Plusieurs collèges ont renoncé au système de notation pour évaluer leurs élèves. Celui-ci a été remplacé par un code couleur, comme au collège Pierre Mendès-France de Tourcoing. Les avis sont partagés sur cette méthode, en débat actuellement en France.
Pour les enseignants, les notes servent à évaluer leurs élèves, pour beaucoup de parents, elles sont un indicateur du niveau de leur enfant dans sa classe. Mais pour les élèves, elles sont souvent prises comme un jugement irrémédiable. En réalité, les notes sont-elles représentatives du niveau d’un élève ? Pour les défenseurs d’un remodelage du système d’évaluation français, la réponse est "non". Pire, elles seraient décourageantes pour les enfants en difficultés scolaires.
Mardi dernier, le Conseil supérieur des programmes a remis à Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l'Education nationale, un rapport proposant de remplacer le système en vigueur de notation sur 20 par une "évaluation bienveillante".
A Tourcoing, le collège Pierre Mendès-France compte 380 élèves. Depuis cette année, deux de ses quatre classes de 6ème testent justement une évaluation sans notes. L’expérimentation pourrait être étendue aux classes de 5ème l’année prochaine.
"Cela empêche de mettre des étiquettes aux élèves"
L’idée est née il y a deux ans, à l’initiative des enseignants de l’établissement. Ils souhaitaient trouver un moyen d’évaluer plus finement les compétences de leurs élèves et de différencier le travail de chacun."Au moins avec les couleurs, on voit ce que l'élève sait faire, et plus seulement ce qu'il ne sait pas faire ! Ça empêche de mettre des étiquettes aux élèves et je ne pensais pas que ça allait à ce point me redonner le plaisir d'évaluer", explique une professeure d'anglais.
"C'est mieux d'avoir 20/20 qu'un vert foncé, moi ça ne m'encourage pas le rouge", avance par exemple un élève de 6ème du collège Pierre Mendès-France. Un autre en revanche y est plutôt favorable : "Les notes sont moins précises que les compétences, moi je préfère les couleurs".
Pourtant, certains élèves ne jouent pas totalement le jeu. Grégory Buval, professeur de mathématiques au collège Pierre Mendès-France explique que dans sa classe, certains "font malgré tout l’association : j’ai eu un vert, donc a priori j’ai eu plus de 15". "Mais ils le font nettement moins [qu’en début d’année]", précise-t-il.
Même si un certain nombre d'établissements se disent prêts à tester l'évaluation par les couleurs, l'examen national du brevet en fin de 3ème est toujours évalué par des notes. Les enseignants sont donc contraintes de revenir aux notes en fin de collège.
Avis partagés
La méthode d’évaluation par les couleurs peut-elle se généraliser en France ? Même Najat Vallaud-Belkacem n’a pas d’avis tranché sur la question, selon son entourage, rapporte Le Figaro.Parmi les membres du monde éducatif, le sujet divise. Hier Libération publiait deux interviews. Celle de Pierre Merle, sociologue et spécialiste de l’évaluation des élèves, qui défend la notation par couleurs. Et celle de Jean-Paul Brighelli, professeur de lettres modernes au lycée Thiers de Marseille et fondateur d’une classe prépa Sciences-Po destinée aux élèves de ZEP (Zone d’éducation prioritaire).
Pour le premier, les notes ne représentent "que des inconvénients" et créent des "hiérarchies entre les bons et les faibles". Pierre Merle défend l’idée d’une évaluation qui indique à l’élève "ce qui va bien et ce qu’il faut travailler". "L’idée est d’éviter le découragement et de donner le droit à l’erreur, ce que notre système ne permet pas", explique-t-il.
Opposé à l’évaluation par code couleur, Jean-Paul Brighelli "ne nie pas que les élèves sont découragés" par les notes mais, pour lui, le problème elles ne sont pas à l’origine du problème.
"Il faut remonter à la source des difficultés [des élèves] : l’absence de maîtrise des savoirs de base", plaide le professeur de lettres modernes. Pour lui, "le but des notes n’est pas d’humilier ou de sanctionner mais de guider les élèves".
La France "au milieu du gué"
Un premier bilan du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) publié mardi a conclut que la France hésitait entre deux modèles d’évaluation et les superposait. L'un, traditionnel, fondé sur la liberté pédagogique dans la classe et sur les programmes scolaires, l'autre intègrant de "nouveaux ingrédients", écrit la présidente du Cnesco, la sociologue Nathalie Mons, dans la conclusion du rapport.Le Cnesco a étudié la réglementation dans plusieurs pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le constat est que la France privilégie les formes traditionnelles d’évaluation comme les devoirs. D'autres pays comme l’Angleterre et le Québec imposent des dispositifs d'évaluation innovants comme "l'auto-évaluation, l'évaluation par les pairs ou le suivi individualisé des élèves".
Reste à savoir si ces modèles sont applicables à la société française, dans son interview à Libération, Jean-Paul Brighelli met en garde : " Il faut arrêter de comparer la France avec des pays qui n'ont rien à voir avec elle. Nous n'allons pas faire comme la Finlande, petit pays à population homogène [...], nous n'allons pas faire non plus comme le Sud-Est asiatique."
Et vous, qu'en pensez-vous ?
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