"Outreau, l'autre vérité". C'est le titre de ce documentaire. Avec un sous-titre explicite "On ne vous a pas tout dit". Serge Garde, son réalisateur, a recueilli de nombreux témoignages inédits dont celui du juge Burgaud.
Présenté en avant-première ce mercredi à Paris, "Outreau, l'autre vérité" risque de faire débat dans les jours qui viennent. Selon Le Point qui a vu le film (et en est partenaire), la thèse du film est explosive : "Le documentariste assure que l'instruction fut correctement menée, que les suspects, bien que détenus séparément, s'accusèrent et se dénoncèrent entre eux. Et donc que, sur leurs seules déclarations, l'accusation tenait. Outre qu'il réhabilite le travail contesté du juge Burgaud, il revient sur le rôle trouble de Myriam Badaoui, la mère de deux enfants abusés, condamnée avec son compagnon, père de ses enfants, à quinze ans de réclusion."
Et ce film pose, selon l'hebdomadaire, une question surprenante, gênante, choquante ou déplacée pour certains : si les enfants d'Outreau furent reconnus par la justice victimes de sévices sexuels, s'ils ont dit vrai, pourquoi autant d'acquittés ? Pour y répondre, le documentaire donne la parole à des personnes peu entendues jusque-là comme le capitaine de la brigade des mineurs, de l'avocat des enfants, d'un président de la cour d'assises, des deux experts psychologues, de l'avocate de Myriam Badaoui et du juge d'instruction, Fabrice Burgaud.
Fabrice Burgaud, le juge d'instruction très décrié de cette affaire d'Outreau a donné une interview au Point pour expliquer sa démarche (ce qu'il n'avait jamais fait depuis). Il a accepté de témoigner dans le documentaire : "Je pense tout simplement que cela était indispensable, car, dans cette affaire, la parole avait été confisquée par quelques-uns. Je crois qu'il faut rendre hommage à Serge Garde, le réalisateur, qui a une connaissance approfondie du dossier, ce qui est peu fréquent. Et puis, il y a quelques moments surprenants : quand j'entends un ancien ministre de la Justice dans le documentaire expliquer avec un grand aplomb ce que j'ai fait et pas fait, alors qu'il concède dans le même temps ne pas avoir ouvert le dossier ni lu une ligne de procédure, je pense être en droit de m'interroger sur le sens des décisions qu'il a été amené à prendre dans cette affaire." Il affirme que le film est bien documenté et apprécie qu'il donne une version de l'affaire loin de la "version officielle".
"Les victimes sont devenues les accusées"
Dimitri Delay, le fils de Myriam Badaoui, 20 ans aujourd'hui, qui a été le premier à dénoncer les sévices dont les enfants ont été victimes témoigne également dans ce documentaire : "Dans cette affaire, les victimes sont devenues les accusés, des mythomanes ; et les accusés, les victimes... Pourtant, certains acquittés ont avoué ce dont on les accusait. Ils se sont aussi accusés les uns les autres."
L'affaire d'Outreau avait abouti à un fiasco judiciaire après deux procès en assises en 2004 et 2005. Treize des dix-sept accusés ont été acquittés. Certains d'entre eux ont fait jusqu'à trois ans de détention provisoire.
Documentaire salutaire et utile ? Film qui cherche à provoquer pour vendre ? "Outreau, l'autre vérité" sort en salles de cinéma le 6 mars prochain.
Synopsis du film écrit par le réalisateur Serge Garde
Nous avons tous été sur-informés pendant l’affaire dite d’Outreau. Elle a traumatisé les consciences et déstabilisé l’institution judiciaire. Jamais une affaire retentissante n’avait aussi peu divisé l’opinion publique. Comme si l’esprit critique avait été anesthésié. Pourquoi ?Dix ans après, il est temps de s’interroger, de façon dépassionnée, sur ce phénomène qui nous a submergés.
Outreau, un symbole de l’erreur judiciaire ? Que treize des dix-sept accusés aient été acquittés après un ou deux procès, n’est-ce pas le fonctionnement normal de la justice ? Le véritable problème n’est-il pas celui de la détention provisoire ? Outreau, un fiasco judiciaire ? Oui, mais ce n’est pas celui qui a été dit.
C’est à ce décryptage qu’« Outreau, l’autre vérité » vous invite. Un film qui ne laisse aucune place à la fiction. Un film qui repose exclusivement sur des documents et sur de nombreux témoignages, tous inédits.