Avec de fortes restrictions et une incertitude sur l'évolution de la situation sanitaire, la saison du théâtre alsacien est complètement perturbée. Plus de la moitié des troupes ne monteront pas sur les planches. Certains troupes s'accrochent et espèrent pouvoir jouer au début de l'année prochaine.
"Cette année, notre rideau restera immobile. Il ne s'ouvrira et se fermera ni pour les comédiens, ni pour le public". Iris Lorentz, présidente du théâtre alsacien de Blaesheim, donne le ton. Elle a pris cette décision en août. "Cela a été difficile mais c'était la bonne décision. On n'a aucune visibilité. A tout moment, la préfecture peut nous interdire nos représentations. Si on a tout préparé, fait des répétitions durant des semaines, si le public a réservé et que nous sommes contraints de tout annuler, ce serait vraiment catastrophique. Catastrophique pour nous qui avons tout préparé mais également pour le public qui se réjouissait de venir", estime-t-elle.Les comédiens approuvent la décision de leur présidente. "C'est dommage, nous nous préparions à une belle saison. Mais cela n'est que reporté : nous jouerons la pièce choisie l'année prochaine", explique Jean-Jacques Schott. En 13 ans d'existence, c'est la première fois que la troupe se trouve contrainte de reporter ses représentations. La troupe de Sélestat a pris la même décision. Son président, Etienne Mosser, explique : "nous avons annulé la première qui devait se tenir cet automne. Le coup de grâce est arrivé lorsque nous avons appris les restrictions concernants les salles des fêtes, ne pouvant accueillir plus que 30 personnes. Nous aurions donc joué pour 10 personnes..."
Les troupes de Blaesheim et de Sélestat ne font pas figure d'exception : en Alsace, plus de la moitié des troupes ont d'ores et déjà décidé de ne pas monter sur les planches. Pire, deux troupes ont même mis la clé sous la porte. "Elles ont été impactées deux saisons de suite, au début de l'année et maintenant. Faute de trésorerie, elles ne peuvent pas continuer", déplore Brigitte Moog, présidente du Groupement du théâtre du Rhin.
Avec les annulations des représentations, c'est toute la vie culturelle alsacienne qui se retrouve affectée. D'ordinaire, la région compte plus de 1000 représentations chaque année, avec un public toujours présent. Le théâtre alsacien représente une véritable institution. "Dans certains villages, le théâtre est même l'unique événement. Au sein de tous ces villages, il ne se passera strictement rien, cet hiver. D'habitude, c'est un lieu de rendez-vous pour beaucoup d'habitants, notamment les plus âgés", note Brigitte Moog.
Malgré ce contexte d'incertitude, certaines troupes s'accrochent et sont déjà en pleines répétitions. C'est le cas de la troupe d'Haguenau. "Pendant le confinement, nous correspondions par mail. J'ai demandé aux comédiens ce qu'ils voulaient, tous ont souhaité continuer", explique Christian Roth, metteur en scène. Tous les jeudis, la vingtaine de comédiens se retrouve pour répéter.
La pièce choisie cette année, "Rennerei im Spitàl" ("Course-poursuite à l'hôpital") n'est pas due au hasard. "L'idée, c'est que l'on puisse rire d'un thème hautement d'actualité qui a causé beaucoup de peine ces derniers mois", poursuit Christian Roth. Pour l'occasion, "nous inviterons tout le personnel hospitalier ainsi que celui des deux cliniques d'Haguenau à assister à l'une de nos représentations".
Si la troupe d'Haguenau peut se permettre d'espérer jouer, c'est parce qu'elle montera sur les planches du théâtre italien d'Haguenau. Le protocole sanitaire y est beaucoup moins strict que pour les salles polyvalentes. "Bien sûr, il n'y aura pas de buvette ni d'entracte contrairement aux autres années", explique le metteur en scène. Pour eux, l'important est de pouvoir monter sur les planches coûte que coûte. "Et si nous étions amenés à annuler nos représentations, nous reporterions la pièce à l'an prochain", conclut Christian Roth.