La présidente du FN, Marine Le Pen, est citée à comparaître par son ancien adversaire aux législatives Jean-Luc Mélenchon, mardi devant le tribunal correctionnel de Béthune (Pas-de-Calais), dans l'affaire du "faux tract" distribué par des militants du FN.
Mme Le Pen et deux militants locaux du Front national font l'objet d'une procédure en citation directe lancée par l'ancien candidat du Front de Gauche à l'élection législative dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais en 2012, pour "manoeuvre frauduleuse" et publication d'un montage sans le consentement de l'intéressé.Fin mai 2012, les équipes de Marine Le Pen avaient distribué un tract comportant la photo de M. Mélenchon et reproduisant l'une de ses phrases prononcées lors d'un discours à Marseille le 14 avril 2012: "Il n'y a pas d'avenir pour la France sans les Arabes et les Berbères du Maghreb".
Le tract sur fond vert, la couleur de l'Islam, comportait également la mention "Votons Mélenchon" et sa traduction dans un arabe approximatif. La présidente du FN, qui ne fera pas le déplacement à Béthune, encourt un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende, ainsi qu'une peine complémentaire de privation des droits civiques, autrement dit d'inéligibilité.
Le coprésident du Parti de gauche devrait, lui, être présent. L'audience a déjà été renvoyée trois fois et pourrait l'être à nouveau, mardi, si le tribunal décidait de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), présentée par Mme Le Pen, à la cour de Cassation qui à son tour la transmettrait ou non au Conseil constitutionnel.
Cette QPC - qui porte sur le sens de l'expression "manoeuvre frauduleuse" - "n'est pas sérieuse, il s'agit d'une manoeuvre dilatoire", a commenté Me Raquel Garrido, l'avocate de M. Mélenchon.
"On va d'abord plaider sur la QPC" mardi et, si elle est rejetée, "on plaidera les faits eux-mêmes, c'est-à-dire le tract, est-ce que c'est un montage, est-ce
que ça a eu comme effet de jeter la confusion dans l'esprit des électeurs", a poursuivi l'avocate.
L'inéligibilité de Marine Le Pen réclamée
"L'inéligibilité est la seule sanction qui soit à la hauteur du délit", a répété Me Garrido. "Compte tenu de la période électorale nouvelle qui s'ouvre, municipales et européennes, la République doit dire à Marine Le Pen que ce type de comportement n'est pas acceptable", a-t-elle asséné."Je crois que le dossier de M. Mélenchon est complètement vide", a rétorqué Me Wallerand de Saint-Just, avocat de Marine Le Pen. "Il n'y a pas la moindre preuve de la participation de Mme Le Pen à la commission de l'infraction, que ce soit comme auteur principal ou comme complice", a-t-il déclaré.
M. Mélenchon accuse aussi deux militants locaux du FN d'avoir pris part à la distribution des tracts, après leur identification sur des photos prises par ses propres militants. "M. Mélenchon aurait dû déposer une plainte avec constitution de partie civile pour qu'un juge soit nommé, mène l'enquête et trouve des éventuelles preuves. Quand un particulier n'a pas de preuve, (...) il ne se lance pas dans cette procédure dangereuse de la citation directe", a commenté l'avocat.
"Un coup de com'" ?
La citation directe permet à la victime de saisir directement le tribunal en versant une somme d'argent, la consignation. "Mme Le Pen pense que ça commence à être du harcèlement de la part de M. Mélenchon qui n'a que ça à faire. Il rate une manifestation, il rate une interview, il rate une alliance politique et il se réfugie dans ces attaques surréalistes", a-t-il ajouté.Marine Le Pen "a dit que (le tract) était un coup de com', elle l'assume", a insisté l'avocate de M. Mélenchon. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen s'étaient affrontés lors d'un scrutin épique, dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais, dont M. Mélenchon avait été éliminé au premier tour. Le socialiste Philippe Kemel l'avait emporté d'un cheveu au second tour, face à Mme Le Pen.