Déconfinement : "Il faut que les clients aient le réflexe de consommer les vins de leur terroir"

Privé de clients depuis deux mois, le petit vignoble mosellan a enregistré de lourdes pertes et les mois d'été s'annoncent cruciaux pour de nombreux producteurs. Certains ont perdu jusqu'à 80% de leur chiffre d'affaires. Une crise sans équivalent que la plupart ne juge cependant pas insurmontable.

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Le travail dans leurs vignes ces deux derniers mois n'a pas empêché les vignerons mosellans d'enregistrer une perte sèche sur le plan commercial. La faute au coronavirus qui qui a bloqué la vente directe aux particuliers mais aussi auprès des restaurateurs. Les chiffres sont édifiants : une chute de 80% du chiffre d'affaires a été enregistrée par la profession durant les deux mois de confinement. Si l'on tient compte de l'activité depuis le début de l'année, la perte se chiffre environ à 60-70%.
 

Avec l'arrêt brutal de toute l'activité économique notamment de l'hôtellerie-restauration, du tourisme et les effets du confinement, nous n'avons eu aucun client dans nos caves pendant des semaines
- Jean-Marie Leisen, viticulteur à Contz-les-Bains


L'exploitant raconte notamment que le confinement est intervenu au moment de l'année qui correspond à la pleine saison en termes de ventes. Pour son exploitation, ce sont trois à quatre cars de touristes par semaine qui manquent à l'appel et donc au chiffre d'affaires.

Pour Jean-Marie Leisen, peu évident que ces clients reviennent tout de suite car il s'agit d'une clientèle souvent étrangère, âgée et peu encline à voyager dans l'immédiat.

Dans ce secteur, l'activité de vente passe également beaucoup par les animations de printemps, notamment des soirées dégustation sous chapiteau. Or, les nouvelles contraintes sanitaires ne permettront pas d'accueillir des centaines de personnes lors de ces manifestations dans des espaces confinés. Ce type de rendez-vous sera vraisemblablement plus modeste et décalé à la fin de l'été.
 

Les conditions d'une reprise

 

"Les six mois qui viennent seront déterminants pour l'avenir et certains producteurs ne s'en remettront pas s'ils ne parviennent pas à vendre la cuvée précédente. Notamment les plus petits, ceux pour qui la vigne n'est pas la seule activité" explique Norbert Molozay, président du syndicat des vignerons mosellans et à la tête de sa propre exploitation au Château de Vaux, "les vignerons qui ont pour seule et unique activité la vigne n'ont pas le choix, il vont devoir vendre dans les deux mois qui viennent. Ces viticulteurs ont par ailleurs la capacité de garder dans les cuves une partie de la récolte 2019, tout en mettant la récolte 2020 en fûts. Dans la mesure où ils pourront vendre une partie de la récolte précédente, les professionnels devraient donc pouvoir tenir."

Norbert Molozay veut rester optimiste. "Tout d'abord, les viticulteurs constatent le retour des clients dans les caves depuis le déconfinement, ce qui est de bon augure pour la suite. Il faut savoir qu'en moyenne les viticulteurs vendent les 2/3 de leur production à des particuliers et seulement ensuite aux restaurateurs. Avec un très gros bémol cependant, les clients étrangers, eux, ne sont pas là et risquent de ne pas revenir cette année. La clientèle des clients locaux ne permettra pas d'absorber toutes les pertes."

Dans ce contexte si particulier où les stocks sont très importants, l'avantage des Vins de Moselle tient à la taille modeste de l'appellation. "Il y a en effet toujours eu plus de demande que d'offre en temps normal" rappelle Norbert Molozay, "la production avoisine les 1.700 hectolitres par an, une goutte d'eau par rapport aux deux millions d'hectolitres de Champagne ou encore aux 750.000 hectolitres de vins d'Alsace ! Il y a bon espoir pour les viticulteurs de pouvoir écouler leur production sans passer par la solution extrême de la distillation de criseEn gros, l'Etat rachète les stocks de vin invendus de la récolte précédente qui sont toujours dans les cuves, pour faire de la place à la nouvelle récolte."

Cette mesure mise en place par les pouvoirs publics prévoit l'ouverture d'une distillation de crise en France pour deux millions d'hectolitres de vins excédentaires. "Évidemment le prix de 78 centimes du litre est bien loin du prix de vente à la bouteille, un prix estimé pour une bouteille de vin de Moselle dans une fourchette de 7 à 8 euros. La perte dans tous les cas est très lourde pour les viticulteurs."

La crise de devrait pas avoir d'incidence sur les prix de vente, et donc sur la rentabilité de l'activité. En effet, les vins de Moselle ne sont pas des vins qui se consomment à des périodes très particulières, comme c'est le cas pour les vins rosés qui se boivent majoritairement pendant les mois d'été.
 

Dans ce contexte si particulier, il faut que les clients aient le réflexe de consommer les vins de leur terroir, et pour nous, ici, les vins de Moselle qui sont largement au niveau des vins d'Alsace. C'est une des conditions pour que nous puissions tenir le coup
-Norbert Molozay, Président de l'AOC des vins de Moselle

 

Un petit vignoble côté français

Si les vignes sont omniprésentes côtés luxembourgeois et allemand, elles sont beaucoup plus modestes en surface côté français. Actuellement, le vignoble se concentre sur trois îlots dans le département de la Moselle :

- le secteur de Metz 
- la région de Vic sur Seille
- la région de Sierck les Bains à la frontière du Luxembourg et de l'Allemagne
 

Selon la profession, le vignoble s'étend sur 78 hectares, exploités par seize viticulteurs. France 3 était allé à la rencontre de ceux qui sont situés justement près de la fontière luxembourgeoise et allemande, au pays des 3 frontières, un haut lieu du tourisme, le long de la route des vins de Moselle. De toute évidence, l'été 2020 ne ressemblera pas à celui de 2017 au cours duquel les équipes de France 3 ont traversé la région à moto.
 
Première étape en Moselle, avec Fabrice Rosaci, motard et journaliste ! ©France 3 Lorraine


C'est un vignoble qui revient de loin car il est en réalité réexploité depuis le début des années 80 après de longues décennies d'abandon. Le travail des vignerons a abouti à l'AOC en 2011, gage de qualité et reconnaissance du travail de reconquête effectué. Les vins de Moselle sont en majorité des blancs, mais l'appellation produit également des rosés et des rouges.
L'Inao a défini les caractéristiques des vins de Moselle, qui ont leur propre typicité

Plus près de nous, en 2019, l'AOC des vins de Moselle a connu une autre victoire : l'extension notable de son périmètre qui passe par décret à 680 hectares. Ces terres classées AOC sont désormais préservées de toute urbanisation et peuvent à nouveau être plantées.

Une aire géographique certes encore loin des 5.000 hectares exploités dans la région à la fin du 19e siècle, mais qui permettra d'étendre les exploitations existantes et de faciliter l'installation nouveaux viticulteurs. Une nouvelle étape décisive dans le développement de ce petit vignoble, s'il parvient, à surmonter la crise actuelle.
 
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