VIDEO. Il y a 120 ans, l'empereur Guillaume II est venu à Bitche, inaugurer la gare et le camp militaire

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Sujet Rund Um en alsacien sous-titré ©France Télévisions

La ville de Bitche, en Moselle, fête ce printemps 2023 un anniversaire particulier. Voici tout juste 120 ans, elle a eu l'honneur d'une visite impériale. Guillaume II en personne est venu inaugurer sa gare et son camp militaire. L'occasion, pour Rund Um, de voir ce qu'il en reste aujourd'hui.

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Avec ses moellons de grès rose et sa tourelle, la gare de Bitche a encore fière allure, même si plus aucun train de voyageur ne la dessert depuis bientôt trente ans. Mais vu son passé prestigieux dont il reste encore des traces, l'association T2SB (Train Touristique Sarreguemines Bitche) tente de la faire revivre.

A quelques kilomètres de là, le camp militaire, ouvert officiellement en 1903, est devenu depuis 2007 l'un des pôles d'entraînement de l'armée française. Son site de près de 3,5 hectares abrite également des bâtiments administratifs et des ateliers techniques. Mais au début du 20e siècle, près de 3.500 soldats et une centaine d'officiers pouvaient y séjourner.

L'un comme l'autre lieu ont été inaugurés officiellement le 14 mai 1903 par l'empereur allemand Guillaume II (Wilhelm der Zweite). Une visite exceptionnelle et marquante pour la petite ville mosellane.

Une visite-événement

"L'empereur est arrivé en gare de Bitche vers 10 h du matin. La veille, il avait visité le Haut-Koenigsbourg, et ce 14 mai 1903, il est arrivé de Strasbourg dans un train spécialement affrété, qui s'est arrêté sur ce quai."

Quand Sonny Sadler, le président de l'association T2SB, raconte la visite de Guillaume II, on a l'impression qu'il y a lui-même assisté. "Accompagné par sa garde, l'empereur s'est dirigé par là, jusqu'à la salle d'attente de Première classe, spécialement aménagée pour lui. Au sol, on voit encore la belle marqueterie, avec un motif d'étoiles." Un sol aujourd'hui défraîchi, que des bénévoles se sont efforcés de nettoyer à l'occasion de la petite cérémonie de commémoration du 14 mai dernier, jour pour jour 120 ans après l'événement.

A l'intérieur du bâtiment, quelques panneaux explicatifs préparés par l'association T2SB et la SHAL (Société d'histoire et d'archéologie de Lorraine) reproduisent photos, cartes postales et coupures de journaux de l'époque. Qui donnent moult détails de la visite impériale.

"Nous avons été étonnés par le nombre de personnes présentes ce jour-là" raconte Joël Beck, président de la SHAL du Pays de Bitche. "Notamment beaucoup de femmes et de jeunes filles en costume lorrain. Il y a eu des cartes postales éditées pour l'occasion. Et aussi bon nombre d'articles dans les journaux de l'époque.

C'était d'une telle envergure qu'un journaliste a été envoyé sur place, pour décrire heure par heure le parcours de l'empereur (…) C'était vraiment un événement considérable pour une ville comme Bitche."  

En réalité, cette gare ainsi inaugurée en grande pompe était le second bâtiment construit à cet emplacement. Une première gare, plus modeste, avait été édifiée en 1869, lorsque Bitche était encore française.

"A l'époque, les industries De Dietrich du secteur de Reichshoffen (Bas-Rhin) avaient besoin de charbon. Or, celui-ci provenait de Merlebach (Moselle), du bassin houiller" rappelle Sonny Sadler. "Une première voie de chemin de fer a donc été construite de Thionville (Moselle) à Dehlingen (Bas-Rhin). Puis, dès 1869, de Sarreguemines jusqu'à Niederbronn. Ces premiers trains étaient uniquement destinés au fret, principalement au transport du charbon."

Les trains de voyageurs se sont développés après 1870. "Et les Prussiens ont trouvé cette première gare trop petite. Car ils voulaient amener de nombreux militaires jusqu'à Bitche." D'où la construction du bâtiment actuel, qui a accueilli des voyageurs durant près d'un siècle, de 1903 jusqu'à l'arrêt de la ligne, en novembre 1996. 

Un camp pour une ville militaire

La vocation militaire de Bitche était bien antérieure à l'arrivée des Prussiens en 1871. Une première citadelle a été construite au 17e siècle par Vauban, sur ordre de Louis XIV. Au 18e siècle, sous Louis XV, de nouveaux travaux de fortification ont été menés par l'architecte Cormontaigne. Et durant le conflit franco-prussien, le commandant Teyssier a soutenu dans la citadelle un siège héroïque.

