Victime d’une tique, et si vous faisiez avancer la science avec l’application CiTIQUE pour prévenir la maladie de Lyme

CiTIQUE, nouvelle version, est disponible. L’application et le site internet permettent à tous d’aider les chercheurs à cartographier la présence de tiques en France. Un programme de recherche participative imaginé par l’INRAE Grand Est-Nancy.

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Avec les beaux jours et le déconfinement, nous avons tous envie de profiter des jardins ou de nous promener en forêt. Mais, les tiques, elles, nous attendent pour passer à table. Depuis 2017, l'Institut National de la Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement (INRAE) coordonne un programme de recherche participative nommé CiTIQUE. Vous aussi, vous pouvez être citoyen chercheur en signalant les tiques qui vous ont piqué, en indiquant la date et le lieu et encore plus si vous avez eu la bonne idée de les conserver pour les expédier au laboratoire Inrae Grand Est-Nancy pour analyses.

Depuis quelques jours, une nouvelle version de l’application est disponible. Elle est plus ergonomique. Mais surtout, elle va plus loin. Les utilisateurs peuvent créer au sein d’un même compte plusieurs profils pour les membres d’une famille par exemple et même pour le chien. La famille peut garder un œil sur l’historique des signalements et bénéficier d’informations de prévention. Pour les scientifiques, l’application est en lien direct avec un nouveau logiciel qui gère la base de données avec un numéro d’identification qui relie chaque tique aux informations données par l’utilisateur : le lieu, la date, le nombre de tiques, une photo, etc. À ce stade, les informations sont rendues anonymes.
 

En 2018, on a reçu 5.000 photos de piqûres chez des êtres humains. Une partie n’a pas pu être utilisée. Les photos étaient trop floues ou trop petites
- Jonas Durand, Ingénieur d’étude Inrae Grand Est-Nancy et chercheur dans le cadre du Projet CiTIQUE


Ixodes ricinus et Dermacentor : 2 tiques  particulièrement présentes dans le Grand Est


Jonas Durand, Ingénieur d’Etude à L’Inrae  Grand Est-Nancy et chercheur dans le cadre du Projet CiTIQUE nous dresse le portrait de ces acariens  :

‘’En Lorraine, on a principalement Ixodes ricinus. C’est la tique la plus présente en France. C’est une des tiques les plus importantes d’un point de vue sanitaire. Elle a un régime alimentaire dit généraliste. Elle peut se nourrir sur nombre d’espèces : les reptiles, les mammifères dont l’homme et même des oiseaux. On peut la trouver en forêt, mais aussi dans les jardins. Elle peut être potentiellement vectrice de différents agents pathogènes comme la bactérie Borrelia qui cause la maladie de Lyme. Mais elle peut aussi transmettre le virus encéphalite à tiques. On en a entendu parler récemment avec des cas dans le département de l’Ain. Elle peut aussi transmettre d’autres agents bactériens et même des parasites.

On a aussi des tiques Dermacentor. Ce sont celles que souvent les gens voient en hiver. En réalité, il y en a toute l’année. On ne voit que les adultes. Elles sont assez grosses avec des taches d’émail sur le dos. On va souvent les retrouver aussi sur nos animaux de compagnie. Elles ne transmettent pas la Borrelia qui provoque la maladie de Lyme. Mais elles peuvent transmettre d’autres agents infectieux comme par exemple les babesias qui sont des parasites et qui peuvent provoquer la piroplasmose chez les chiens et les chevaux. C’est une maladie qui peut être mortelle pour les chiens
.’’

Pour en savoir plus : le site internet CiTIQUE propose des fiches un peu comme des cartes d’identité des tiques.
 

Une ''tiquothèque'' participative unique en France

Pour la région Grand Est, en 2019, 1.038 piqûres ont été signalées grâce à l’application. 23.500 sur toute la France y compris les Dom Tom depuis 2017.  20.000 tiques ont été reçues par le laboratoire Inrae Grand Est-Nancy. Elles sont répertoriées dans la première et unique ''tiquothèque'' participative de France. 

