C'est en Lorraine, précisément en Moselle qu'est née une cité ouvrière au modèle économique et social unique en France : Bataville. De 1932 à 2001, cette ville usine a accueilli trois générations d’ouvriers. Retour dans ce documentaire "Bataville, un monde qui marche au pas" sur un système paternaliste.
Pendant près de 70 ans, la marque de chaussures Bata a connu des hauts et des bas : de grands succès commerciaux pendant les Trente Glorieuses mais également un plan social dramatique au début des années 2000. Mais ce qui différencie cette usine des autres, c'est son modèle économique voulu par son fondateur Thomas Bata : une ville entière conçue et dédiée à ses ouvriers. Voici trois bonnes raisons de regarder le documentaire de Romain Fleury et Stéphanie Loubert Bataville, Un monde qui marche au pas.
1. Pour découvrir les ambitions de la marque Bata
"Bataville est née d'un rêve", celui de ses fondateurs. A cause de la crise de 1929 et du repli des pays sur eux-mêmes, l'entrepreneur, Thomas Bata a une idée qui va sceller le destin de Bata. Il décide d'implanter ses usines partout dans le monde plutôt que d'exporter ses chaussures. Plus d'une trentaine de villes-usines voient le jour dans le monde entier. Une vision mondialisée dès sa conception.
Pour son usine en France, il choisit la Moselle. Pourquoi ? Parce que c'est un territoire proche de l'Allemagne. A proximité, il y a le chemin de fer et les canaux fluviaux. D'une part, "le sud de la Moselle est rural, travailleur et loin du monde industriel". D'autre part, l'objectif est de "produire le plus vite et à bas coût".
2. Pour les témoignages émouvants d'anciens habitants de Bataville
Ils étaient comptables, cadres, ouvriers ou assistants de direction. Tous ces anciens employés sont émus de revenir sur ce qu'ils ont vécu à Bataville : "C'était bien." Cécile et Louis se remémorent avec nostalgie leur vie à cette époque. A Bataville, il y avait tout ce dont ils avaient besoin : "une boucherie, une épicerie, un coiffeur et même un tailleur". Et cerise sur le gâteau : les employés pouvaient aller voir deux films par semaine au cinéma !
On payait pas cher, tout était pris en charge par Bata.
Cécile et Louis, anciens employés
Même les enfants étaient heureux : "Chez Bata, l'enfant est roi." Gérard a "vécu ses plus belles années ici" : grande fête du 1er Mai, manèges en folie ou Saint-Nicolas, ses souvenirs sont intacts. Cécile et Louis se souviennent : "on ne payait pas cher, tout était pris en charge par Bata."
3. Pour en savoir plus sur ce modèle paternaliste
Mais tout n'est pas si rose. Bataville, c'est aussi le reflet d'une société paternaliste aux bâtiments froids, ordonnés et impersonnels. Alain Gatti, historien et syndicaliste CFDT tend à rappeler les dérives de ce modèle paternaliste. Pour lui, il existe une forme d'aliénation dans cette "utopie patronale". Et tout est fait pour oublier la dureté du travail.
Il y trouve beaucoup de ressemblances avec le totalitarisme même si "on ne peut pas qualifier le système de Bata de totalitarisme dans la mesure où la violence physique est absente." Il préfère "le terme totalisant : c'est-à-dire de prendre l'individu dans un tout, de l'enfermer dans une bulle au service de l'idéologie de l'entreprise." Comme quoi, le système Bataville ne fait pas l'unanimité.