Licenciement du délégué CGT Christian Porta : le géant agricole InVivo doit lui verser 525.000 euros

Le géant agricole InVivo a de nouveau été condamné vendredi 2 août pour ses procédures visant un délégué syndical CGT de la boulangerie industrielle Neuhauser, à Folschviller en Moselle. La multinationale doit réintégrer Christian Porta et lui verser plus d’un demi-million d’euros au total.

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Le salarié et délégué syndical CGT de la boulangerie industrielle Neuhauser à Folschviller (Moselle) avait été licencié fin avril 2024 pour "harcèlement moral" contre sa direction et plusieurs employés. Depuis, différentes procédures judiciaires avaient invalidé le renvoi du salarié mais l’entreprise avait entamé de nouvelles actions en vue de le licencier. Vendredi 2 août 2024, le conseil des prud’hommes de Forbach et le tribunal judiciaire de Sarreguemines ont rendu leur délibéré. Le géant agricole InVivo doit réintégrer Christian Porta et lui verser pas moins de 525.000 euros d’astreintes (pénalités financières en cas de non-respect d'une obligation faisant suite à une décision judiciaire).

Une décision rare

Dans le détail, le conseil des prud’hommes de Forbach invalide la seconde procédure de licenciement de Christian Porta et condamne donc InVivo à verser 400.000 euros d’astreintes au salarié. Il suspend "la mise à pied conservatoire et la procédure de licenciement" et demande la "réintégration effective" du salarié au sein de l’usine sous trois jours. Une nouvelle astreinte dissuasive est fixée à 22.000 euros par jour de retard. Quant à lui, le tribunal judiciaire de Sarreguemines condamne l'entreprise à verser 125.000 euros d’astreintes et exige que la direction respecte les mandats syndicaux de Christian Porta.

Cette décision sanctionne l’acharnement d’InVivo contre Christian Porta et le droit syndical

Maître Elsa Marcel, avocate de Christian Porta

Des décisions exceptionnelles, selon l’avocate du délégué CGT de Neuhauser. "Nous sommes très heureux. C’est vraiment rare que les tribunaux condamnent une entreprise à verser plus d’un demi-million d’euros à un syndicaliste. Cette décision sanctionne l’acharnement d’InVivo contre Christian Porta et le droit syndical. C’est un signal important pour mon client mais aussi pour tout le monde ouvrier", insiste Me Elsa Marcel.

Ils ont l'argent, le pouvoir mais nous avons la solidarité et le pouvoir d’arrêter la production

Christian Porta, délégué CGT et salarié chez Neuhauser

Le principal intéressé se félicite lui aussi de ces nouveaux succès juridiques. "C’est un vrai soulagement, même si on sait que la bataille n’est pas finie. J’attends maintenant de retourner travailler, j’ai demandé à recevoir mon planning sous huit jours. C’est une victoire très importante, qui dépasse ma simple personne. Cette lutte nous a renforcés et montre qu’on peut faire face à un géant de l'agrobusiness. Ils ont l'argent, le pouvoir mais nous avons la solidarité et le pouvoir d’arrêter la production. Sans nous, ils ne peuvent rien faire", explique Christian Porta, par ailleurs militant à Révolution Permanente.

InVivo fait appel

De son côté, InVivo maintient sa position et a d’ores et déjà fait appel des deux décisions. La multinationale accuse toujours Christian Porta de harcèlement moral et reproche entre autres au syndicaliste d'avoir "commis des faits d’intrusion dans l’entreprise" après son licenciement. "Il va réintégrer l’entreprise pour l’instant mais à terme cela posera forcément problème. Nous sommes très mécontents de ces décisions judiciaires et nous allons demander le dépaysement du dossier. Nous souhaitons le licencier car plusieurs salariés ont peur. Nous savions que ce serait long et coûteux de licencier Christian Porta mais nous pensons avant tout à nos salariés qu’il harcèle et qui craignent de travailler avec lui", justifie Sébastien Graff, le directeur général en charge des ressources humaines, de la communication et des projets stratégiques du groupe InVivo.

Le problème de la pérennité de cette entreprise se pose, nos clients sont de plus en plus frileux à l’idée de travailler avec l’usine Neuhauser de Folschviller

Sébastien Graff, DRH du groupe InVivo

Malgré les différentes décisions de justice en faveur du salarié licencié, la direction du groupe InVivo ne compte pas céder. "Christian Porta se revendique publiquement comme un ennemi d’InVivo, alors que nous faisons vivre plus de 14.000 salariés. Il met à mal le fonctionnement de l'entreprise, notamment avec des grèves à répétition, et a intimidé plusieurs salariés. L'entreprise a perdu des dizaines de millions d'euros avec cette agitation. Le problème de la pérennité de cette entreprise se pose, nos clients sont de plus en plus frileux à l’idée de travailler avec l’usine Neuhauser de Folschviller. Si on ne peut plus livrer nos clients, il n’y aura plus de site. Nous essayons juste de sauver cette entreprise", soutient le DRH du groupe InVivo.

Début août 2024, plusieurs procédures judiciaires sont encore en cours dans le cadre de cette affaire. Le boulanger industriel Neuhauser compte 280 employés dans son usine de Folschviller en Moselle et produit des pains et des viennoiseries pour la grande distribution, principalement pour Lidl. Il s’agit d’une filiale du géant agricole français InVivo, l'un des premiers groupes agricoles européens, qui possède notamment Gamm Vert, Jardiland et le groupe agroalimentaire Soufflet. Cette union de coopératives agricoles annonce 12,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires et emploie plus de 14.000 personnes sur 90 sites répartis dans 36 pays.

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