sars-CoV-2, autre nom du Covid-19 - qui est juste le nom de la maladie chez l'homme - tous les regards se portent sur les chauves-souris. "On oublie le pangolin. La chauve-souris est un animal avec un système immunitaire très spécifique. Et notre organisme n'est pas armé pour ça, ce qui provoque un emballement du système et parfois des lésions".
Il faut revenir aux origines du virus
Le point de départ de cette pandémie, c’est un marché ouvert de Wuhan en Chine dans lequel s’accumulent des animaux sauvages. "Ces conditions ont fait que quelques animaux infectés en ont infecté d’autres en quelques jours. Mais il ne s'est pas forcément infecté sur le marché. La question reste donc de savoir où et quand il a importé le virus ?".
Ainsi, pour expliquer l'émergence du virus Nipah en Malaisie, il a fallu comprendre que lorsque les chauves-souris sortent la nuit manger des fruits elles ont ensuite un réflexe, dès qu’elles déglutissent, elles urinent. Elles peuvent contaminer les fruits des arbres et des autres petits mammifères, qui se contaminent en les mangeant. "C’est toute cette chaîne de contamination qu’il faut explorer", explique Elodie Monchâtre-Leroy. Le trafic d’animaux sauvage est pourtant interdit par une convention. Cependant en Chine celle-ci n’est jamais respectée. "La recherche se focalise sur les traitements et les vaccins, analyse le professeur Didier Sicard sur France Culture, mais elle néglige complètement l'origine animale de l'épidémie; Mais les chinois ne nous donnent pas tous les éléments".
La biodiversité et le changement climatique
Dans une tribune publiée dans le journal "Le Monde", les chercheurs en écologie Jean-Marc Roda et Jacques Tassi estiment "qu’à la source de la déforestation et des pandémies, il y a une incapacité dramatique à entrevoir la misère d’une partie de la population mondiale". Selon eux "c’est la précarité rurale qui conduit les agriculteurs à convertir les forêts en terres agricoles et qui est à l’origine des zoonoses".
Il est urgent d'enquêter sur l'origine animale de l'épidémie de Covid-19.
Les modifications des écosytèmes et la déforestation sont des sources fréquentes et bien connues d’émergence et de développement de bactéries. Ce qui inquiète les scientifiques, car selon eux cela risque de se multiplier de plus en plus dans les prochaines années.
Le virus Ebola est apparu au milieu des années 70 au Soudan et au Congo en Afrique. Puis il s’est propagé particulièrement rapidement dans les zones déforestées. Ainsi le réchauffement climatique et la pandémie mondiale sont liés.
Le cycle de la vie
Marylène Pilloy est pharmacienne à Saulxure-les-Nancy. Dans sa thèse, "les zoonoses transmissibles du rat à l’homme : conseils en officine", elle explique que "la plupart des foyers naturels de peste sont dans les régions où les précipitations annuelles sont faibles, notamment les montagnes, et où les saisons sèches empêchent la croissance des forêts et provoquent la formation de régions désertiques, semi-désertiques et de steppes comme les savanes, prairies, pampas". Les pandémies trouvent leurs origines dans des microbes portés par des animaux, "les zoonoses ont toujours existé. On déplace de plus en plus les animaux sauvages avec pour conséquences les transformations des écosystèmes", ajoute Marylène Pilloy. "Mais on ne comprend pas pourquoi aujourd'hui il y a autant de mutations batériennes et virales".
Origines du Covid-19 : la divulgation de travaux inédits menés depuis 2014 à l’Institut de virologie de Wuhan alimente le trouble — via @lemondefr https://t.co/kpHJTWaEw5
— Nathaniel Herzberg (@NHerzberg) May 14, 2021
En 2003, émergeait un coronavirus, le premier SARS-CoV-1 à l’origine d'un "syndrome respiratoire sévère". Il est déjà apparu en Chine et lui aussi avait provoqué la panique dans le monde entier. Avec la Covid-19 une nouvelle période de pandémie ne fait-elle que commencer ? La nomination d’un spécialiste de la santé animale au sein du conseil scientifique français est un évènement marquant. "Mais si on ne fait rien, à l'avenir ces maladies d’origines animales pourraient être de plus en plus nombreuses".
Le Covid-19 est une maladie très particulière car elle est asymptomatique. A ma connaissance c'est la première fois.
Quoi qu’il en soit, l’autre urgence reste de pouvoir maîtriser tous les risques de nouvelles propagations. Un accident de laboratoire, comme source de la pandémie de Covid-19, serait à l'origine du virus qui bouscule la planète depuis plus d'un an. Une hypothèse, mais sans aucune certitude. "De toute façon, il nous manque le chainon manquant avant la chauve-souris", dit le Pr Didier Sicard.