Quand le trafic de drogue gangrène une ville moyenne : "Héroïne : la défaite de Verdun", un documentaire témoignage

durée de la vidéo : 00h01mn49s
La petite ville de Verdun (Meuse), 17.000 habitants, est gangrénée par le trafic de stupéfiants et notamment par l'héroïne. ©Nomades / FTV

Verdun. Un nom qui résonne tristement dans la mémoire collective des Français. Verdun 2024, c'est la double peine. La petite ville, au nord d'un département rural, mais proche des frontières et à distance raisonnable de Metz, Reims, Nancy ou même de Paris s'est vue envahir par les trafics de drogues. Sans avoir les moyens d'y faire front. "Héroïne : la défaite de Verdun" c'est un documentaire saisissant d'Alain Morvan.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Le nombre de consommateurs d'héroïne en Meuse est plus élevé que dans le reste de la France. L'héroïne, c'est 35 % des saisies de drogue dans le département, contre à peine 5 % dans les autres départements de la métropole. Le réalisateur Alain Morvan a enquêté pour comprendre les raisons d'un trafic d'une telle ampleur dans une ville de 17 000 habitants.

Voici trois raisons de voir le documentaire "Héroïne : la défaite de Verdun". En lien ici

1. Pour écouter le témoignage des toxicomanes

Le réalisateur a plongé dans l'univers des personnes héroïnomanes. Il a recueilli les témoignages de nombreux drogués, hommes et femmes, qui lui ont décrit leur quotidien. La manche, pour obtenir l'argent nécessaire pour acheter leur dose. La facilité pour trouver la drogue. L'obsession de la drogue. "Tu t'en fous de manger" dit l'un d'eux "Tu t'en fous de tout ça, d'avoir une femme, tu t'en fous de tout. Si t'as pas d'argent, tu cherches l'argent pour payer ta conso. Une fois que t'as ta conso, tu commences à penser "J'aimerais bien manger". C'est ça ta journée type".

Une jeune femme, droguée également, ajoute : "Verdun, c'est la ville où il y a le plus de toxicomanie. La plupart côtoient des toxicos et ne le savent même pas. Dans la rue, il y a des personnes qui font la manche devant tous les commerces. Ils font la manche pour quoi ? On ne les voit pas avec des bouteilles ! C'est pour ça qu'on dit qu'il y a deux catégories [de gens] à Verdun : les bourgeois et les toxicos".

Ils enchaînent avec lucidité  sur leur état, racontent leur première fois "Quelle connerie que j'ai pas faite !". Et analysent leur quotidien "je mets des heures à faire la manche. En deux secondes , j'ai plus rien". Une voie sans issue. 

2. Pour comprendre comment Verdun est en arrivée là

Grâce aux témoignages des procureurs successifs, des avocats et des acteurs de la vie associative locale, Alain Morvan retrace la Genèse de l'arrivée du trafic de drogue à Verdun, environ 20 ans en arrière.

La ville subit alors une sinistrose semblable à toutes les petites villes, qui vivent les derniers sursauts de la désindustrialisation. Le tout dans le contexte d'un département rural, qui n'offre aucune échappatoire à ses habitants.

La proximité des frontières avec la Belgique et les Pays-Bas et un facteur aggravant pour Verdun. Le ravitaillement en drogue peut s'effectuer rapidement.

Le trafic s'établit à pas de loup. Il s'attaque d'abord aux quartiers pauvres de la périphérie : les Planchettes, la Cité verte et le Pré l'Évêque. Puis, à la faveur d'un programme de rénovation urbaine, il se rapproche du centre-ville. Là, le vieux quartier historique, avec ses vieilles bâtisses délaissées, devient le terrain de jeu des dealers. 

Le trafic, d'abord "artisanal" mené par des dealers-consommateurs prend de l'ampleur, attisant la convoitise des revendeurs professionnels des grandes villes alentour. Le marché se développe, la drogue est partout accessible. Dans les bendos, aux coins des rues, près du lavoir. La drogue inonde les rues, les prix chutent ; incitant toujours plus de nouveaux consommateurs. Le cercle vicieux est enclenché ; il ne s'arrêtera plus. 

Au-delà de l'aspect local, le réalisateur fait intervenir Michel Grandhilon, expert en géopolitique des drogues, qui explique le contexte mondial des flux de stupéfiants, donnant ainsi un éclairage plus général au cas verdunois. Où la production de pavot en Afghanistan -qui sert à financer les groupes terroristes- et le tristement célèbre marché des narcotrafiquants d'Amérique du Sud jouentun rôle non-négligable sur la ville de Verdun.

3. Pour saisir pourquoi la ville et la justice et la santé n'arrivent pas à endiguer le phénomène

Avec le trafic, la violence fait aussi son entrée dans le quotidien de la ville meusienne. Les effectifs de police, qui se réduisent à peau de chagrin au fil des gouvernements successifs, ne peuvent pas faire face à l'afflux de délinquance et de violence. La machine judiciaire, qui connaît aussi les réductions d'effectifs, et qui n'a jamais eu affaire auparavant à ces violences spécifiques, peine à traiter les dossiers. 

Yves Le Clair, procureur de la République de Verdun entre 2004 et 2014, explique : "On n'a jamais été confronté à des épisodes de violence parce que le profil des trafiquants, c'était plutôt des consommateurs-acheteurs. Ils faisaient des dégâts, car le produit, c'est une arme, mais pas d'épisode de violence connue".

Et malgré les efforts des acteurs locaux de la sécurité, réunis au sein d'un groupement local de lutte contre la délinquance (GLTD), le constat reste épineux. Les structures sanitaires et sociales sont à la peine et doivent s'adapter à de nouvelles problématiques de violences inédites. L'hôpital enfin manque de structures d'accueil et de médecins spécialisés en addictologie.

Tous ces secteurs complémentaires pour affronter globalement un tel phénomène sont dotés à l'aune du nombre d'habitants et pas en proportion de la problématique. Le documentaire tire la sonnette d'alarme. 

[NDLR : vendredi 22 mars 2024, une délégation ministérielle s'est rendue sur place sans faire d'annonce.]

Le documentaire "Héroïne : la défaite de Verdun" à voir en avant-première numérique dès le 29 mars ici.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
choisir un sujet
en region
choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information