Les gaz extraterrestres de l’astéroïde Bennu, bientôt, analysés en France par un des rares laboratoires capables de le faire

Des échantillons de l’astéroïde Bennu seront analysés en France dans un des rares laboratoires capables de travailler sur les gaz nobles, le CRPG à Nancy. Le laboratoire attend les premiers échantillons dans quelques jours en provenance de la NASA.

L'essentiel du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l'info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "L'essentiel du jour : notre sélection exclusive". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

"Comme l’explique la NASA, on va étudier quelque chose qui a été mis au réfrigérateur pendant 4,5 milliards d’années. C’est un moment exaltant." Bernard Marty, professeur à l'École Nationale Supérieure de Géologie et chercheur au Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques (CRPG) déborde d’enthousiasme au moment où nous le contactons, il assiste en visioconférence en direct à l’ouverture, au Johnson Space Center (Texas) États-Unis, de la capsule qui contient un précieux échantillon. Deux cent cinquante grammes de matière prélevés en 2020 sur l'astéroïde Bennu, par la sonde américaine Osiris-Rex. La sonde, partie en 2016, a largué la capsule contenant l’échantillon sur Terre le 24 septembre 2023, dans le désert de l'Utah.

Bernard Marty fait partie, avec son équipe, de la poignée de chercheurs dans le monde, qui vont pouvoir analyser quelques fragments de cet échantillon. "Cette mission a rapporté des échantillons, de la poussière et des grains d’un astéroïde, parmi les plus primitifs que l’on connaisse. Ce sont des astéroïdes qui sont riches en "éléments volatils". Les éléments volatils, c’est du carbone, de l’azote, des gaz rares, mais aussi des indices d’une présence d’eau qui a disparu. Il ne reste plus l’eau, mais il reste les minéraux qui ont interagi avec elle."

Pour les scientifiques, chercher ces indices, c’est comme mener l’enquête aux origines de la vie sur Terre. "On trouvera peut-être des preuves, qu’ils sont porteurs des éléments qui ont permis à la vie de se développer sur terre".

 "C’est la deuxième fois que nous aurons des échantillons d'astéroïdes. Il y a déjà eu la mission Hayabussa2, mission japonaise en décembre 2020", nous explique-t-il. "La mission japonaise avait rapporté cinq grammes, ce qui était déjà un exploit extraordinaire. Là, avec deux cent cinquante grammes, cela permettra de vérifier la diversité de la matière primitive et de faire des analyses, beaucoup plus consommatrices de matériel." En réalité, Bernard Marty nous confie n’avoir besoin que de très peu de matière. " Il nous faut juste quelques milligrammes. Nos outils sont très sensibles."

Remonter le temps jusqu'aux origines

Bernard Marty et son équipe sont spécialisés dans les gaz nobles. "Les échantillons arrivent dans des boîtes individuelles métalliques, stockés sous atmosphère d’azote. On va utiliser une petite hotte avec un flux d’azote, qui va nous permettre de transférer des échantillons dans notre système analytique sans contact avec l’air ambiant. Notre système analytique, c’est une sorte de grosse boîte avec un hublot. Ensuite, on va utiliser un laser pour les chauffer sous ultravide. On pourra alors trouver des choses.

On va avoir des objets qui n’ont presque pas bougé depuis 4,5 milliards d’années, depuis les premiers instants de formation du système solaire.

Bernard Marty, professeur à l'Ecole Nationale Supérieure de Géologie et chercheur au CRPG

Les rapports isotopiques permettent de remonter à l’origine des différents composants. On va trouver, sans doute, des grains, qui ont été formés dans d’autres étoiles, qui ne proviennent pas du système solaire, qui se sont accumulés quand le système solaire est né. On va avoir toute une panoplie d’objets extraterrestres, qu’on ne connaît pas forcément très bien actuellement. On ne sait pas quel type de composants on va trouver. On peut avoir de la poussière d’autres étoiles. On peut avoir des isotopes produits par le rayonnement cosmique, au cours de l’histoire du système solaire. On ouvre un monde nouveau.