‘’C’est comme une bibliothèque. Nous faisons des analyses au laboratoire Inrae Grand Est-Nancy. Parfois, elles sont menées aussi lors de stages participatifs et citoyens. On identifie la tique. On vérifie si elle contient l’agent Borrelia responsable de la maladie de Lyme. Pour d’autres tiques piqueuses, on les envoie à un laboratoire avec lequel on collabore à Paris. Ce laboratoire très performant peut analyser et tester en une seule fois une quarantaine d’agents pathogènes différents. L’objectif est de réaliser une carte de France de ces agents pathogènes. L’idée, c’est aussi que ces tiques puissent servir à d’autres scientifiques. Par exemple, un chercheur peut nous dire qu’il veut étudier des tiques piqueuses du Loiret… Un autre peut ne vouloir que l’ADN. On expédie ce dont ils ont besoin. Ils font leurs analyses et ils nous renvoient ce qu’ils n’ont pas utilisé. On peut partager toute cette base d’informations collectées grâce au projet. Les données transmises sont anonymes. D’ailleurs, il est important de signaler que nous ne faisons pas de diagnostics médicaux. En revanche, la carte sur laquelle nous travaillons pourrait être utile aux médecins pour le diagnostic. Ils pourront savoir quels agents infectieux sont potentiellement présents dans leur région.’’ 


Pourquoi certaines personnes sont plus piquées que d’autres ?

C’est pour répondre, entre autres, à cette question que d’ici l’été, vous pourrez aussi décider d’être volontaire pour un programme intitulé "Piqué ou pas piqué". ‘’Les gens pourront le suivre autant de temps qu’ils le veulent. Pendant la période, ils devront indiquer à quel endroit ils sont allés et s’ils ont été piqués ou non. Cela sera très important pour faire avancer la recherche et la prévention. On ne sait pas pourquoi certaines personnes se font piquer et d’autres non. On va pouvoir avoir des premiers éléments scientifiques pour y répondre.’’
 
Des stages citoyens chercheurs au centre INRAE Grand Est-Nancy

Si vous avez envie de vous glisser dans la peau d’un chercheur l’espace de deux jours, c’est possible. L’Inrae a un labo ouvert au grand public. Biologie moléculaire, identification, etc. Encadrés par des scientifiques, vous pourrez participer à construire des questions de recherche. Vous allez poser des hypothèses et tenter de les vérifier. Vous allez analyser des tiques. Vous allez faire avancer la recherche et devenir citoyen chercheur. 288 citoyens chercheurs ont déjà contribué à cette démarche scientifique. Ils ont ainsi identifié 401 tiques et analysé le contenu infectieux de 118 tiques. C’est la première fois que des résultats d’identification morphologique de tiques et des analyses d’agents infectieux par biologie moléculaire sont générés par des citoyens et des élèves.

Les prochaines dates :
  • 27 et 28 juin 2020 (complet)
  • 20 et 21 juillet 2020
  • 27 et 28 août 2020
  • 11 et 12 septembre 2020
  • 28 et 29 novembre 2020

En trois ans, CiTIQUE a dressé une première cartographie nationale des signalements de piqûre de tiques. Les données déjà collectées ont permis de confirmer les périodes les plus à risques : le printemps et l’automne. L’analyse du contenu infectieux des tiques a montré une large distribution géographique de la bactérie (Borrelia burgdorferi) responsable de la maladie de Lyme en France métropolitaine : environ 15% des tiques analysées sur tout le territoire sont porteuses de cette bactérie.

Autre résultat important, un tiers des piqûres a lieu dans des jardins privés ou des parcs publics, ce qui nécessite de repenser la prévention dans ces espaces familiers où les gens sont peu enclins à suivre strictement les mesures de prévention individuelle préconisées pour les sorties en forêt. Enfin, les chercheurs ont remarqué que l’augmentation des signalements de piqûres chez les chiens et les chats commence trois à quatre semaines avant l’augmentation des signalements chez les humains. Ces animaux pourraient donc constituer de bonnes sentinelles pour évaluer le risque de piqûre de tique chez les humains.

Le travail des citoyens chercheurs déjà reconnu par la communauté scientifique

Cette année, fin août devait avoir lieu en Roumanie un grand congrès scientifique international : "Tick and Tick-borne Pathogen Conference (TTP10)". Les données traitées depuis mars 2019 avec l’aide des scolaires et des citoyens chercheurs devaient y être présentées. Le congrès est reporté à l’année prochaine en raison de la crise sanitaire. Mais ces résultats vont donner lieu à la publication d’un article scientifique.
 
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