Morano-Bedos : le feuilleton judiciaire continue

L'affaire, à n'en pas douter, va passionner tous les étudiants en droit. Ce mardi, la Cour d'Appel de Nancy a donné droit aux avocats de Guy Bedos, qui avaient soulevé la question prioritaire de constitutionnalité à l'audience du 10 novembre. Tout est renvoyé au 25 février 2016. Explications.

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Les faits

Le 11 octobre 2013, Guy Bedos est en spectacle à Toul. Dans le cadre des improvisations qui émaillent un show bien rodé, il s'en prend à la célébrité locale : "Nadine Morano a été élue ici à Toul ? Vous l’avez échappé belle ! On m’avait promis qu’elle serait là [...] Quelle conne !" [...] "Ah, la salope...". Informée par des amis présents dans la salle, Nadine Morano porte plainte contre l'humoriste pour "injures publiques envers un corps constitué, un fonctionnaire ou un citoyen chargé d'un service public"


Le tribunal correctionnel

Le 14 septembre 2015, le tribunal de Nancy relaxe Guy Bedos en estimant qu'il était resté dans "la loi du genre" en tant qu'humoriste, et qu'il n'avait "pas dépassé ses outrances habituelles". Nadine Morano, qui réclamait 15.000 € de dommages et intérêts, décide de faire appel, suivie par le parquet. A l'audience, le procureur avait estimé que "les limites de l'humour avaient été largement franchies".

La Cour d'appel

Le 10 novembre dernier, les avocats de Guy Bedos contestent les fondements juridiques du recours de Nadine Morano. Selon eux, l'humoriste n'attaquait pas "un corps constitué" mais la citoyenne Nadine Morano, dont les mandats politiques - passés ou présents -  n'ont pas été cités au spectacle. S'ensuit un débat très technique sur la distinction entre la personne et la fonction. Les avocats soulèvent la question prioritaire de constitutionnalité, la cour se donne un mois pour voir si elle est recevable.


La Question prioritaire de constitutionnalité (QPC)

C'est la possibilité, pour tout citoyen en procès, de contester une loi existante, s'il estime qu'elle est contraire à la Constitution - qui est au-dessus des lois. 

« Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question." Article 61.1 de la Constitution.


Les avocats de Guy Bedos estiment que la protection des "corps constitués, fonctionnaires ou citoyens chargés d'un service public" ne peut pas être une entrave à la liberté d'expression garantie par la Constitution.
La QPC est une nouveauté juridique : cette garantie supplémentaire des libertés a été introduite en 2008 sous Sarkozy. Nadine Morano siégeait à l'époque au gouvernement.
Jugée aujourd'hui recevable, la question "Bedos" va remonter au Conseil Constitutionnel. Les Sages décideront s'il y a lieu - ou pas - de modifier la loi contestée. C'est pourquoi la Cour d'appel de Nancy a donné rendez-vous le 25 février aux deux parties.
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