Tournée dans la métropole lilloise, la Palme d'or 2013 du Festival de Cannes laisse un goût amer à certains. Par la voix du syndicat des professionnels de l'industrie de l'audiovisuel et du cinéma, certains techniciens embauchés sur "La vie d'Adèle" dénoncent de difficiles conditions de travail.
Des journées de travail de 16 heures payées 8, des horaires anarchiques, modifiés sans cesse à la dernière minute et annoncés parfois en pleine nuit par SMS...les doléances ne manqueraient pas en ce qui concerne les conditions de travail sur le tournage de "La vie d'Adèle".
La Palme d'or 2013 du festival de Cannes, attribuée dimanche 26 mai au film d'Abdellatif Kechiche ne serait donc pas celle du respect des travailleurs, selon les techniciens et ouvriers du Nord qui ont travaillé sur le film.
Des conditions de travail proches du harcèlement moral
C'est le syndicat des professionnels de l'industrie de l'audiovisuel et du cinéma, le Spiac-CGT, qui est venu relayer leurs plaintes dans un communiqué, juste avant la projection officielle du film, le 23 mai à Cannes.
Selon le journal Le Monde, qui s'en est fait l'écho, l'organisation dénonce des conditions de tournage du film, proche du "harcèlement moral".
Des techniciens écoeurés, voire déprimés
"Nos collègues ayant travaillé sur ce film nous ont rapporté des faits révoltants et inacceptables. La majorité d'entre eux, initialement motivés, à la fois par leur métier et le projet du film en sont revenus écœurés, voire déprimés", peut-on lire dans ce communiqué. Certains ont abandonné "en cours de route", "soit parce qu'ils étaient exténués, soit qu'ils étaient poussés à bout par la production, ou usés moralement par des comportements qui dans d'autres secteurs d'activités relèveraient sans ambiguïté du harcèlement moral".
Une polémique qui fait tache sur la Palme d'or
Dans un autre article, publié le lendemain, Le Monde cite cette fois un communiqué de l'Atocan, association regroupant les techniciens et ouvriers du cinéma du Nord-Pas-de-Calais :
"Si ce long-métrage devait devenir une référence artistique, nous espérons qu'il ne devienne jamais un exemple en termes de production."
Voilà qui fait une bien cinglante contre-publicité au film récompensé par la plus haute distinction cannoise.
En plein débat sur la convention collective du cinéma
Il faut dire que ce pavé dans la mare intervient en plein débat sur la convention collective du cinéma. Signée en janvier 2012 par la plupart des syndicats de salariés, elle est rejetée par de nombreux syndicats de producteurs. Selon eux, une bonne soixantaine de films ne pourraient plus se faire si on appliquait les nouvelles mesures en matière de minima salariaux, de paiement des heures supplémentaires, de travail de nuit ou du dimanche.
"La vie d'Adèle" instrumentalisée par les syndicats selon les producteurs
Pour les producteurs de "La vie d'Adèle", les critiques émises sur les conditions de travail lors du tournage du film sont l'instrumentalisation de ce contexte.
Wild Bunch, producteur principal du film, se fait d'ailleurs l'avocat du réalisateur Abdellatif Kechiche. "Je n'ai pas entendu parler de plaintes, mais cela ne veut pas dire qu'elles n'existent pas. Certains techniciens de la région Nord – Pas-de-Calais sont partis en cours de route, car ils n'acceptent pas les conditions de Kechiche. Mais certains collaborateurs de Kechiche sont toujours là, depuis son premier film".