Pfastatt : la renaissance de la ferme du château

La ferme du château de Pfastatt est connue depuis 1301. Elle a failli être remplacée par des maisons d'habitation, lorsqu'en 2015, le dernier agriculteur-gérant a pris sa retraite. Mais aujourd'hui, elle renaît, grâce à un producteur de fruits bas-rhinois, qui y fait vivre de nouveaux projets. 

Aux portes de Pfastatt, la ferme du château existe depuis le 14e siècle. Le château qui lui donne son nom a disparu. Par la suite elle a été liée à une entreprise de blanchiment de tissu, puis dès la fin du 19e siècle, elle est devenue propriété de la ville. Depuis, elle était occupée par des agriculteurs locataires. Mais lorsque le dernier d'entre eux, Dany Nussbaumer, a pris sa retraite en 2015, la survie de la ferme a semblé sérieusement compromise, après plus de six siècles d'existence. Aucun agriculteur ne se manifestait pour la reprendre, ses 15 hectares de terre étaient classés constructibles, et la municipalité de Pfastatt, tout en souhaitant maintenir une coulée verte dans la ville, n'avait pas de véritable solution. Alors la famille Nussbaumer a pris son bâton de pèlerin pour chercher de l'aide. Et elle a trouvé un Bas-Rhinois, Timothée Rothgerber, producteur de pommes à Traenheim. Ce dernier s'est épris du site, a développé un nouveau projet qui a conquis la municipalité de Pfastatt, et a cherché des partenaires. Après quatre années de transformations, la ferme du château nouvelle formule a donc rouvert ses portes. Elle propose des légumes - et bientôt des fruits - bios, un magasin de produits bios ou provenant de circuits courts, la boutique d'un pépiniériste, et une boulangerie-restaurant où tout est fait sur place. 


Un verger de 1800 arbres

En matière d'agriculture, Timothée Rothgerber n'est pas un nouveau venu. "Nous (lui et son frère) sommes producteurs de fruits à Traenheim, dans le Bas-Rhin, explique-t-il. C'est notre savoir-faire. Les arbres étaient la passion de mon père, qui en a fait son métier, et nous poursuivons." Lorsqu'il a accepté de se lancer dans la sauvegarde de la ferme du château, sa première initiative a été de planter 1800 arbres fruitiers : pommiers, cerisiers, abricotiers, mirabelliers, quetschiers, pruniers, pêchers... Tous en agriculture bio. D'ici quatre ou cinq ans, leurs fruits pourront être vendus directement dans la boutique, ou servir de base aux tartes et pâtisseries proposées dans le local voisin. 

En contrebas du verger, 2000 m2 de serres flambant neuves. Pour l'instant, seules des salades et des plants de tomates bio y poussent, mais au fil des saisons, les légumes vont varier. "Comme un peintre joue avec sa palette de couleurs, nous proposerons un spectre assez large. Les gens pourront comprendre comment nous travaillons et vivons, et le voir de près" sourit Timothée Rothgerber. Pourtant, dans l'immédiat, il n'y a pas encore de plan de rotation des cultures très défini. Il préfère rester à l'écoute de la clientèle, et s'adapter aux demandes. 
 


Dans le champ de tulipes proposées en libre-cueillette, Dany Baumann, l'ancien agriculteur-gérant de la ferme sort quelques mauvaises herbes. Il est arrivé ici avec son père en 1962, et a poursuivi jusqu'en 2015. Et quoique officiellement retraité, il revient presque chaque jour avec un immense plaisir, pour donner un coup de main. Il est particulièrement heureux de revoir des fleurs dans "sa" ferme, car lui-même avait lancé une libre-cueillette de fleurs voici plus de 25 ans, et à 14 ans, il rêvait de devenir horticulteur. "En décembre 1961, je m'étais inscrit à la formation, se souvient-il. Mais en mars 1962, mon père a repris cette ferme. Personne n'a demandé mon avis, j'ai dû l'accompagner, et suis donc devenu paysan." Durant sa carrière, il a été éleveur de vaches à lait, puis de vaches à viande. Il a aussi proposé du maïs doux en libre-cueillette, une culture que Timothée devrait bientôt relancer. "Je peux vous révéler que dès cet automne (...) du maïs doux sera proposé à la vente, confie Dany Baumann, les yeux brillants. Il ne sera pas encore cultivé sur place, mais viendra d'Alsace, tout frais, et c'est moi qui en assurerai le transport, si je suis encore de ce monde."

Dans le grand bâtiment qui abritait de l'ancienne étable, une boulangerie s'est installée, avec quelques tables. L'enseigne, Poulaillon, est plutôt liée à la boulangerie industrielle. Mais la famille Poulaillon, partenaire de Timothée Rothgerber dans ce projet, a investi à ses côtés, et sous le logo "Poulaillon à la ferme", va faire du bio, avec des recettes renouvelées. "Ils (la famille Poulaillon) se sont dit intéressés pour faire du neuf, sortir de leurs habitudes et revenir aux produits et à la nature" affirme Timothée Rothgerber. Je me suis demandé si ça pouvait fonctionner, mais on s'est mis d'accord, et ça marche." Les boulangers préparent la pâte derrière une paroi vitrée, sous les yeux des clients, le grand four à bois trône à côté des tables, et à terme, les produits - y compris une partie de la farine - devraient venir des champs et des vergers de la ferme. A midi, un plat du jour et des sandwiches sont proposés, et le nombre de tables semble déjà insuffisant.

Dans le magasin attenant, une nouvelle construction accolée à l'ancienne étable, les clients peuvent trouver de la viande bio provenant de producteurs locaux, et des fruits et des jus de la ferme Rothgerber. Dans l'immédiat, certains légumes viennent encore de plus loin, mais à terme, le projet de Timothée Rothgerber est que "les circuits (soient) les plus courts possibles entre verger, champs, boulangerie-restaurant et magasin." 

Côté aménagements extérieurs, tout n'est pas encore en place. Mais d'ici quelques semaines, les visiteurs pourront s'asseoir sur l'herbe, et les enfants profiter d'une place de jeux, puis aller câliner les animaux du futur mini-zoo, aménagé par l'association des Amis de la ferme du Château. Le troisième partenaire du projet, le pépiniériste Naegely d'Illkirch, vend déjà des plantes sur place. D'ici quelques semaines, il en cultivera une partie dans le champ en face des serres. 

Tout comme l'ancien agriculteur Dany Baumann, le maire de Pfastatt, Francis Hillmeyer, avec lequel Timothée Rothgerber a signé un bail emphytéotique, est un homme heureux. Il passe presque tous les jours, voir si tout va bien. "C'est une grande joie, et c'était un grand travail de tout mener à bien, reconnaît-il. Mais si on n'avait pas rencontré la bonne personne, on n'en serait pas là. Ces terrains auraient pu être construits. On ne le voulait pas, on voulait préserver une zone verte dans notre commune. Mais seuls, on n'aurait jamais réussi à tout maîtriser."

Pour l'instant, 25 postes ont pu être créés au total, pour l'activité agricole, la boulangerie et le magasin. Lorsque les arbres fruitiers seront arrivés à maturité, il devrait encore y avoir quelques embauches supplémentaires. "Je suis vraiment reconnaissant de voir ce que ça a donné, sourit Dany Baumann. C'est un cadeau pour les générations futures. Et je souhaite à tous les participants et à tout le personnel une très grande réussite."
 

 
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