Des échantillons qui donnent à notre scientifique un superpouvoir, celui de voyager dans le temps et dans l’espace. "On va avoir des objets qui n’ont presque pas bougé depuis 4,5 milliards d’années, depuis les premiers instants de formation du système solaire." Sur les Gaz nobles, seuls trois laboratoires dans le monde auront la chance de faire ces analyses : un Américain, un Suisse et en France, le CRPG de Nancy.

Une autre équipe travaille sur la datation 

Une autre équipe du CRPG doit, elle aussi, recevoir un échantillon, mais un peu plus tard. Celle de la sonde ionique. Laurette Piani, et Yves Marrocchi, tous les deux chercheurs en cosmochimie au CRPG (CNRS/Université de Lorraine) vont recevoir ce que les scientifiques appellent des lames minces,  des fines couches de matière, qu’ils vont bombarder avec leurs sondes ioniques. Ce sont des analyses isotopiques. Leur objectif : trouver des indices de la présence d’eau, comme nous l’explique Laurette Piani : "les isotopies de l’oxygène nous donnent des informations sur l’origine des poussières qui ont constitué l’astéroïde Bennu.

J’ai travaillé spécifiquement sur l’hydrogène des grains de l’astéroïde Riugu, de la mission japonaise Hayabusa2. Les mesures ont été faites au printemps, 2022. L’article scientifique a été publié cette année seulement. Sur les grains Bennu, on a prévu de faire plus d’analyses différentes.

On va pouvoir voir si les échantillons sont très proches de ce que l’on a dans les collections de météorites, celles récupérées sur Terre après leur chute ou si ça va s’en écarter. Secrètement, les scientifiques espèrent y trouver d’autres choses : "on aurait quelque chose de nouveau. Mais si cela est similaire, cela donnera quand même beaucoup d’informations sur la capacité que l’on a à étudier un astéroïde quand on envoie une sonde. De connaître à distance sa composition, on va pouvoir comparer ce que l’on fait en laboratoire avec des analyses faites par les sondes quand elles étaient en train de prendre des données autour de l’astéroïde."

Cette équipe peut aussi travailler sur la datation : "on peut faire de la datation avec des instruments. On utilise les isotopes, qui sont instables, qui se désintègrent et leur taux de désintégration pour remonter à l’âge des minéraux et des assemblages de minéraux qui sont dans les météorites. Si on arrive à le faire, on pourra avoir un indice sur l’âge de ces objets."

En tout, deux cent cinquante chercheurs, à travers le monde, vont bénéficier et travailler sur ces deux cent cinquante grammes de matière rapportés par Osiris-Rex. "

Je suis contente d’en faire partie", nous confie Laurette Piani. "Ce qui me passionne, dans cette recherche, c’est de tenter de trouver des réponses à : pourquoi on est là. En regardant les météorites, on regarde l’origine de notre planète et peut-être l’origine de la vie. On travaille un peu sur les briques, qui ont pu servir à la vie pour se développer."

L'échantillon d'astéroïde Bennu contient du carbone et de l'eau

Dans un communiqué, du 11 octobre 2023, la NASA confirme déjà : "Les premières études de l'échantillon de l'astéroïde Bennu, vieux de 4,5 milliards d'années, collecté dans l'espace et ramené sur Terre par la NASA, montrent des preuves d'une teneur élevée en carbone et en eau, ce qui, ensemble, pourrait indiquer que les éléments constitutifs de la vie sur Terre pourraient être trouvés dans la roche."

Bennu aura-t-il un jour un impact sur la Terre ?

C’est un des autres intérêts de la mission américaine : étudier les astéroïdes susceptibles de toucher la Terre. Sur son site, la NASA indique : "Bennu n’a aucune chance de toucher la Terre avant le milieu des années 2100. Après cela, la probabilité est très faible, 1 sur 1.750, soit moins d'un dixième de pourcent, jusqu'en 2300 au moins. Dans un avenir lointain, Bennu pourrait toucher la Terre ou même Vénus, mais cela ne peut être prédit avec toute précision. En effet, être capable de prédire avec précision les mouvements futurs d’astéroïdes comme Bennu est l’un des objectifs scientifiques de la mission. "

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information