Municipales 2020 : vers un chassé-croisé politique ou pas à Nancy, Metz et Thionville

Les trois plus grandes villes de Lorraine n'offrent pas de garanties aux maires sortants ou à leur poulain pour l'emporter. Entre big-bang et tsunami, la gauche pourrait arriver aux affaires à Nancy et reprendre Thionville. La droite pourrait reconquérir Metz. Un scénario inédit.

A Metz, même si le scrutin s'annonce serré, François Grosdidier a pris une option pour remettre la droite au pouvoir après les deux mandats de gauche du maire socialiste Dominique Gros. En axant fortement sa campagne sur la propreté et la sécurité, le sénateur de Moselle a balayé douze années de métamorphose sur le plan économique, culturel, urbanistique, environnemental... Metz n'est vraiment plus la ville de garnison dont a hérité Dominique Gros et la capitale de la Moselle cultive même aujourd'hui l'image de destination touristique à part entière.

La ville de Metz a changé et le bilan est loin d'être celui de l'immobilisme mais “le maire sortant ne se représente pas” explique Etienne Criqui, professeur de sciences politiques à l'Université de Lorraine et “Dominique Gros n'avait pas de successeur désigné même si, à titre personnel, il soutient le candidat EELV Xavier Bouvet. Mais surtout, il n'a pas réussi à garder l'unité de sa majorité. Ses adjoints se sont dispersés dans une demi-douzaine de listes. Cela a joué en faveur de la droite dans la mesure où cette fois, elle était unie.” Car contrairement aux derniers scrutins, François Grosdidier a réussi là où Marie-Jo Zimmermann avait échoué en se prenant deux fois les pieds dans le tapis en 2008 et 2014. François Grosdidier explose même les bonus. L'ex-président PS du Conseil Régional, devenu entre temps macroniste, Jean-Pierre Masseret, a décidé d'apporter son soutien à François Grosdidier.

Si on compare Metz à Nancy, Metz est une ville sociologiquement à droite

Jérôme Pozzi, maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université de Lorraine

A Metz, les élections ont toujours été particulières” insiste Jérôme Pozzi, maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université de Lorraine “Jean-Marie Rausch a imposé sa patte pendant longtemps et il réussissait à fédérer sur son nom avec un électorat très composite. En 2008, il a été battu en raison de l'usure du pouvoir et de la division à droite. La victoire de la gauche, c'était une surprise. Si on compare Metz à Nancy, Metz est une ville sociologiquement à droite alors que Nancy est au centre-droit. Quand la gauche l'emporte à Metz, je le répète, c'est lié à des divisions à droite. Même si son score n'est pas gigantesque, François Grosdidier est son représentant. C'est l'étendard de la droite. Dans les faits, le vent lui est favorable.

A Nancy et Thionville : la gauche en pole position

A Nancy et Thionville, c'est la gauche qui peut sérieusement l'emporter si on se réfère aux chiffres du premier tour mais aussi aux alliances qu'elle a conclues, entre temps, avec les Verts. Dans ces deux villes, la stratégie est assez identique avec une volonté de rassembler ce qu'on appelle une large coalition, les “forces de gauche” à travers une “alliance plurielle” autour d'un leader. Hier adversaires, socialistes, communistes, écologistes et divers mouvements citoyens ont su reléguer au second plan leurs désaccords. Une démarche qui permet à la gauche de jouir d'une réelle dynamique pour la première fois depuis longtemps. Tout le contraire de ce qui se déroule à Metz.

La situation est inédite et la crise du Covid a redistribué les cartes

Etienne Criqui, professeur de sciences politiques

A Nancy, la victoire de Mathieu Klein serait d'ailleurs historique. La droite modérée y règne depuis trente-sept ans et tout pourrait s'effondrer en une journée. “Cela fait partie des possibilités” tempère Etienne Criqui, “mais il faut faire attention à ce second tour qui se déroule trois mois et demi après le 15 mars. La situation est inédite et la crise du Covid a redistribué les cartes. N'oublions pas également que la participation avait été très faible au premier tour. Que sera t-elle au second ? Peut-être plus élevée mais guère plus. Mais on peut penser qu'un certain nombre d'électeurs qui n'était pas allé voter le 15 mars se déplacera aux urnes le 28 juin. A Nancy, le ballotage est à priori défavorable à Laurent Hénart mais il y a une marge d'incertitude plus grande qu'elle n'aurait été si le second tour avait eu lieu fin mars. Les maires sortants à Nancy et Thionville, Laurent Hénart et Pierre Cuny, même s'ils ne partent pas favoris, ont été en première ligne dans la lutte contre le coronavirus. Ils ont été plus présents que leurs adversaires politiques... Cela pourrait favoriser leur réélection.

La vraie question, c'est de savoir comment les électeurs vont interpréter ce qu'on vit depuis quatre à cinq mois” enchérit Jérôme Pozzi, “Un électeur peut très bien penser que le Covid est un cataclysme qui démontre la faillite d'un système et que du coup, il faut faire le ménage. En gros, il faut changer les équipes en place, faire le ménage et pratiquer le dégagisme qu'on a déjà vécu à la présidentielle et aux législatives. L'autre option, c'est de faire confiance à ceux qui étaient sur le terrain quand l'Etat a été défaillant. Ici, on a vu les présidents de région, les présidents de conseils départementaux et les maires. Ils se sont souvent débrouillés pour avoir des masques, mettre en place des dépistages... L'électeur est aujourd'hui partagé entre ces deux options.

La participation : un enjeu décisif

Reste une inconnue, la participation. “C'est elle qui va déterminer les choses” analyse Jérôme Pozzi, ”moins de 45% de participation à l'échelle nationale, c'est du jamais vu depuis 1946, depuis les premières municipales sous la IVème république. On peut penser qu'il y aura un sursaut de participation... C'est difficile de faire moins que 45%. Comment les électeurs qui ne se sont pas déplacés vont se définir par rapport à deux attitudes. Pour moi, c'est une nouvelle élection et c'est très difficile de voir, localement, quelle va être l'attitude des électeurs ?

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