Niederbronn : Les jeux sont faits pour l'école de croupiers

Croupier de casino est un métier qui s'apprend. Beaucoup sont formés sur le tas, mais depuis deux ans, le casino de Niederbronn a créé sa propre école, en lien avec Pôle emploi. L'objectif : former des personnes de la région et les embaucher directement après quatre semaines de formation.
 

Debout derrière la table de jeu, le croupier fait les annonces qui rythment la partie : "Faites vos jeux… rien ne va plus…" Avec des gestes précis d'une grande dextérité, il manipule cartes, dés et jetons, et c'est lui qui calcule les gains et les pertes. Pour acquérir ce savoir-faire, il existe une école de croupiers reconnue par l'Etat, présente dans différentes villes. Mais beaucoup de casinos préfèrent former eux-mêmes leurs employés. Au casino de  Niederbronn, l'un des plus vieux de France, les nouvelles recrues ont longtemps appris sur le tas, sous la houlette d'un ancien, avant d'être mises très rapidement en situation réelle. Mais depuis deux ans, le casino a voulu professionnaliser cette formation. En collaboration avec Pôle emploi, il a créé une véritable école, avec un enseignement de quatre semaines, répondant à des objectifs pédagogiques précis. L'an dernier, une première volée de huit élèves a été formée, et tous ont trouvé une place dans l'un des trois casinos du Grand Est (Blotzheim, Ribeauvillé et Niederbronn). Une seconde formation, cette fois avec deux élèves, destinés exclusivement au casino de Niederbronn, est en cours jusqu'à début juin.  

Dans la petite salle de formation au deuxième étage du casino de Niederbronn, Maxime Sattler s'applique à mélanger les cartes dans les règles de l'art, sous l'œil attentif du superviseur de la formation. Ses gestes, hésitants au départ, sont de plus en plus fluides au fil des jours. D'ici quelques semaines, cartes et jetons exécuteront une véritable chorégraphie sous ses doigts, selon un rituel très orchestré. Maxime est l'un des deux élèves de cette seconde volée de l'école de croupiers. Sept heures par jour, et désormais de nuit, il apprend son nouveau métier,  avec un formateur et un superviseur. "Surtout la technique, précise-t-il. Comment manier les jetons, les cartes, les règlements." Car dans ce métier, technicité et dextérité sont primordiales. Au-delà de la beauté du geste, chaque jeu répond à des procédures très particulières, qu'il s'agit de respecter à la lettre. "Si on sort une carte avant l'autre, elle ne doit pas être visible avant d'être posée sur la table, explique le superviseur, Vincent Hoeffler. "Chaque geste doit être fluide et clair. Chacun, client, maître de table, croupier, doit pouvoir tout voir à chaque instant. Dans un casino, rien n'est dissimulé."


Savoir-faire et savoir-être

Un futur croupier doit aussi travailler sa voix et sa manière de faire les annnonces. "Pensez à annoncer clairement, il faut que ce soit précis" conseille Vincent Hoeffler. Et Maxime se lance, gestes accompagnant les paroles : "Mesdames et Messieurs, faites vos jeux… Les jeux sont faits… Rien ne va plus…" Durant les pauses, il potasse un livret avec tout le vocabulaire professionnel extrêmement particulier et précis qu'il devra maîtriser à la perfection. Mais au-delà du savoir-faire, qui concerne les 80% de la formation, il s'initie aussi au savoir-être. "Comment être croupier, quoi dire et ne pas dire", résume-t-il. "La technique est une chose, mais le contact avec les clients est encore bien plus important", approuvee Vincent Hoeffler. "On le leur enseigne aussi. Il faut apprendre à garder son sang froid. Comme il s'agit de jeux d'argent, il peut arriver qu'un client s'énerve. Mais il existe toujours une bonne formule à dire pour rétablir le calme."
 


Le premier jour de la formation, chaque élève a eu droit à une visite guidée des lieux de son futur travail : la grande salle de jeux, au rez-de-chaussée du bâtiment. Depuis quelques années, jeux de table et machines à sous ont été regroupés dans ce lieu, pour proposer une offre globale aux clients. "Ici on a le pôle des cartes, dont la table de black jack", présente Vincent Hoeffler. "Cette table-là propose une variante du Texas hold'em poker, où d'ordinaire, les gens jouent entre eux. Mais ici on joue contre la banque, personnifiée par le croupier." A l'entre-étage, une table de roulette française, l'une des quatre dernières encore en activité dans un casino de France. Un peu plus loin, la roulette anglaise, "qui fonctionne avec un seul croupier et un chef de table". Sans oublier la roulette électronique, qui fonctionne sans croupier. Pour Maxime Sattler, ce lieu n'était pas vraiment une découverte, il l'avait déjà fréquenté par le passé : "Je venais souvent jouer, sourit-il. J'aime cet univers. Je connaissais le monde du jeu, mais pas le monde du travail dans un casino." Après une première activité commerciale, il a donc contacté Pôle emploi lorsqu'il a eu entendu parler de l'existence de cette école de croupiers. Et il ne regrette pas son choix, même s'il a encore beaucoup à apprendre.
 


