Depuis le début du second confinement, l’accès aux ateliers était fortement réduit pour les étudiants de l’école nationale supérieure d’arts et de design de Nancy (ENSAD). Ils y reviennent progressivement en cette fin d'hiver 2021.
"On a droit à 20% d’étudiants sur le site, ce sont les directives du ministère de l’enseignement supérieur", explique d’emblée Christine Kirchstetter, directrice de l’école nationale supérieure d’arts et de design (Ensad). Ces directives datent de fin janvier 2021. L’établissement peut accueillir au maximum 80 étudiants par jour, "on essaye que chacun puisse venir au moins une fois par semaine".
Un crève-cœur pour tout le monde, étudiants comme enseignants. Comment se former à distance quand on a besoin de sérigraphier, peindre, sculpter ?
L’exercice "en distanciel" est difficile pour tous les étudiants, et mission quasi impossible pour les étudiants en art. Travailler à distance n’a aucun sens, et très peu d’entre eux ont pu transformer leur appartement en atelier. Mais du 15 au 19 mars 2021, une bouffée d’air est venue soulager une partie d'entre eux. Pendant toute la semaine ils ont pu participer à des workshops animés par des artistes extérieurs.
Coup de bambou
L’atelier design est ainsi envahi de bambou, de très grandes longueurs parfois. L’artiste invité, Bertrand Chereau, est venu du Tarn afin de guider les étudiants qui s’essayent à ce matériau : "on n’a pas l’habitude, on ne connait pas bien ses contraintes ni ses propriétés" explique Carlotta, en deuxième année de design. Avec une autre étudiante, Arianne, elle a entrepris la construction d’une structure qui ressemble vaguement à un parasol, "qui va rester ici, on va lui ajouter des tables et des chaises, pour en faire un espace de travail tranquille".
Juste à côté, un "abri anti-vent" de forme ovoïde, sur lequel travaillent Lisa et Madeleine : "ça nous fait du bien de revenir à l’école, c’est la première fois depuis fin novembre… Chez nous bien sûr on peut travailler sur des maquettes, faire des dessins mais il nous manque le contact avec la matière, et avec les autres !".
Apprentissage perturbé
La directrice de l’établissement reconnaît que les directives imposées par la situation sanitaires "posent de gros problèmes en ce qui concerne l’apprentissage et le développement de la pratique artistique puisque tout se fait dans les ateliers". L’école dispose de lieux et d’équipements dédiés, que les étudiants n’ont pas chez eux : "comme ils ne peuvent venir qu’un jour par semaine, on a constaté un net ralentissement de la production des travaux".
Autre difficulté, le travail collectif "qui n’est parfois plus possible, notamment quand on doit travailler en dehors de l’école, ou avec des partenaires extérieurs". L’émulation, c’est une part importante de la motivation des étudiants : "j’ai besoin de voir le travail des autres, d’échanger avec eux, donc ce workshop d’une semaine c’est vraiment une grande respiration" pour Lauriane, en deuxième année de design.
Sous l’œil de l’artiste Irma Kalt, elle réalise un travail à base de papier peint, qu’elle colle sur une des vitres de l’école : "au départ j’étais sur quelque chose de très organique, avec des bulles, mais je n’étais pas satisfaite… Alors je suis reparti sur un motif géométrique, toujours avec des arrondis, en variant les textures, notamment du froissé qu’on a réalisé à l’aérosol".
Les hommes sont des déchets
Au même étage, des étudiants en option arts s’activent pour terminer l’édition de restitution du workshop, un imprimé d’une cinquantaine de pages qui regroupe les travaux de tout le monde.
Julien plie consciencieusement sa double page : "le thème du workshop c’était l’activisme politique, moi j’ai choisi de faire trois affiches autour du fameux slogan féministe men are trash (les hommes sont des déchets)". Revenir à l’école, "j’aurais jamais imaginé le dire avant, mais ça fait du bien… On a des petits appartements, pas trop de matériel, ce workshop d’une semaine arrive au bon moment, j’espère vraiment que ça va continuer comme ça".
Effacer les souvenirs
Au rez-de-chaussée, les étudiants de première année présentent leur exposition, "Slash". Inspirée par la performance de Marianne Mispelaëre "No man’s land", ils ont travaillé en respectant les consignes de l’artiste, avant de proposer leur propre regard.
"Nous avons voulu maintenir l’exposition, même si pour l’instant nous savons qu’elle ne peut pas accueillir de public extérieur, mais on doit s’accrocher, avancer, coûte que coûte", se motive la directrice, qui nous quitte "en allant voir comment on peut obtenir une directive qui nous permettre d’ouvrir prochainement notre espace d’exposition".
Sur les murs, des photos de main maculées d’encre. Sur une table, le travail de Chloé André, vingt ans, en première année. Un livre objet, composé de photos qui répondent à de la toile émeri : "j’ai réuni dans cette édition les objets qui ont accompagné ma vie jusque-là, je les ai pris en photo, et le but c’est que le spectateur prenne le livre en main et détruise par frottements toutes ces images, comme s’il effaçait mes souvenirs".
L’analogie avec la situation actuelle est saisissante.
Cette étudiante porte en elle le souhait de tous les étudiants en arts : voir les restrictions sanitaires levées, afin qu’ils puissent reprendre leurs études et leurs parcours artistiques.
Ensad Nancy : des actions et des expositions
L'Ensad Nancy n'a pas modifié son calendrier d'actions et d'expositions. L'école espère que la levée des contraintes sanitaires pourront permettre au grand public d'y assister. En voici la liste :
- "Itinéraires croisés", exposition photographique des étudiants de l’atelier Artem "photo-cité" de l’ENSAD Nancy conduit dans le cadre de l’Aliance Artem, au Parc Sainte Marie de Nancy du 25 mars au 19 septembre 2021 (avec le soutien du Musée des Beaux dans le cadre d’ADN / Art dans Nancy).
- "Oracles", exposition d’étudiants en option art à la Galerie Faux mouvement de Metz du 15 avril au 9 mai 2021.
- "La Fabrique de la légèreté", exposition d’objets en bronze des étudiants de l’option design en partenariat avec le lycée Loritz à l'ENSAD Nancy du 19 mai au 30 septembre 2021.
- "D’un état à l’autre", exposition des étudiants de 3e et 4e année au jardin botanique Jean-Marie Pelt du 21 mai au 30 septembre 2021.