Une mobilisation nationale virtuelle des infirmières scolaires a lieu ce jeudi 26 novembre. Au Lycée Marquette de Pont-à-Mousson elles sont deux pour plus de 950 élèves. Avec l'anxiété liée au Covid-19, elle sont de plus en plus sollicitées par les élèves.
Son bureau est au bout du couloir. Mercredi 25 novembre 2020, devant la porte, quelques chaises vides montrent que le début de matinée est plutôt calme. Puis les élèves arrivent, les uns après les autres.
- Pourquoi ?
- Ici, ils peuvent tout dire.
- Et ils disent tout ?
- C’est à nous de les faire parler. Et découvrir leur anxiété.
Les infirmières sont les premières à les écouter. "Personne ne peut faire notre travail à notre place. Les élèves ont besoin de nous pour parler, même parfois plus que leur famille. C'est à nous qu'ils parlent".C'est à nous qu'ils parlent.
Valérie Boisseau est l’infirmière de l’Education nationale du Lycée Marquette de Pont-à-Mousson. L'infirmière scolaire.
"Je dois prendre soin d'eux", dit-elle. "On est en première ligne en permanence, c'est à dire quelques soient les virus du moment on est en première ligne". Elle connaît presque tout le monde. Une grande majorité de 950 élèves. "Il y a des élèves qui ont perdu des parents à cause de la Covid, "j'ai perdu mon père", "j'ai perdu ma mère", c'est toute une étape de deuil. Et là ils viennent nous en parler".
Elle ne porte pas la traditionnelle blouse blanche, "surtout pas". En quelques mois, elle aussi a appris à découvrir des mesures sanitaires que l'on ne connaissait pas il y a à peine une année.Un virus avec cette dimension là c'est extraordinaire.
"Dès le début on est passé dans toutes les classes comme l’exige le protocole sanitaire. Les enfants vivent cette situation anxiogène comme nous. On leur a demandé de ne plus voir leurs copains, de porter un masque, de ne plus voir leur famille…"
- Est ce qu’ils ont peur du Covid ?
- Certains oui, d'autres non. Mais surtout, ils s'inquiètent pour leurs parents, leurs grands-parents, leurs copains.
Tous les jours ils viennent la voir. Angoissés. Mais pour venir ils sont obligés de s'inventer un symptôme, le fameux mal au ventre, une douleur, un mal à la tête. Et elle est confrontée elle aussi à des cas réguliers de Covid-19. "Il y a les élèves avec de la fièvre, des maux de tête, des symptômes qu’il faut isoler".
Des infirmières scolaires en sous-effectif
Au mois de septembre, tout le monde a été content de revenir. Puis tout s’est détérioré. Le virus a pris le dessus. Les masques, les tests, les cas contact, appeler la famille, réexpliquer le protocole sanitaire. Et après les consultations il faut téléphoner aux parents. Depuis l’épidémie il faut répondre à leurs questions, plus souvent que d'habitude.- Mon fils est positif, comment dois-je faire ?
- Comment l’isoler ?
- Comment protéger le reste de la famille ?
- Comment fait-on avec les cas contacts ?
Et en cas de doute, "j'alerte les parents auxquels je demande de venir chercher immédiatement leur enfant".
Le quotidien du monde scolaire, Valérie le connait depuis une quinzaine d'années. Des petits tracas bénins aux grandes angoisses de l'adolescence. Et puis elle a vu arriver la pandémie. "Par exemple, j'avais un adolescent dont le papa à un commerce et le gamin s'inquiète pour lui, pour son père, pour le magasin. Il avait peur du chômage de ses parents".
Dans le lycée, elle est la seule référente santé. Car les infirmières scolaires de l'éducation nationale sont en en sous-effectif. "Un début de pénurie. De toute façon, les infirmières travaillent dans l'ombre". Une situation qui remonte à loin, mais que le contexte sanitaire a mis en lumière : le manque d'infirmières et de médecins scolaires de l'éducation nationale. "Il y a c’est évident un manque d’attractivité de la médecine scolaire auprès des jeunes médecins".Les infirmières travaillent dans l'ombre.
Un isolement brutal
Valerie Boisseau reste au plus près des élèves pour faire le lien avec les équipes éducatives. "C'est une période particulière, avec une perte de repères scolaires. Car les élèves ne sont pas toujours là. Ils décrochent". Ils ont des niveaux d’études différents, des lieux de vie différents.Plusieurs fois par jour, Jeremy Diebold, le conseiller principal d’éducation vient dans le bureau de Valérie. "On a accompagné des jeunes dans des situations parfois terribles, et c'est à travers ces confinements que l'on a vu apparaître des difficultés nouvelles", dit Jeremy Diebold, le conseiller principal d'éducation (CPE). "J'ai entendu des confidences de jeunes, des gamins qui n'allaient pas bien. Les familles renvoient les doutes et les inquiétudes sociales, financières".Et après ? Comment va-t-on les récupérer?
"Et après ? Comment va-t-on les récupérer", dit-il. "C'est plutôt par rapport aux conséquences de la Covid qu'il ne faut pas avoir peur de poser les questions et encore moins d'entendre les réponses", ajoute à ses côtés Valérie Boisseau. "Certains ont des idées noires".