En quatre semaines de formation, il s'agit de s'approprier à la perfection la maîtrise de chacun des jeux proposés au casino de Niederbronn. Début juin, Maxime se retrouvera sans filet derrière une table de jeux, face aux clients. "De grosses sommes sont en jeu, explique Vincent Hoeffler. Et les joueurs face à lui combattent pour leur argent. Il est donc important que le croupier ait une assise, et se sente bien dans son rôle." Mais il ne sera jamais vraiment livré à lui-même. Les chefs de table ne sont pas loin, et toujours prêts à intervenir en cas de petit problème ou de litige.


Un métier difficile, mais une passion

Pour l'instant, le casino de Niederbronn emploie dix-huit croupiers de 18 à 60 ans. Début juin, les deux élèves nouvellement formés viendront s'ajouter à cet effectif. Ils seront les bienvenus, car un nouveau jeu vient de compléter le dispositif existant : la Roue de la chance, un jeu venu de Grande-Bretagne. Vincent Grastel, jeune trentenaire, travaille à Niederbronn depuis 2009, époque où il n'y avait pas encore d'école. En recherche de travail après un BTS, il a répondu à une annonce du casino, et passé des tests de calcul mental lors de l'entretien. Il a bénéficié d'un mois de formation sur le tas, avant de devoir se lancer. "Un samedi soir, au black jack, se souvient-il. Une table pleine avec de grands joueurs, des habitués. Donc c'était un moment de stress (...) mais j'ai survécu." Près de vingt ans plus tôt, en 1990, Vincent Hoeffler lui aussi avait été formé en interne : "J'ai appris le métier avec un ancien chef de table, raconte-t-il. En soirée, mais ce n'était pas aussi structuré qu'actuellement." Mais l'un comme l'autre semblent heureux d'être restés à Niederbronn. Pour Vincent Hoeffler, l'essentiel est le contact avec les clients. Un contact personnalisé, bien plus que dans d'autres casinos. Pour Vincent Grastler, ce travail, dont il ne connaissait rien au départ, est devenu une véritable passion : "Aucune soirée ne se ressemble. C'est un métier difficile, on travaille de nuit, le week-end, les jours fériés. Ce n'est pas un travail ordinaire. (…) Mais avec une bonne hygiène de vie, pas de problème."

Début juin, Maxime Sattler et son collègue seront, eux aussi, bons pour le service. En tant que croupiers débutants, ils toucheront un salaire de base complété par des pourboires. Maxime voit l'avenir avec optimisme. Dans un premier temps, il compte se perfectionner à Niederbronn. "Et après, j'envisage de demander une mutation dans le Sud, et de continuer là-bas à exercer ce beau métier." Car l'école de croupiers ne délivre pas de diplôme à proprement parler, mais la formation dispensée, complétée par quelques années d'expérience, ouvre toutes les portes, en France et à l'étranger. Et fort de ces deux premières années d'expérience, le casino de Niederbronn envisage de devenir le centre de formation national de croupiers pour l'ensemble du groupe Barrière.


L'un des plus anciens casinos de France

Le casino de Niederbronn a été créé en 1926, dans un ancien hôtel du 19e siècle. Cette création a été rendue possible, car cette même année, la ville de Niederbronn-les-Bains était officiellement reconnue station thermale. Partiellement détruit durant la Seconde guerre mondiale, le bâtiment a été restructuré dans les années 1950. La salle de jeux se trouvait à l'étage, et un gardien vérifiait la tenue des clients, avant de les laisser y pénétrer. Aujourd'hui, cette salle ne sert plus au jeux, mais elle a gardé son lustre d'antan et son décor des années 1950. Elle est proposée en location pour des réceptions et des mariages. En 1991, des machines à sous provenant des Etats-Unis sont venues compléter le dispositif des tables de jeux, et aujourd'hui, l'ensemble des jeux est regroupé dans un même espace, au rez-de-chaussée. 
 


Longtemps seul casino d'Alsace, Niederbronn en est aujourd'hui le troisième par ordre d'importance, après la création de ceux de Blotzheim et de Ribeauvillé. 64e casino de France par sa taille (Blotzheim est le 2e et Ribeauvillé le 18e), il comptabilise environ 150 000 entrées par an. La moyenne d'âge de ses clients, dont la grande majorité vit dans un rayon de 30 kilomètres, est de 55 ans, et de 30 ans le week-end.
 
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