La nouvelle grande exposition du musée du Louvre-Lens (Pas-de-Calais), visible à partir de mercredi 28 mai, est consacrée à plus de deux siècles de "désastres de la guerre", des guerres napoléoniennes (1803-1815) jusqu'à la guerre des drones.
"C'est un sujet hautement difficile pour les artistes, car on vit dans une sorte de grand cauchemar quand on s'intéresse à cela. Mais c'est un défi qui a toujours intéressé les artistes", explique Laurence Bertrand Dorléac, historienne de l'art et commissaire de l'exposition, professeur à Sciences Po Paris."Nous ne sommes pas un musée d'histoire. Il était important pour nous de trouver un angle artistique. Certes on commémore le centenaire de la première guerre mondiale (1914-1918) mais on ne pouvait pas le célébrer. A côté de la guerre héroïque, il y a la guerre douloureuse, la guerre qui détruit et c'est de cela dont on a voulu parler", avance Xavier Dectot, directeur du musée.
L'exposition, qui pourra être vue jusqu'au 6 octobre, est composée de 450 oeuvres sur tous supports: peinture, sculpture, dessin, photo, film. Elle présente des chefs d'oeuvre très célèbres, comme la série de gravures "Les désastres de la guerre" du peintre espagnol Goya mais aussi des tableaux moins connus, comme "L'Oublié" d'Emile Betsellère, datant de 1872 et représentant un soldat blessé tentant de se relever dans un champ enneigé, oeuvre choisie pour l'affiche de l'exposition.
"On débute l'exposition avec des ruines de la ville de Lens. Pour moi, c'est plus qu'un clin d'oeil, c'est le signe que cette exposition est importante, ici, dans le Nord/Pas-de-Calais", souligne Laurence Bertrand Dorléac.
"C'est une exposition méditative qui est forte, puissante. Les artistes ne sont pas violents, c'est la guerre qui est violente. L'art est une façon de supporter le tragique de l'histoire, je pense que l'art est la seule chose qu'on peut opposer à la barbarie humaine", confie-t-elle.
Large place au photo-reportage
L'exposition montre un document inédit : un extrait de quatre minutes de la version restaurée du film "J'accuse" d'Abel Gance, réalisé en 1919, un an seulement après la fin de la Grande guerre. La version intégrale sera projetée le 11 novembre à Paris."Ce film montre les blessures physiques mais peut-être encore pire, les blessures psychiques, des soldats", explique la commissaire de l'exposition.
Autre document rare : "Les camps de concentration nazis" (1945) de George Stevens, film qui sera utilisé pendant le procès de Nuremberg pour authentifier la Shoah. Une large place est faite au photo-reportage, de la photo du soldat républicain prise par Robert Capa pendant la guerre d'Espagne à la terrible photo "Vietnam Napalm" de Nick Ut qui fera la une du New York Times le 12 juin 1972 et poussera l'opinion publique à demander le retrait des troupes américaines.
L'exposition se termine dans une salle baptisée "hors champ", avec notamment des oeuvres fabriquées par des soldats anonymes, qui, selon l'historienne de l'art, ont été "transformés en artistes malgré eux".
A voir jusqu'au 6 octobre.