Martine Aubry demande que Lille et d'autres villes bénéficient de l'encadrement des loyers. Un signe de défiance à l'égard d'une mesure annoncée ce vendredi par le Premier Ministre Manuel Valls.
C'est une sorte de défi lancé à Manuel Valls. Dans un communiqué diffusé ce samedi 30 août, Martine Aubry demande que Lille et d'autres villes bénéficient de l'encadrement des loyers. Ce vendredi, lors d'une conférence de presse, le Premier ministre avait annoncé qu'il revenait sur ce dispositif prévu dans la loi "Duflot" sur le logement.
"Nous demandons que, comme Paris, Lille et d'autres villes volontaires bénéficient de l'encadrement des loyers prévus par la loi Alur dans le respect de l'engagement 22 de François Hollande", a déclaré Mme Aubry. "Paris n'est pas la seule ville de France à avoir besoin d'une régulation de ses
loyers", a estimé Mme Aubry dans le communiqué co-signé par Audrey Linkenheld, députée PS du Nord et conseillère municipale déléguée au
plan lillois de l'habitat.
"Plus que jamais, nous sommes déterminés à faire aboutir ce travail, car notre ville a cruellement besoin d'un dispositif national lui permettant de réguler localement ses loyers et de les rapprocher des capacités financières réelles de ses habitants, tout en préservant la rentabilité des investisseurs", a-t-elle dit.
En phase avec Duflot
Le Premier ministre Manuel Valls avait dévoilé vendredi une série de mesures visant à relancer la construction immobilière, qui comprend une série de carottes fiscales en direction des investisseurs et est revenu sur l'encadrement généralisé des loyers, promesse de campagne du candidat François Hollande.Immédiatement après la parution du communiqué de Martine Aubry, Cécile Duflot, ex-ministre du Logement, et qui avait qualifié d'inouïe la décision du Premier Ministre a publié l'information sur son compte Twitter.
RT @leJDD: INFO JDD - Martine Aubry défie Manuel Valls et applique l'encadrement des loyers à Lille http://t.co/VVF3FxD3t4"
— Cécile Duflot (@CecileDuflot) 30 Août 2014
Dans le JDD, Martine Aubry a aussi reçu le soutien de Claude Bartolone, président de l'Assemblée Nationale : "Ça ne me dérange pas qu'on prenne en compte ce qu'elle a dit. On peut laisser le pouvoir aux collectivités locales pour voir si elle l'applique ou pas."
Interrogée sur la coïncidence de ce communiqué avec l'université d'été quelque peu houleuse du PS à La Rochelle à laquelle Mme Aubry, dont
sont proches certains des députés socialistes frondeurs, n'assiste pas, Mme Linkenheld a répondu: "Franchement, c'est un concours de circonstances".
"Cela faisait des semaines que l'on attendait les annonces du gouvernement sur le logement, et il se trouve qu'elles sont tombées hier", a-t-elle souligné.
Un point de vue qu'a également soutenu l'entourage de Mme Aubry en ces termes: "Si les décisions annoncées hier l'avaient été avant, nous aurions
réagi aussi vite et de la même manière".
Un communiqué très politique
Ce communiqué dans lequel Martine Aubry prend clairement ses distances avec Manuel Valls sera forcément interprété comme un signe de plus de la "fronde" de la maire de Lille. Ces derniers jours, ses proches avaient pris la parole pour indiquer notamment leur désapprobation après la mise à l'écart d'Arnaud Montebourg et Benoît Hamon du gouvernement. Le député européen Gilles Pargneaux, premier secrétaire de la Fédération PS du Nord et proche de Martine Aubry, avait notamment qualifié le remaniement gouvernemental d'"acte d'autoritarisme", estimant qu'il s'agit d'une "réponse disproportionnée qui ajoute de la crise à la crise".
Le bras droit de Martine Aubry, Pierre de Saintignon, a également affirmé ce samedi matin à La Rochelle que Martine Aubry souhaitait clairement une inflexion de la politique du gouvernement : « Je suis venu à la Rochelle avec tous ceux qui veulent que le débat reprenne avec les militants et qui veulent que la feuille de route adoptée tous ensemble avec le projet des socialistes soit mis en œuvre, a-t-il déclaré à La Voix du Nord. C’est pour cela que nous avons été élus. Les Français sont perdus parce qu’ils ne savent plus où nous en sommes dans nos engagements." Il avait également annoncé que Martine Aubry préparait une "intervention écrite."
En juillet : "Il n'est pas trop tard pour réussir le quinquennat"
En juillet déjà, Martine Aubry avait marqué sa désapprobation sur la réforme territoriale et avait fait une sortie remarquée sur François Hollande : "Il n'est pas trop tard pour réussir le quinquennat, il n'est pas trop tard pour réussir la réforme de la décentralisation et cette réforme sur les régions (...), au Sénat on pourrait revenir vers la raison", avait-elle indiqué. Manuel Valls lui avait répondu sèchement quelques jours plus tard : "Je n'ai pas, moi, le temps de me perdre en conjectures et en petites phrases"
Le communiqué de Martine Aubry dans son intégralité
Lille a besoin d'une régulation de ses loyers. La loi Alur le permet. Hier, le Premier Ministre a annoncé que cet encadrement des loyers serait appliqué à titre expérimental à la seule ville de Paris. Mais Paris n'est pas la seule ville de France à avoir besoin d'une régulation de ses loyers.Nous souhaitons que Lille, malheureusement reconnue comme la troisième ville la plus chère de France, puisse également encadrer ses loyers.
Il est bien sûr exact, pour reprendre les termes utilisés par le Premier Ministre, que "les conditions techniques ne sont pas partout réunies" pour fixer dès maintenant dans les agglomérations les plus tendues de notre pays des loyers locaux de référence. Comment pourrait-il en être autrement quelques mois à peine après l'adoption de la loi Alur ?
À Lille, depuis plus d'un an maintenant, nous travaillons en anticipation des obligations légales. Plus que jamais, nous sommes déterminés à faire aboutir ce travail, car notre ville a cruellement besoin d'un dispositif national lui permettant de réguler localement ses loyers et de les rapprocher des capacités financières réelles de ses habitants, tout en préservant la rentabilité des investisseurs.
Nous demandons que, comme Paris, Lille et d'autres villes volontaires bénéficient de l'encadrement des loyers prévus par la loi Alur dans le respect de l'engagement 22 de François Hollande.