Les stars du cinéma français - parmi lesquelles le Nordiste Dany Boon - vont devoir revoir à la baisse leurs cachets si leurs films veulent avoir accès aux aides publiques, une décision généralement bien accueillie par le milieu, après le coup de gueule d'un producteur.
Cette mesure prouve "la responsabilité dont la profession entend faire preuve dans la maîtrise des coûts, en fixant pour la première fois des plafonds de rémunération des talents" pour avoir droit aux aides du CNC, estime Frédéric Goldsmith, délégué général de l'Association des producteurs de cinéma (APC). Le Centre national du cinéma (CNC), un établissement public, a décidé lors de son dernier conseil d'administration de limiter l'accès à ses aides en cas de "coût artistique disproportionné", une information révélée par Les Echos.
Cette décision a été prise sur la base des propositions formulées lors d'assises organisées par la profession, en réaction à une tribune sanglante du distributeur et producteur Vincent Maraval. En décembre 2012, celui-ci avait dénoncé dans Le Monde les cachets excessifs de stars du cinéma, y compris lorsque le film était un échec commercial. Les regards s'étaient notamment tournés vers Dany Boon, personnalité la mieux payée en 2012 (comme en 2013), malgré la déception de la comédie "Un plan parfait", pour lequel le comédien d'Armentières avait touché un cachet de 3.5 millions d'euros.
990 000 euros maximum
La rémunération maximale d'un acteur, réalisateur ou scénariste dans un film dont le budget est inférieur à 4 millions d'euros, ne pourra pas dépasser 15% du coût de production, si le film veut prétendre aux aides du CNC. Et 8% des coûts de production pour les budgets compris entre 4 et 7 millions d'euros. Pour un budget compris entre 7 et 10 millions d'euros, un nouveau plafond de 5% s'ajoutera à la dernière tranche. La rémunération maximum est fixée à 990.000 euros, y compris pour les films dotés d'un budget supérieur à 10 millions. Ce plafond s'entend par personne et non par fonction: si un acteur assure également le scénario et/ou la réalisation, les plafonds restent les mêmes, ils ne se cumulent pas."Soyons clairs, ce n'est pas une mesure visant à plafonner les rémunérations des stars. On ne peut pas interdire à une personne, en France, de gagner plus qu'une certaine somme", précise M. Goldsmith. Mais le film devra alors se passer des aides publiques. C'est "une annonce importante car énormément de films ont recours au soutien du CNC et cela va en outre servir d'étayage", ajoute-t-il. Au-delà de cette mesure, qui est "la plus emblématique", le producteur et président de l'APC, Marc Missionnier, souligne l'aspect positif d'autres décisions du CNC qui devraient entrer en vigueur en 2015. Ces mesures prévoient notamment une plus grande transparence des coûts et recettes d'un film, notamment avec l'obligation d'information de tous les professionnels (producteurs, coproducteurs, auteurs, distributeurs) sur l'amortissement du film. Le CNC devrait voir aussi ses pouvoirs accrus en matière d'audit des comptes. Le président de l'APC se félicite également que le succès soit mieux récompensé, avec le relèvement des montants versés par le CNC aux producteurs, au titre du soutien aux films qui réalisent entre 500.000 et 1,5 million d'entrées.
Les agents grognent
Sans surprise, les agents d'acteurs, souvent rémunérés en fonction des cachets de leurs clients, font en revanche la grimace. Elisabeth Tanner, présidente du syndicat des agents artistiques, salue la volonté de transparence mais regrette les mesures sur la maîtrise des coûts. "Un film, c'est un prototype. Chacun a son histoire. Les nouvelles règles ne seront pas justifiées dans tous les cas", déclare-t-elle au Monde. "Mais on fera avec, parce qu'on n'a pas le choix"."Ce qu'ils (les agents) peuvent perdre en raison de cachets moindres, ils peuvent le gagner par un intéressement accru aux recettes", dont la transparence sera renforcée grâce aux mesures du CNC, tempère Marc Missionnier.