Issues de la collection d’un photographe amateur du siècle dernier, 6.370 autochromes dormaient dans l’ancien bâtiment de l’école nationale supérieur d’art et de design (ENSAD) de Nancy. Numérisées en 2012, elles sont désormais visibles en ligne.

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Chaque exemplaire est conservé à l’abri de la lumière dans une pochette cartonnée blanche à quatre volets, réalisée sur mesure. Les autochromes, alignées dans leurs boites grises, remplissent plusieurs rayonnages d’une pièce spécialement dédiée de la médiathèque Artem.
Sur la grande table blanche qui sert à les consulter, Sophie Petitjean les manipule avec le plus grand soin, et pour cause, c’est elle qui a redécouvert ce fond dans l’ancien bâtiment qu’occupait l’école des beaux-arts de Nancy avenue Boffrand: "lorsque j’ai pris mon poste de bibliothécaire en 2011, le directeur de l’époque m’a montré les collections anciennes, et parmi elles, les autochromes. Il y en avait vraiment aux quatre coins du bâtiment, au grenier, dans les réserves… l’un des premiers projets que j’ai eu à mener, c’était de sauver cette collection, et notamment de la numériser".

Ecole de Nancy

Le projet est colossal : au fil des recherches, la co-responsable actuelle de la médiathèque Artem recense 6.370 autochromes !

Heureusement, on avait des informations sur ces autochromes, grâce notamment au travail de ma précédente collègue, que j’ai pu compléter avec des étudiants : on a mené une enquête d’abord sur Julien Gérardin, pour savoir qui était vraiment l’auteur des photos

- Sophie Petitjean, co-responsable de la médiathèque Artem, responsable actuelle des collections de l'ENSAD

L’enquête révèle qu’il s’agit d’un notaire de profession, qui les a prises pendant une période d’un peu plus de dix ans, de 1907 à 1919. Membre de la Société Lorraine de Photographie, cet amateur éclairé avait certainement des liens avec les artistes nancéiens de l’époque. Sans descendance, sa collection atterrit dans les mains de Victor Prouvé, preuve supplémentaire que son travail s’inscrivait en quelque sorte dans ce qu’on appelle aujourd’hui l’Ecole de Nancy. "On devine facilement le lien : Victor Prouvé était directeur de l’école des beaux-arts 1900, donc à la mort de Julien Gérardin, il est logique que ses autochromes ont rejoint les fonds de l’école" précise la bibliothécaire.
Autour de Sophie Petitjean on s’active: "on a ensuite fait un inventaire très précis de chaque plaque, le sujet, son état, pour ensuite les confier à des restaurateurs qui les ont dépoussiérées et consolidées pour éviter qu’elles ne s’abiment, avant de les faire numériser par une société parisienne spécialisée". La chance est du côté de la bibliothécaire car sur le papier noir qui protégeait la plupart des plaques, elle trouve des informations précises, notamment la date et le lieu de la prise de vue.

Aucun hasard

Le sujet passionne largement au-delà des seuls étudiants en arts.
Un inconnu a constitué une collection, sans que personne n’en saisisse jusque-là l’importance, ni en nombre, ni en qualité: "Julien Gérardin était un amateur très éclairé. Quand on regarde les autochromes, on s’aperçoit que les sujets sont variés, que les personnes posent, que chaque lieu est étudié avec soin. Il y a une composition dans chaque image… la technique de l’autochrome le nécessitait, ce n’est pas une photo instantanée, les temps de pose sont très longs, donc rien n’était laissé au hasard, ce qui explique le fait que les autochromes ont longtemps été comparés aux techniques de la peinture".
Le travail de numérisation achevé, la collection est disponible en ligne, sur un site dédié.
Les sujets choisis par le photographe sont variés, beaucoup de paysages de campagnes, mais aussi des scènes de ville, et même de nu. Les autochromes racontent une époque, et permettent de mieux la connaître selon celle qui a sorti la collection de l’oubli: "on ne sait pas si d’autres plaques existent, ce qui nous motive maintenant c’est de faire connaître ce fond, car il a un aspect documentaire intéressant. On voudrait partager nos connaissances, à Nancy et partout ailleurs. On doit poursuivre le travail en ouvrant des possibilités de recherche, pour que ce gros réservoir en ligne permette à des historiens de croiser les informations que nous avons déjà sur Nancy à cette période".
Dans les rayonnages vides d’étudiants de la médiathèque Artem, Covid oblige, les images de Julien Gérardin résonnent étrangement avec l’ambiance actuelle. La période pendant laquelle il a parcouru Nancy et ses environs pour réaliser ses autochromes, était également celle de la Première Guerre mondiale, des restrictions, des épidémies. Pourtant, nulle trace de ces fléaux sur les plaques de verre.
Nancy y apparait figée, idéale, hors du monde.
Les autochromes ?
Le procédé a disparu, mais il constitue l’un des premiers succès commerciaux de la photographie à l’échelle industrielle. On pourrait les rapprocher des diapositives, puisque les autochromes étaient projetées avec un appareil dédié, dont l’école d’art de Nancy possède un exemplaire.

Inventée par les Frères Lumière en 1903, la technique de l’autochrome permettait de reproduire une image positive en couleurs sur une plaque de verre… Grâce à des fécules de pomme de terre ! Les autochromes ont constitué des témoignages précieux des événements mondiaux jusque dans les années Trente, quand il a été progressivement remplacé par d’autres, et par les inventions d’autres marques allemandes et américaines. La collection de Julien Gérardin est impressionnante, mais pas unique : celle d’Albert Kahn, banquier du Nord de la France né la même année que son homologue nancéien, est réputée la plus importante du monde avec 72 000 autochromes.
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