Jeudi 13 janvier dernier, l’Assemblée nationale rejetait une proposition de loi de La France Insoumise visant la légalisation de la production, la vente et la consommation du cannabis en France.
La semaine dernière était débattue au Palais Bourbon une proposition de loi de La France Insoumise (LFI), notamment portée par Caroline Fiat (députée LFI de la 6è circonscription de Meurthe-et-Moselle) visant à ouvrir la légalisation du cannabis en France, sous le contrôle de l’Etat. Le tout premier article de cette proposition de loi n°4746 stipulait l’autorisation de « la production, la fabrication, le transport, l’importation, l’exportation, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi […] relatifs au cannabis et aux produits du cannabis dont la teneur en tétrahydrocannabinol n’excède pas un taux fixé par arrêté du ministre chargé de la santé. ».
Principal article de cette proposition de loi, il fût rejeté par la majorité des députés présents à l’Assemblée nationale (53 élus pour sa suppression, sur les 80 présents lors de la séance). Après presque deux heures de débats, la proposition de loi fût finalement rejetée. La question taboue de la légalisation du cannabis est régulièrement débattue en France, car sa dans le pays est de plus en plus fréquente, notamment chez les jeunes. Selon une étude de l’IFOP, près de 51% des français seraient pour la dépénalisation du cannabis dans l’hexagone, et à priori, 54% des électeurs macronistes. Omniprésent dans le débat public depuis plusieurs années, le sujet s’est sans surprise immiscé dans la campagne présidentielle.
Certains pays limitrophes à la Lorraine ont franchis le pas de la légalisation du cannabis, sous certaines conditions. En Allemagne, par exemple, l’usage du cannabis à des fins thérapeutiques est autorisé depuis 2017. Le Luxembourg va permettre d'ici fin la fin de l'année la culture du cannabis récréatif à domicile et sa consommation dans la sphère privée. Chaque ménage aura droit de cultiver jusqu'à quatre plants de cannabis, et l'import de graines sera également possible.
Les députés lorrains majoritairement contre cette proposition de loi
Dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale ce jeudi 13 janvier étaient présents plusieurs députés lorrains, majoritairement contre la proposition de loi des Insoumis. Du côté du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale, on retrouvait Belkhir Belhaddad et Isabelle Rauch députés LREM de Moselle, Xavier Paluszkiewicz, député LREM de Meurthe-et-Moselle, ainsi que Gérard Cherpion, député LR des Vosges. Sur les 21 députés lorrains, les 4 étaient présents dans l’hémicycle lors du vote, et se sont exprimés en faveur de la suppression de l’article 1 de la proposition de loi, comprenant la quasi-totalité de la suggestion soumise par LFI.
Belhaddad : un enjeu sociétal
Pour le mosellan Belkhir Belhaddad (LREM), qui ouvrait le débat à l’Assemblée nationale le 13 janvier dernier, cette proposition n’étudie pas la question de fond sur la légalisation encadrée du cannabis, qui constitue un véritable enjeu sociétal "une proposition de loi avec un article unique ne permet pas de répondre à l’ensemble des questions posées sur le cannabis comme le statut à donner à l’autoproduction, la modalité de fixation des prix en fonction du taux de THC, la réinsertion des anciens trafiquants ou encore les circuits de production et de distribution du produit". Pour le parlementaire, il est davantage souhaitable d’inscrire cette proposition dans le cadre d’un débat public national, pendant l'élection présidentielle, que d’y consacrer deux heures dans l’hémicycle.
Une partie de notre groupe politique est pour la légalisation du cannabis, mais pas en fin de mandat
Belkhir Belhaddad, député LREM 57
Pourtant, les marcheurs ne semblent pas totalement opposés à l’idée de légaliser le cannabis en France "une partie de notre groupe est pour, mais pas en fin de mandat. Par ailleurs, il est question ici de l’usage récréatif du cannabis, pas de l’usage thérapeutique, c’est totalement différent pour nous" explique le député mosellan, pour qui le cannabis récréatif est dangereux, particulièrement pour le public jeune.
Viry : un risque psychique
À droite de l’hémicycle, des Républicains rejoignent les positions de la majorité "on ne peut pas considérer que le tabac est toxique, et que le cannabis ne l’est pas", affirme farouchement Stéphane Viry (LR) opposé à la légalisation de la plante. Ce député vosgien, pharmacien de métier explique constater dans sa circonscription les dégâts du cannabis sur les citoyens qui en font un usage de loisir "c’est une catastrophe, on voit clairement les conséquences au niveau de l’état psychique, et les personnes n’arrivent souvent pas à s’en défaire". Stéphane Viry tend cependant à nuancer ses propos sur le produit, lorsqu’il est utilisé à des fins médicales "le principe actif du cannabis c’est utile en médecine, c’est comme les produits dérivés de la morphine." explique-t-il.
Potier : méfiant
En Meurthe-et-Moselle, le socialiste Dominique Potier (SOC) qui n’était pas présent lors des débats au palais Bourbon se positionne clairement contre le vote de cette loi également. Pour lui, la solution face à ce problème complexe de société n’est pas à la légalisation de la substance, mais réside plutôt dans les politiques de prévention en matière de santé publique, et de combat du trafic de stupéfiants. Tout en prenant des pincettes, Dominique Potier avoue être très méfiant sur le sujet "je ne suis pas médecin, mais j’ai vu les dangers et les conséquences irréversibles que cela pouvait avoir sur le développement du cerveau…c’est vraiment terrible". Le parlementaire confie sa peur de voir le cannabis banalisé si sa légalisation est votée mais déclare être prêt à examiner le sujet dans le cadre d’un usage thérapeutique très encadré.
Cariou : divisée
Emilie Cariou, députée non-inscrite de la Meuse et ex-LREM salue de son côté la volonté des Insoumis d’exposer deux problèmes liés à la consommation illégale de cannabis en France : celui de la santé publique, et celui de la sécurité publique. Abstenue lors du vote, Emilie Cariou explique être très touchée par le problème des addictions sur son territoire, et donc être divisée sur le sujet de la légalisation du cannabis "La Meuse est un territoire miné par les drogues dures, et le cannabis est souvent l’une des portes d’entrées vers ces substances, mais il doit y avoir un débat ouvert sur le sujet". Comme certains députés, elle ne cache pas sa volonté de mettre en avant des politiques de prévention et d’information sur ces substances illicites, et avoue préférer un débat national, au lieu de celui dans l’hémicycle "je ne suis pas favorable à ce que l’on règle le débat de cette manière. C’est un sujet qui est encore tabou et qui mérite un débat de société ouvert". Sensible au problème de l’addiction qui sévit sur son territoire, la députée explique qu’elle ne sait pas si la légalisation du cannabis est la solution au problème, mais qu’elle entend la volonté de vouloir réguler et contrôler les ventes du produit dans l’intérêt des consommateurs.
Des expérimentations pour le cannabis thérapeutique en France
En mars dernier, Olivier Véran donnait son feu vert pour une expérimentation du cannabis en France pour un usage thérapeutique très encadré et en fonction de certaines pathologies. Cette expérience menée dans 215 structures de soins en France devrait aboutir à une première évaluation en septembre 2023.