1940, la bataille de France au jour le jour : 22 mai, les SS massacrent des civils dans l'Arrageois

EPISODE 14 - C'était il y a 80 ans. Après avoir essuyé de lourdes pertes près d'Arras face aux chars britanniques, la division SS Totenkopf se vengeait sur les populations civiles. A Aubigny-en-Artois et plusieurs villages alentours, une centaine d'habitants et réfugiés furent froidement massacrés.

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Marc Bloch et l’Etat-major du groupe d’armées du Nord continuent de fuir l’avancée allemande. Ils quittent Lens pour Estaires sur les bords de la Lys.
 


Ce carrefour routier important est sous le feu des avions allemands. "Dès la première après-midi, une bombe, sans toucher directement l’auberge où nous gîtions, en ébranla avec assez de force la cheminée et les murs pour couvrir nos habits, nos papiers et nos visages d’une innombrable suie".
 


A Saint-Venant, les habitants s’attendent à voir arriver les Allemands. Les réfugiés errent maintenant en tous sens, pris au piège dans la région comme les militaires alliés. Certains reviennent de l’Artois et sont formels : l’ennemi arrive.
 


Le bruit de bombardements se fait entendre vers Béthune ou Aire-sur-la-Lys. Vers 19h, les bombardiers attaquent la ville. Habitants et réfugiés cherchent un abri.

Tous n’y parviennent pas comme le raconte Dominique Faivre dans son livre Les combats de 1940 dans la région de Saint-Venant : "Rue des Casernes. Une famille de réfugiés lillois se précipite à l'abri dans des dépendances de la brasserie Vanhoucke dès l'attaque des "Stukas". Elle pense être en sécurité derrière ces murs épais. Mais une bombe explose sur le bâtiment. La famille Rouffelaers est décimée : la mère et trois de ses enfants sont tués sur le coup, les trois autres sont grièvement blessés. On retrouvera huit autres corps sans vie de femmes et d'enfants".
 


L’hôpital psychiatrique est transformé en hôpital de campagne et reçoit les nombreux blessés. Les habitants n’osent pas fuir. Ils entendent les histoires des réfugiés qui parlent de pillages ou d’exécutions sommaires de civils. 

Les routes des environs sont plus que jamais dangereuses. La veille les avions allemands ont "nettoyé" la route allant de Hesdin à Saint-Omer en mitraillant la chaussée et les villages pour préparer l’arrivée des soldats.
 


Des militaires britanniques et français se retranchent dans la ville, notamment autour de l’hôpital psychiatrique. Ils se préparent pour un combat d’arrière-garde et ralentir un peu les Allemands.

Le martyre d'Aubigny-en-Artois


La division SS Totenkopf a perdu 248 hommes en 2 jours. Elle a connu son véritable baptême du feu la veille et ce fut une journée difficile. Des membres de cette troupe d’élite ont été pris de panique face aux chars britanniques, pas très glorieux pour ces SS et leur chef Theodor Eicke.
 

En s’avançant vers Saint-Pol-sur-Ternoise, les SS terrorisent les habitants et les réfugiés qu’ils croisent, au prétexte de rechercher des soldats britanniques ou français en fuite.


A Berles-Monchel, des SS jettent des grenades sur un convoi de refugiés et tirent sur les civils qui s’enfuient. 45 personnes sont tuées. A Aubigny-en-Artois, les troupes allemandes sont prises sous le feu d’avions alliés.
 


Autour de la gare, quelques Britanniques refusent de se rendre et vendent chèrement leur peau.
 


Vers 9 heures, des SS fouillent des maisons, un adolescent est pendu et 64 hommes âgés de 16 à 73 ans sont pris en otage. Dans l’après-midi, ils seront fusillés dans une carrière à la sortie de la commune.
 


Il s’agit la plupart du temps d’exécutions commises de sang froid comme le 23 mai à Pont-du-Gy où 22 personnes sont abattues ou brûlées dans un incendie. A Etrun aussi, 5 civils sont massacrés. Le 25 mai à Duisans, 14 civils sont également tués.
 

 

Autour d’Arras, Français et Britanniques résistent aux Allemands


A Arras, un régiment gallois est retranché dans le centre-ville. Des barricades sont dressées dans les rues, l’Abbaye Saint-Vaast, près de la cathédrale, est transformée en camp retranché.
 


Plus au nord le Mont-Saint-Eloi, tenu par les Français, est attaqué dans la matinée.
 


Les Allemands s’en emparent mais le village est repris par le 4e régiment de dragons portés qui s’y accrochera jusqu’au lendemain malgré les bombardements incessants des Stukas.
 

 

Le fort de Boussois se rend


Près de Maubeuge, la garnison du fort de Boussois, petit ouvrage de la Ligne Maginot du Nord, tient les Allemands en respect depuis 4 jours.
 


Vers 9 heures, après un bombardement de Stukas, des soldats allemands parviennent sur le toit et neutralisent les bouches d’aération.
 


A 11 heures, toutes les armes du fort sont hors d’usage, la garnison de 195 hommes doit se rendre. Pour se défendre, elle aura tiré 500 000 cartouches de mitrailleuses et plus de 2000 obus.
 


En 2010, nous avions rencontré un rescapé de ce type d’assaut contre un fort. Gaston Veyrich était sergent dans le 156e régiment d’infanterie de forteresse. Il était affecté au fort de Kerfent, en Lorraine, sur la Ligne Maginot.
 


