Les cadavres d'animaux morts dans les exploitations ne sont plus collectés dans le Grand Est. Les agriculteurs sont contraints de les garder avec toutes les nuisances que cela entraîne. Un vrai problème de salubrité se pose, alors que les usines de traitement ne peuvent plus assurer leur mission pour cause de surcharge.
D'ordinaire, les agriculteurs ne peuvent pas garder un animal mort sur leur exploitation plus de 48 heures. Mais c'est à une toute autre situation qu'ils sont confrontés depuis une dizaine de jours. La collecte assurée par l'entreprise Atemax est à l'arrêt, les éleveurs sont donc contraints de garder les bêtes mortes sur leur exploitation.
On a plusieurs centaines de bêtes mortes qui sont en attente d'être enlevées, c'est un dysfonctionnement inacceptable
Philippe Clément, président de la FDSEA 88
"Dans certaines exploitations, il y a des animaux qui attendent depuis plus de huit jours, je vous laisse imaginer l'odeur et les problèmes de voisinage. C'est la saison des mises bas et il y a toujours des pertes en plus des animaux qui peuvent mourir de causes diverses. Actuellement dans les Vosges, on a plusieurs centaines de bêtes qui sont en attente d'être enlevées, c'est un dysfonctionnement inacceptable pour nous, d'autant que le département à vocation d'élevage" se désole Philippe Clément, président de la FDSEA des Vosges qui insiste sur le fait qu'il n'existe pas d'alternative à l'équarrissage. L'enfouissement et l'incinération d'animaux morts sont en effet interdit. L'agriculteur dit attendre de l'Etat la même exemplarité qui leur est demandé.
Même son de cloche dans les autres départements du Grand Est
"Normalement on doit laisser les animaux morts à proximité des accès pour qu'ils soient enlevés facilement, mais là, on les met au fond de la ferme, ça pue la mort, c'est une catastrophe. On nous avait dit de les couvrir avec une bâche pour éviter d'attirer les prédateurs mais ça chauffe sous la bâche. Les services vétérinaires du département nous ont dit de les couvrir de paille plutôt, mais on ne va pas tenir longtemps comme ça", explique Jean-Guillaume Hannequin, président de la FDSEA de la Meuse qui a alerté les agriculteurs via les réseaux sociaux :
En Meurthe-et-Moselle, on s'inquiète aussi de cette situation et des risques sanitaires. "Pour les moutons à la rigueur, on peut les mettre dans des bacs mais imaginez pour une vache", s'alarme Vincent Jeanpierre secretaire général de la FDSEA 54. "Je connais un administrateur qui a une vache morte sur son exploitation depuis déjà une semaine ! Heureusement des bêtes ne meurent pas tous les jours mais il va falloir réagir. Il existe un vrai risque de colporter des maladies. Le problème est présent depuis plusieurs semaines, au départ le rythme de collecte s'est ralenti, j'ai mis ça sur le compte de l'été mais cette fois plus rien, j'ai contacté la DDPP (Direction départementale de la protection des populations) pour les alerter".
Une surmortalité des animaux en cause ?
Si les animaux morts ne sont pas ou peu collectés, c'est parce que l'usine de traitement située dans le nord de la France ne peut plus suivre.
"On nous parle de surmortalité due à la chaleur mais je n'y crois pas", pense pour sa part Philippe Clément. "J'espère qu'il ne s'agit pas d'un problème d'organisation ou de manque de main d'œuvre l'été, car le risque d'insalubrité est bien réel", s'agace l'agriculteur vosgien.
"Cette histoire renforce notre sentiment d'abandon", exprime pour sa part Jean-Guillaume Hannequin. "On se sent déjà en décalage avec le reste de la société l'été car c'est notre pleine saison", s'attriste le président de la FDSEA de la Meuse. "J'ai demandé une audience au préfet mais on a peu d'infos".
Parallèlement, on apprend ce vendredi 23 août que les cas de fièvre catarrhale ovine explosent dans le Nord-Est avec 190 cas identifiés dans le Nord (le Sud est déjà touché) y compris dans les départements de Lorraine et Champagne-Ardenne.
Y a-t-il pour autant un lien avec la surcharge de la filière de traitement des cadavres d'animaux ?
"On ne peut pas faire de lien dans les Vosges car nous n'avions pour l'heure que des suspicions de fièvre, les résultats d'analyses des laboratoires viennent de tomber et encore une fois, nous n'avions pas jusqu'alors observé de surmortalité", affirme Philippe Clément. "Je ne pense pas qu'il y aura une hécatombe car les exploitants ont anticipé en désinsectisant leurs troupeaux", rassure l'agriculteur.
Une collecte de secours dans les Vosges
De son côté, Atemax reconnaît des retards depuis deux semaines et indique que les demandes d'enlèvement d'animaux mort sont en "hausse de 10 à 15%" par rapport à l'an dernier, a précisé à l'AFP la chargée de communication de l'entreprise. "Cette situation est la conséquence des pics de chaleur de fin juillet/début août qui ont provoqué une surmortalité" et "une augmentation des volumes avec afflux de matières particulièrement dégradées et difficiles à traiter dans les usines de Vénérolles (Aisne) et de Saint-Langis-lès-Mortagne (Orne)", détaille également un communiqué d'Atemax.
En attendant que la collecte puisse reprendre, les services vétérinaires recommandent de garder les cadavres au frais autant que possible. Face à cette situation inédite, l'entreprise d'équarrissage cherche des "solutions alternatives" pour plus de 800 tonnes de cadavres et fait savoir que des discussions sont en cours avec les "services de l'État". Ce pourrait être exceptionnellement l'enfouissement et l'incinération. Pour le moment, aucun délai de retour à la normale n'a été communiqué.
Ce vendredi soir, une réunion a eu lieu en préfecture des Vosges pour mettre en place une collecte de secours :
Les agriculteurs du département sont invités à se rapprocher de la chambre d'agriculture, la collecte d'urgence sera assurée par d'autres sociétés.