Les fleuristes tentent de sauver un peu du chiffre d'affaires important qiu'ils réalisent d'habitude avec le muguet le 1er mai. Exemple dans le Pas-de-Calais.
"Le muguet, c'est un rituel !", sourit Thérèse Godon, ouvrant son coffre devant le rideau métallique à demi-relevé de "(sa) fleuriste", à La Couture (Pas-de-Calais). Masquée, les bras chargés de bouquets et des précieuses clochettes blanches, la gérante lui apporte sa commande, "achetée cette année en drive".
"Les fleurs m'avaient tellement manqué ce mois-ci", confie la sexagénaire, observant la fleuriste déposer avec soin plusieurs bouquets printaniers aux tons mauve, doré ou vermeil, entre des sacs de courses. "Sans oublier le muguet ! Même si du bonheur, j'en ai déjà", plaisante-t-elle.
Fermant son coupe-vent, ravie de "faire à nouveau travailler les commerçants du village", elle assure avoir "attendu impatiemment cette réouverture" et refusé catégoriquement d'acheter des fleurs en jardinerie. Après plus d'un mois d'inactivité, Pascaline et Alain Dekoninck ont en effet "repris mardi du service", "réorganisant totalement l'activité" avec un système de livraison à domicile et de "retrait sans contact".
L'épidémie de coronavirus nous a fait perdre 70% du chiffre d'affaires de mars, et 80 à 90% de celui d'avril
"Il nous fallait une solution. L'épidémie de coronavirus nous a fait perdre 70% du chiffre d'affaires de mars, et 80 à 90% de celui d'avril", raconte la gérante, qui a également dû jeter "l'équivalent de 3.000 euros de stocks" et mis sa vendeuse au chômage partiel "pour éviter la catastrophe". Et le mois de mai, qui concentre la fête du muguet mais aussi les mariages, communions et la "fête des mères" est "habituellement le plus gros de l'année". "Il permet normalement de passer l'hiver", moins prolifique, soupire-t-elle.
"On s'est aussi rendu compte qu'il y avait une demande, car les gens n'arrivaient pas à trouver de compositions florales pour leurs deuils", renchérit son époux Alain, salarié de l'entreprise. D'autres personnes voulaient "faire des cadeaux et enjoliver leurs maisons" en ces temps de confinement.
"Possible renaissance"
Avec l'aide de leur fille, le couple de fleuristes a donc "rafraîchi" sa page Facebook, et "envoyé un SMS à tous les numéros du fichier client" proposant aux habitués de réaliser leurs commandes par téléphone ou en ligne. "Le matin, on fait les livraisons à domicile. L'après midi, on prépare les commandes, puis le drive s'effectue ici de 16H00 à 18H00", détaille Mme Dekoninck.
Derrière les portes vitrées, un étal de fortune et quelques cagettes barrent l'entrée. Les clients saisissent ainsi pots de muguet, orchidées, pâquerettes ou hortensias "en respectant les mesures barrière". "Heureusement qu'ils sont là", souffle Céline Rivière, venue à la hâte récupérer une imposante gerbe blanche avant l'enterrement d'un proche. "J'ai cru que je ne trouverais pas et ça rendait l'évènement encore plus triste", glisse-t-elle, visiblement
émue.
Avec une trentaine de commandes par jour, "on ne sauvera que 20% du chiffre, mais c'est mieux que rien", lâche Alain, trouvant "honteux que le gouvernement n'ait pas autorisé la vente directe du muguet chez les fleuristes, alors que jardineries ou tabacs peuvent le faire".
Dans une rue de briques rouges, typique du bassin minier, Pascaline dépose des pots sur un palier, sonne, puis recule de quelques pas, souriant sous son masque à une septuagénaire en pantoufles. "Les supermarchés filtrent les clients, différencient entrée et sortie, mais nous aussi nous pouvons le faire", souligne Pascaline. Elle voit le déconfinement comme une "possible renaissance", après laquelle "plus rien ne sera jamais pareil".
Récupérant un bouquet, Caroline Dutoit la félicite. "Commander des fleurs, revoir les commerçants, c'est vraiment important". Comme "le signe d'un +redépart+".