Mais ensuite, partiellement détruite, elle n'était plus habitable. Quand, au début des années 1890, le XVe corps d'armée de Strasbourg a commencé à organiser des manœuvres à Bitche, les soldats devaient loger sous tente, ou dans des baraques près de la gare. En 1899, l'armée allemande a donc acheté un grand terrain du côté de la commune d'Haspelschied, afin d'y créer un véritable camp. Les travaux de déboisement ont duré plusieurs années, et la construction des bâtiments en dur a commencé dès 1901.

Ce fameux 14 mai 1903, après une cérémonie en ville, devant le buste de son grand-père Guillaume 1er, l'empereur Guillaume II s'est donc également rendu au camp, pour l'inaugurer officiellement. "Il est arrivé en calèche pour assister à des manœuvres, assis sur son cheval blanc, avant de reprendre le train pour Metz" raconte Roland Mazacz, membre de la SHAL du Pays de Bitche. Selon les historiens, l'empereur n'a pas pris le temps de pénétrer dans l'enceinte du camp, ni de visiter les innombrables baraques en tôle ondulée, où les soldats devaient dormir. 

Ce site militaire, allemand jusqu'en 1918, puis français, à nouveau allemand durant la Seconde guerre mondiale, puis à nouveau français, a connu de nombreuses transformations au fil des ans. Les baraques en tôle ont disparu, de même que, par la suite, l'usine à gaz, la maison du coiffeur et la coopérative militaire. Mais certains bâtiments "n'ont pas changé depuis leur construction originelle dans les années 1900-1910" assure Joël Beck. Particulièrement emblématique, "le bâtiment surmonté d'un clocheton qui servait de poste jusque dans les années 1930. Et, dans l'alignement, un superbe porche qui était l'entrée du poste de garde."

A quelques centaines de mètres, dans la forêt, il reste encore des traces de rails et d'un bout de quai en béton. Ce sont les derniers reliquats de la gare de Bitche-Camp. "C'était une bifurcation depuis Bitche" précise Roland Mazacz. "Elle menait vers la zone militaire pour y acheminer les hommes et le matériel. Ici, c'était le terminus." Le petit bâtiment de la gare a été démoli en 1996, lors de la fermeture de la ligne Sarreguemines-Niederbronn-Haguenau. Et depuis, la nature a repris ses droits.

Une seconde vie pour la gare de Bitche

Quoique fermée depuis la même période, la gare de Bitche n'a heureusement pas subi le même sort. Et désormais, les bénévoles de l'association T2SB s'investissent pour lui insuffler un second souffle.

"En créant l'association en 2018, notre objectif était de sauver le bâtiment" rappelle Sonny Sadler. "Il avait été détérioré, vandalisé, et les rails étaient recouverts de végétation. Nous avons lancé des appels aux bénévoles sur les réseaux sociaux, et pu commencer à nettoyer et réparer. Notre but est la sauvegarde du patrimoine ferroviaire. Et quand la SNCF nous a accordé une location gratuite, nous avons voulu faire un pas de plus."

Pour mieux se faire connaître, l'association a acheté onze draisines d'occasion. Environ six dimanches par an, jusqu'à fin septembre, elle propose des balades à la force des mollets sur la voie ferrée à l'abandon. Un trajet de 3,5 kilomètres depuis la gare jusqu'à l'étang du Hasselfurth, qui nécessite environ une heure pour l'aller-retour.

Mais pour cela, les bénévoles de l'association n'hésitent pas à mouiller la chemise. "Nous passons chaque année d'innombrables heures avec nos débroussailleuses, nos tronçonneuses et nos tondeuses pour que la voie soit praticable" raconte Sylvain Eschenbrenner, membre de T2SB. "C'est un énorme boulot."  

Un effort récompensé, puisque par année, près de 3.000 personnes viennent ainsi pédaler sur les vieux rails. L'activité est aussi accessible en semaine, sur réservation, à des groupes, des écoles et des comités d'entreprises.  

D'ici cet été 2023, un vieux train sera aussi exposé à demeure le long d'un quai. Et l'association caresse encore un autre projet. "Vous, en Alsace, vous avez le train Thur-Doller, et le Chemin de fer touristique du Rhin" explique Sonny Sadler. "Notre projet à nous, c'est une locomotive à vapeur et deux voitures, qui feront l'aller-retour Bitche-Lemberg à 30 à l'heure. Avec une petite restauration proposée dans un wagon."

Le président de T2SB l'assure, "le dossier est en route." Même si, pour obtenir la ligne et faire les réfections nécessaires, "ça mettra encore quelques années" il se dit confiant. Et se réjouit de voir bientôt un train, peut-être même de l'époque de celui qui a amené Guillaume II depuis Strasbourg, s'arrêter à nouveau en gare de Bitche.

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