Metz : les agriculteurs pionniers de l'énergie solaire dénoncent leur abandon par l'Etat, "on n'est pas des rentiers"

Quatre agriculteurs, représentant leurs 500 collègues français, (80 dans le Grand Est) ont manifesté au lever du soleil, mardi 15 juin, devant la préfecture de la Moselle. Ils dénoncent la décision de l'Etat de réviser les tarifs de rachat de l’électricité photovoltaïque, de 65 à 2,5 centimes.

Quatre agriculteurs debout sur un lit de paille, entourés d'un panneau solaire orné d'une croix funéraire tracée à la peinture rouge et d'un tracteur, voilà la vision insolite qu'avaient ce mardi 15 juin 2016, au lever du soleil, les messins passant devant la préfecture de la Moselle. Devant ces quatre hommes, une banderole portant l'inscription "l'Etat met les paysans (du) solaire sur (la) paille".

Quatre hommes à la fois en colère et un peu déboussolés par la révision tarifaire des contrats de rachat d’électricité qui vient de leur être annoncée. Ces producteurs qui se décrivent comme les "pionniers de l'électricité issue de la filière photovoltaïque paysanne en France", s'estiment lâchés par l'Etat et plus précisément par la commission de régulation de l’énergie (CRE). Depuis sa création en mars 2000, la CRE a pour mission de veiller au "bon fonctionnement des marchés de l'électricité et du gaz en France, au bénéfice des consommateurs finals et en cohérence avec les objectifs de la politique énergétique".

Péril économique et humain

Cette autorité indépendante vient d'annoncer aux 500 agriculteurs français concernés (80 dans le Grand Est et quatre en Moselle) des tarifs révisés qui, selon eux, mettent en péril à la fois leur activité économique et leur patrimoine. Car elle fait évoluer le prix de rachat de leur électricité d'origine solaire, de 65 centimes le kilowatts-crête (kWc : puissance de production électrique maximale d'un panneau solaire) à 2,5 centimes. Une décision qui fait suite au vote de la loi de finances pour 2021 et qui s'est accompagnée de la publication, le 3 juin dernier, des projets d’arrêté et de décret, nécessaires à la mise en œuvre de cette réduction tarifaire. Une fois passée la consultation publique en cours qui s'achève le 18 juin, le processus d'élaboration du texte aboutira à sa publication au Journal Officiel en juillet. Et à son application le 1er octobre 2021.

Cette évolution concerne les plus anciens contrats de production d’électricité d’origine photovoltaïque dits "pionniers" concernant les installations d’une puissance supérieure à 250kWc. Or, comme tous les usagers aujourd'hui encore, ils se sont engagés pour vingt ans, il y a une dizaine d'années.

"Ce projet de révision tarifaire nous menace de faillite, explique Jean-Marc Breme, responsable énergies renouvelables à la Fdsea de la Moselle. Nous devons tous rembourser des emprunts que nous avons contractés pour financer l'installation sur nos exploitations de ces centrales à énergie solaire. Avec cette nouvelle tarification de la CRE, sans compter le coût de maintenance et d'exploitation de ces centrales, nous ne serons plus en mesure de supporter ces charges. L'avenir, c'est le dépôt de bilan de ces exploitations photovoltaïques et derrière sans doute des faillites personnelles et familiales."

Nous, paysans, on n'est pas des rentiers du solaire !

Jean-Marc Breme, responsable énergies renouvelables à la Fdsea 57

"On demande à l'Etat d'être raisonnable, renchérit Hubert Helvig agriculteur et producteur photovoltaïque, et de revoir sa position pour pouvoir protéger les pionniers du solaire qui ont lancé toute cette filière qui a bien émergé et est aujourd'hui une réalité."

"Que vaut la parole de l'Etat ?"

Les agriculteurs ajoutent que "les modalités de la révision tarifaire ne répondent pas aux attentes du Conseil Constitutionnel (qui) conditionne la légalité de la rupture contractuelle à l’obligation absolue que la révision tarifaire n’affecte pas la viabilité économique de la structure de production." C'est qui, selon leurs calculs, seraient bien le cas et les conduit à se demander aujourd'hui ce que vaut la parole de l'Etat.
"L'Etat veut sans doute viser d'autres que les agriculteurs, qui se seraient mis de l'argent dans les poches en investissant dans le solaire, estime Jean Marc Breme. Mais ils l'ont fait comme nous, en toute légalité. Résultat, l'Etat veut peut-être rattraper une incohérence, mais au final, nous devenons des dégâts collatéraux dans cette affaire. Nous, paysans, on n'est pas des rentiers du solaire Aucun n'a un seuil d'équilibre identique. Ce qu'on demande aujourd'hui, c'est de pouvoir continuer à rembourser les prêts contractés pour permettre à l'Etat français d'afficher son ambition de développement des énergies renouvelables. Et de prévoir une marge opérationnelle pour entretenir les installations jusqu’au terme du contrat initial. Pour cela, il faut revenir sur cette révision tarifaire que la CRE veut nous imposer."

Et les quatre "pionniers" de s'interroger.
"Si l'Etat renie ainsi ses engagements, ajoute l'un d'eux, que vaut sa parole pour les autres aides octroyées par exemple à nos collègues du bio. Vont-ils au final eux-aussi se faire enfumer ?"

Le préfet n'a pas souhaité recevoir ce matin, les quatre manifestants.
Mais ils n'ont pas dit leur dernier mot, "c'est une première action".
 

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