Ce mercredi 7 avril 2021, le mercure a frôlé les -5° dans l’Aube. Une météo, qui a pris par surprise certains maraîchers, quand d’autres s’étaient préparés à cette baisse des températures.
Valérie Beaugrand s’en souvient comme si c’était hier. Ses plants de tomates croulant sous la neige tombée fin avril 2017 sur Saint-Germain dans l’Aube. Le gel de ce mercredi matin ne l’effraye donc pas plus que ça. Cette petite-fille et fille de maraîchers aubois a repris l’entreprise familiale en 2015, elle connaît bien le rythme des saisons dans le département.
"Ce qui me choque ce n’est pas le gel ou la neige, mais plus l’écart entre les températures d’un jour à l’autre. Fin mars, on note des 26 degrés et une semaine plus tard -5°. Il y a trop d’amplitude. C’est ça qui est nouveau et problématique pour les cultures", confie-t-elle.
Les températures plus chaudes lancent un processus de végétation pour certains fruits et légumes qui peut être détruit par le gel. "Le gel, on le connaît, on sait quoi faire face à lui. J’ai ressorti mes voiles de forçage, des toiles tissées qui permettent de garder un écart de quatre degrés entre la terre et les plans, mais pas plus. Sans eux, même sous serre, certaines plantations finiraient par mourir", rajoute la maraîchère.
Sa peur se situe surtout sur la durée de la période de gel : "Si elle continue sur plusieurs jours voire semaines, on risque de prendre du retard sur les plantations notamment de pommes de terre. Je produis essentiellement des légumes et quelques fruits comme les pastèques ou les melons. Ce qui pousse sans problème dans le département désormais. Mais je pense aux viticulteurs et aux producteurs fruitiers qui se retrouvent confrontés à cette vague de froid. La seule chose que j’ai perdue, ce sont des plans de courgettes, mais parce que j’avais fait le pari avec les températures plus chaudes de la semaine passée de les sortir. C’est ma faute plus que celle de la météo."
Ces gelées sont une façon de la nature de nous rappeler qu’elle a un rythme et qu’on ne peut pas le devancer.
L’an dernier, le mois d’avril avait été chaud et avait permis une sortie prématurée de certains plans, mais ce n’est pas forcément une bonne chose selon Valérie Beaugrand. "Les jardineries et certains magasins sortent leurs plants de tomates début février, ces gelées sont une façon de la nature de nous rappeler qu’elle a un rythme et qu’on ne peut pas le devancer", explique-t-elle. Un avis que partage Cédric Guyot, maraîcher à Rumilly-lès-Vaudes.
"La météo nous rappelle à l’ordre ces dernières années. J’ai déjà perdu des récoltes à cause de la grêle, puis des inondations, et enfin de la neige, car je ne pouvais pas les protéger du temps. Je suis spécialisé dans la fraise et c’est un fruit qui supporte mal les gros écarts de température qu’elles soient froides ou chaudes d’ailleurs. Elles ne sont pas bien au-dessus de dix degrés par exemple mais n’aiment les gelées non plus", détaille l’aubois.
Investir dans des serres
Cédric Guyot s’est lancé dans l’entreprise le "Jardin du Père Guyot" en 2007 et s’est décidé après les chutes de neiges de 2017 d’investir dans des serres et notamment des serres chauffées. Un investissement assez coûteux qu’il ne regrette pas : "D’habitude, j’aurais dû attendre le mois de juin pour proposer mes fraises, mais là dès le mois d’avril, je vais pouvoir en vendre à mes clients."
Ce type d’installations a coûté soixante-dix euros le mètre carré et recouvre 5.000 mètres carrés de la propriété du producteur de fruits et légumes. Des dépenses nécessaires qui permettent actuellement à Cédric Guyot de conserver ses plans à l’abri du gel et de ne plus perdre sa production : "Je suis plus serein cette année. Je n’ai pas à rentrer certains plans, ils sont déjà protégés et grandissent bien. J’ai plus de peine pour les viticulteurs et les spécialistes des arbres fruitiers qui risquent de perdre certaines de leurs récoltes, si la vague de froid dure."
Les viticulteurs aussi anticipent
Que le maraîcher se rassure certains viticulteurs de champagne-ardenne, eux aussi échaudés par les précédentes vagues de froid, ont anticipé cette baisse des températures. Comme à Champillon dans la Marne, où les chaufferettes sont à l’action depuis deux jours.
C'est un spectacle qui n'a lieu que rarement, au mieux, une à deux nuit par an. Pour lutter contre le gel, ce mercredi 7 avril, comme la veille, certains viticulteurs de Champagne dans l'Aube et dans la Marne, ont allumé des braseros pour sauver leurs vignes du froid. C'était le cas à Champillon, à Hautvillers mais aussi dans le secteur de Sézanne.