A l'occasion de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes, ce mercredi 25 novembre 2020, nous avons rencontré Ana, une Rémoise de 36 ans, victime de l'agression de son ex-compagnon, le 18 septembre dernier. Un récit glaçant.
Ana est âgée de 36 ans. D'origine portugaise, elle est installée en France depuis 13 ans et depuis un an dans la Cité des Sacres. Séparée de son ex-compagnon, avec qui elle a vécu une histoire pendant huit années, Ana a frôlé le pire ce 18 septembre 2020. Le tout sous les yeux de sa fille, aujourd'hui âgée de quatre ans.
"Mon ex-compagnon est venu chercher notre fille pour le week-end. Il est arrivé déjà un petit peu tard. J'accompagne ma fille jusqu'à la voiture, je la mets dans le siège auto. Elle n'était pas très bien, elle pleurait parce qu'elle ne voulait pas y aller. Je l'installe et monsieur me dit qu'il a encore des affaires à moi qu'il a trouvées et qui sont dans le coffre de la voiture. Je m'approche et je vois qu'il n'y a quasiment rien dans le coffre, juste une bâche et un sac. Je regarde dans le sac, je sors une robe, je la pose sur mon épaule. Je sors un deuxième vêtement et là, je commence à avoir des coups sur la tête", raconte-t-elle.
"C'est là que mon cerveau a tilté"
"Je n'arrive pas à comprendre d'où ça vient. J'essaie de comprendre ce qu'il se passe et c'est là que monsieur essaie de me mettre dans le coffre de la voiture. C'est là que mon cerveau a tilté ce qui était en train de se passer. Je me suis battue comme j'ai pu pour me libérer. J'ai essayé de crier mais il m'a mis la main sur la bouche. Je l'ai mordu, j'ai crié de toutes mes forces à l'aide. J'avais l'impression que ma voix ne sortait pas, c'était vraiment très angoissant. Je suis tombé par terre, monsieur essayait toujours de me prendre pour me mettre dans le coffre. Je l'ai éloigné avec des coups de pied jusqu'à ce que je me rende qu'il y avait une silhouette à côté de moi. Monsieur s'est rendu compte aussi qu'il y avait quelqu'un. Il m'a alors lâchée pour fermer le coffre et se mettre dans la voiture. Quand j'ai vu qu'il partait, je me suis relevée, j'ai ouvert la portière arrière pour libérer ma fille.Il a démarré, je suis restée accroché quelques mètres à la portière puis j'ai perdu mes forces. Je suis tombée et il est parti avec elle.
A l'issue de cette scène glaçante, Ana est sous le choc. "Je n'ai pas du tout compris. On avait eu des différends mais de là à vouloir me tuer. J'avais peur pour ma fille. C'est par la suite seulement que j'ai vu que je dégoulinais de sang parce qu'il m'a cassé la tête à plusieurs endroits. Elle faisait le double à cause des hématomes. Ça a été compliqué après d'aller aux urgences de faire toutes les démarches. Mais ma pire angoisse était vraiment de savoir où était ma fille."
Une attente qui durera jusqu'au lendemain où l'homme est interpellé à Orléans avec sa fille. En repensant à la scène, Ana comprend qu'elle a évité le pire. Pouvait-elle prévoir un tel accès de violence ? Elle assure que non, même si, en y repensant, il y avait eu des signes avant-coureurs.
"On est resté ensemble huit ans et c'était surtout de la violence psychologique. J'étais toujours très entourée avec des collègues de travail, des amis etc et au fur et à mesure, je ne voyais plus personne. On était que tous les deux. On avait des différends par rapport à l'argent parce qu'il avait pas mal de dettes et je devais tout acheter pour notre fille.
J'étais déjà partie une première fois de la maison. Ma fille n'avait même pas un an. Je suis restée un moment dans un appartement fourni par la mairie mais monsieur venait souvent pour voir sa fille. Il me disait qu'il avait changé. A l'époque, j'étais tellement fatiguée parce que je devais m'occuper de ma fille 24 heures sur 24, que j'ai décidé de lui donner une chance. Pour notre fille également. Ça s'est amélioré pendant quelques mois et puis c'est redevenu comme avant...
Insultée de tous les noms
Physiquement, en mars 2019, suite à une dispute, il m'avait poussée sur le lit. Là, je me suis dit stop, ce n'est plus possible, on arrête là. A partir de ce moment-là, je dormais dans la chambre de ma fille et le temps que j'arrive à trouver un autre appartement, en août 2019, il y a eu une autre dispute et il m'a donné un coup dans l'épaule. Il m'a insulté de tous les noms et m'a dit "va dans un foyer". Et là, j'ai fait les démarches pour m'en aller. Il y avait une possibilité de mutation à Reims, à une heure de là où j'étais. Cela me permettait de m'éloigner assez pour qu'il ne m'embête pas tout le temps et ma fille pouvait continuer à voir son père qui la cherchait un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. J'ai emménagé à Reims en août 2019."L'ex-compagnon a été condamné le 20 octobre 2020 à trois ans de prison dont 18 mois avec sursis et s'est vu retirer l'autorité parentale. Il a fait appel et la procédure est en cours.
"Tout indique que son but était de mettre fin à mes jours"
Aujourd'hui, Ana tient à faire passer un message. "Il est important de parler. Je n'ai jamais pensé que cela pourrait m'arriver à moi. Bien sûr, j'ai peur. Quand il sortira de prison, voudra-t-il se venger ? Je ne sais pas mais je ne peux pas me taire parce que ce n'est pas juste. Je suis une rescapée. Qu'est-ce qui se serait passé s'il m'avait donné un coup qui m'avait fait perdre connaissance ? Ou s'il avait réussi à me mettre dans le coffre de la voiture ? J'ai su par après que, dans le coffre, il y avait du ruban adhésif, des couteaux de cuisine, une batte de base-ball. Tout indique que son but était de mettre fin à mes jours. Pourquoi ? Je ne sais pas."Une peur qu'elle porte aussi pour sa fille. "Ma fille ne me parle pas de son père. Si elle veut voir son père, je veux que ça vienne d'elle. Les deux week-ends précédents l'agression, où elle a dû aller chez lui, elle me suppliait ne pas l'obliger à y aller. Moi, je me suis dit, elle doit voir son père, et maintenant, je me pose beaucoup de questions sur ce qui a pu se passer aussi avec elle pour qu'elle ne veuille plus le voir. L'agression l'a aussi beaucoup chamboulée et on doit faire une petite thérapie avec un pédopsychiatre pour dépasser cela."
Pour l'aider à se reconstruire, Ana a pu compter sur le soutien de l'association Le Mars France Victimes 51, à Reims, qui vient en aide aux victimes. En France, en 2019, 146 femmes sont mortes sous les coups de leur partenaire ou ex-partenaire soit une femme tous les 2,5 jours.