Le Kerfent est un fort de petite taille avec 125 hommes de garnison. Le 21 juin 1940, à 6h du matin, les Allemands partent à l’assaut. L’artillerie se déchaîne. Les défenseurs et les autres forts voisins tirent sur les positions allemandes. Le colonel von Lichtenstern est tué d’une balle en pleine tête. Il faudra 760 obus, 258 grenades et 6300 balles perforantes pour venir à bout des défenses du Kerfent.

A 11h, pour éviter à leurs hommes une mort par asphyxie comme au fort de La Ferté, les officiers négocient la reddition.
 


La veille de l’Armistice, Gaston Weyrich est fait prisonnier. Il a combattu dans une tourelle blindée exposée au tir d’artillerie et s’en sort miraculeusement avec quelques dents cassées.

 


"L’obus de la veille de l’attaque a été vraiment meurtrier, parce qu’il y avait un incendie dans le bloc, le jumelage de mitrailleuses était inutilisable, le canon de 47 n’avait plus de fixation", nous avait raconté Gaston Weyrich. "Donc je me suis installé dans la cloche, nous avions un fusil mitrailleur et un mortier de 50mm. On tirait sur ce qu’on voyait. Avec le mortier de 50, ça n’était pas un tir précis, on tirait au jugé puisqu’on ne voyait pas".
 

Entretien réalisé entre 2010 par Gonzague Vandamme et Sébastien Gurak.


"Ça les a gênés quand même parce qu’ils ont cessé d’attaquer le Bloc 3 pour attaquer le Bloc 2", se souvenait-il.  "Ils y ont mis le paquet parce qu’ils ont réussi à mettre la ferraille à nu et les cloches ont bien souffert. Je ne me rendais pas compte des dégâts que notre bloc avait subi. Le béton qui s’effrite ça fait une poussière terrible qui est suffocante à respirer et puis le canon qui tire sur une cloche en métal ça fait du chahut. Ça devenait infernal. Le bruit des détonations, le pilonnage vous l’entendiez jusque du bas, alors nous qui étions dans la cloche, imaginez…".

 

Je suis sorti, tout hébété de ce qui se passait dehors. Les canons allemands étaient déjà en batterie pour tirer sur l’ouvrage voisin. Nous, on se demandait ce qu’on allait devenir, la captivité c’est quelque chose qu’on n’avait pas calculé.

Gastin Veyrich, sergent dans le 156e régiment français d’infanterie de forteresse.


"Je m’estime heureux d’en être sorti. Est-ce qu’on n’aurait pas pu tenir jusqu’au lendemain matin ? Je n’en sais rien ce n’est pas moi qui ai pris la décision de se rendre. On savait ce qui s’était passé à la Ferté. Moi, j’ai eu de la chance d’être passé au travers. Cette cloche, j’aurais très bien pu y laisser ma peau, il y en a combien qui l’ont laissée ?… Il y a eu des tractations, les Allemands étaient venus une première fois négocier, ils avaient été repoussés. Ceux du Bloc 2 ont fait signe de la main qu’ils se rendaient. Je suis sorti, tout hébété de ce qui se passait dehors. Les canons allemands étaient déjà en batterie pour tirer sur l’ouvrage voisin. Nous, on se demandait ce qu’on allait devenir, la captivité c’est quelque chose qu’on n’avait pas calculé. Vous êtes peiné de quitter quelque chose qui était à nous, nous avions défendu cette portion de territoire, c’était un peu chez nous. On pense à un tas de choses, on pense à la famille…".
 

 

La contre-attaque alliée échoue à Cambrai


A Cambrai, c’est au tour des Français de contre-attaquer.  Comme la veille près d'Arras, les soldats allemands sont bousculés par les chars dans un premier temps.
 

Reportage de Florence Mabille de Poncheville, Gonzague Vandamme et Marc Graff.

 
Les Français avancent jusque dans les faubourgs de la ville. Les Allemands appellent leur aviation à l’aide. Le message est intercepté par l’armée française, pour une fois réactive.
 


Les Stukas arrivés en renfort dans le ciel de Cambrai sont attendus par 18 avions de chasse français, des Dewoitine. 11 avions allemands sont abattus, selon l'historien Dominique Lormier. Mais en fin de journée, les Français doivent se retirer, bombardés par les Stukas.
 


Les contre-attaques alliées d’Arras et de Cambrai sont des échecs. Mais elles impressionnent l’Etat-major allemand qui redoute toujours de perdre ses précieuses divisons blindées encore trop isolées de l’infanterie. Alors les Panzers ont à nouveau l’ordre de s’arrêter.

Ce n’est que vers midi que le général allemand Guderian peut à nouveau s’élancer vers les côtes de la Mer du Nord et de La Manche.
 


Les Allemands veulent empêcher les Britanniques de rembarquer vers l’Angleterre : la 1ère Panzerdivision doit prendre Calais, la 2e Panzerdivision Boulogne-sur-mer et la 10e Panzerdivision doit s’emparer de Dunkerque.

Mais l’état-major allemand a trop hésité avant de donner l’ordre aux Panzers d’avancer.  Ces quelques heures de répit ont permis aux Britanniques d’envoyer des troupes depuis l’Angleterre dans les ports de Boulogne, Calais et Dunkerque pour les protéger. Ces renforts arrivent ce 22 mai dans la soirée et commencent à se retrancher solidement.


► La suite de notre série demain avec la journée du 23 mai 1940. Vous pouvez relire les épisodes précédents dans le récapitulatif ci-dessous :
 

 

 

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