La Cour de cassation a rejeté mercredi les demandes d'extradition de trois Rwandais réclamés par Kigali pour leur implication présumée dans le génocide de 1994. Parmi eux, le colonel Laurent Serubuga, ex-reponsable militaire, arrêté près de Cambrai en juillet dernier.
La Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence en la matière dans trois arrêts consultés par l'AFP. La justice française s'est au final toujours opposée à la remise aux autorités rwandaises de complices présumés des tueries qui ont fait 800.000 morts selon l'ONU, essentiellement au sein de la minorité tutsi. Mercredi, la Cour a cassé les avis favorables à l'extradition qui avaient été rendus en novembre par la cour d'appel de Paris contre Claude Muhayimana et Innocent Musabyimana.
Elle a, dans un troisième arrêt, confirmé l'avis défavorable à l'extradition de Laurent Serubuga, pris en septembre par la cour d'appel de Douai.
Dans ses décisions, elle justifie avec force sa position en invoquant notamment le principe de "non-rétroactivité de la loi pénale", selon lequel on ne peut être jugé pour une infraction qui n'était pas définie par la loi à l'époque où les faits ont été commis.
Arrêté près de Cambrai en juillet 2013
Les demandes rwandaises d'extradition concernent "des faits qualifiés de génocide et de crimes contre l'humanité qui n'étaient pas incriminés par l'Etat requérant à l'époque où ils ont été commis", souligne la Cour. Le génocide est poursuivi au Rwanda en vertu de lois datant de 1996 et 2004, donc postérieures aux tueries. En France, les crimes contre l'humanité sont définis dans le code pénal depuis 1994. C'est en vertu de cette loi que Pascal Simbikangwa, un ancien capitaine de la garde présidentielle rwandaise, est actuellement jugé à Paris dans le premier procès en France d'un complice présumé du génocide.Agé de 74 ans, le colonel Laurent Serubuga, ancien chef d'état-major adjoint de l'armée rwandaise au moment du génocide de 1994, avait été interpellé en juillet 2013 près de Cambrai. Il vivait depuis des années dans le nord de la France, et dernièrement à Escaudoeuvres. Il détenait une carte de séjour mais sa demande d'asile avait été refusée. Il serait arrivé en France en 1998. Selon le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), il aurait pris une part active dans le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994. Selon ce collectif, "le colonel Serubuga a fait partie d'un groupe de onze officiers - les "Camarades du 5 juillet 1973" - qui a aidé le général major Juvénal Habyarimana à renverser le président Grégoire Kayibanda, au pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1962. Ayant occupé quelques années plus tard les fonctions de chef d'état-major adjoint de l'armée rwandaise, Serubuga est poussé à la retraite en juin 1992." Mais, selon le CPCR, "il avait repris du service en 1994".