Coûteux, mal mené et insuffisamment contrôlé: la Cour des comptes a vertement critiqué, mardi 3 novembre 2015, les conditions du transfert à Metz (Moselle) d'emplois de l'Institut national des statistiques et des études économiques (Insee), destiné à compenser la perte d'activités militaires.
L'opération de transfert des agents de l'INSEE à Metz, si elle "apparaît fonctionnellement cohérente", a "été lente et incomplète", a "engendré des surcoûts" et a fait l'objet d'un suivi "insuffisant" de la part du gouvernement, écrivent les magistrats dans une communication transmise à l'Assemblée nationale et rendue publique mardi 3 novembre 2015 par La Cour des comptes/
L'institution estime qu'en 2014, le centre statistique de Metz a coûté 14,3 millions d'euros pour un peu plus de 200 agents en poste, en salaires, dépenses de fonctionnement et investissement.
La Cour reconnaît que le surcoût total lié à cette délocalisation d'emplois de l'Insee, dont le siège principal se situe au sud de Paris, est "délicat" à estimer.
Elle a toutefois estimé que les aides accordées en termes d'emploi pour accompagner la création de cette antenne statistique ont engendré un surcoût budgétaire "élevé" de 27 millions d'euros entre 2011 et 2016, et que ce montant devrait ensuite se stabiliser à 8 millions d'euros par an.
La Cour des comptes a par ailleurs relevé que lors de l'annonce du projet en 2009, le nombre d'emplois publics susceptibles d'être délocalisés à Metz avait été estimé à 625, répartis entre des emplois de l'Insee, ainsi que des postes de la Dares (division statistique relevant du ministère de l'Emploi) et de la Drees (division statistique dépendant du ministère de la Santé).
Mais à la suite de mouvements sociaux à l'Insee, qui dépend du ministère de l'Economie et de celui des Finances, l'objectif a été ramené à 350 emplois, sans que cela soit formellement approuvé "au niveau interministériel". Les 50 emplois de statisticiens relevant de la Santé et de l'Emploi ont, eux, disparu du dispositif.
Ce chiffre de 350 ne devrait être atteint que fin 2016. Le nombre d'agents à Metz se montait en 2015 à environ 250.
De coûteuses hésitations
Les magistrats de la rue Cambon à Paris soulignent aussi les "diverses hésitations" avant de décider d'implanter cette antenne de l'Insee dans l'ancienne gare impériale au centre-ville de Metz, ce qui entraîne un surcoût immobilier d'un million d'euros par an sur la période 2011 à 2016, en attendant que les locaux définitifs soient livrés en 2017.Pour remettre de l'ordre dans le projet, la Cour des comptes recommande de fixer une bonne fois pour toutes au niveau interministériel le nombre d'emplois à transférer, de veiller à ce que les futurs locaux soient "occupés à pleine capacité", et de ne pas pérenniser les aides budgétaires accordés à l'Insee en matière d'emploi.
L'idée de création d'un centre statistique à Metz avait été lancée en 2008, dans le cadre des diverses mesures d'accompagnement destinées à compenser la dissolution ou le transfert d'unités militaires dans toute la France.
Le bassin messin a été durement touché par cette réorganisation militaire, perdant 5.078 emplois sur 12.915.
Réaction du Maire de Metz
"Le choix d’implanter l’INSEE à Metz répond à une injustice.Metz a été durement frappée par les restructurations militaires de 2008, et notamment avec le sacrifice de la BA 128 suite à l’intervention du secrétaire d’Etat Alain Joyandet ; 5 000 emplois militaires furent supprimés et 12 000 personnes quittèrent l’agglomération. Le gouvernement de N. Sarkozy avait alors promis la relocalisation d’emplois publics avec notamment l’installation de l’INSEE à Metz en compensation de la saignée dont l’agglomération messine a été victime.
Un dossier laissé en jachère par le gouvernement de N. Sarkozy et repris par Pierre Moscovici.
En 2012, à son arrivée aux affaires, Pierre Moscovici a trouvé un dossier en jachère : 185 agents seulement sur place en 2012 et rien de prévu pour la suite du déploiement, aucun projet immobilier d’implantation réel.
Le Ministre de l’Economie a donc pris ce dossier en main et s’est rendu à Metz le 21 octobre 2013 pour rencontrer les agents déjà en poste et leur expliquer le déploiement prévu pour aboutir en 2017 à 400 agents (350 pour l’INSEE et 50 relevant de la DARES et de la DREES). Il confirma aussi le projet d’installation de l'INSEE dans l'ancienne gare au cœur du quartier impérial.
Le Maire de Metz a personnellement interpellé le 17 juillet dernier les ministères de tutelle de la DARES et de la DREES (Santé, Travail, Economie) afin que "rien ne vienne entraver" le déploiement à Metz de ces directions.
Selon Christian Eckert, Secrétaire d’Etat au Budget, la montée en charge des effectifs de l'INSEE se poursuit. 300 agents seront présents en fin d'année 2015 sachant que l'objectif final est de 350 pour l'INSEE à mi-2016. Par ailleurs, le principe de cette opération de rénovation (13,4 M€) est bien confirmé par le Secrétaire d’Etat au Budget, son financement va être assuré et une livraison du bâtiment est envisagée au 2e semestre 2017."