Au dernier jour du procès dit du Carlton, Me Hubert Delarue a tiré à boulets rouges sur le dossier de l'instruction contre son client, René Kojfer, ancien chargé des relations publiques de l'hôtel lillois, en allant jusqu'à comparer cette affaire de proxénétisme au fiasco judiciaire d'Outreau.
"Et si ce dossier était au proxénétisme ce que le procès d'Outreau était à la pédophilie ?", lance l'ancien avocat d'Alain Marécaux, l'un des acquittés d'Outreau, dès le début de sa plaidoirie.Sur son client René Kojfer, vieil ami du souteneur Dodo la Saumure et celui par qui l'enquête a débuté, Me Delarue s'étrangle de voir qu'il a été présenté comme un "proxénète international".
La "plus grande affaire de proxénétisme en France", argumente l'avocat, ne porte que sur "trois cas avérés de chambre réservée". Il se déplace à grand pas, tantôt près du banc des avocats, tantôt à la barre au plus près des juges du tribunal correctionnel de Lille.
Il hausse la voix, fait des grands gestes, tout d'un coup murmure presque, imite les policiers : Me Hubert Delarue mime ce qu'il nomme un "vaudeville invraisemblable". Voilà lancée en à peine quelques minutes l'une des critiques les plus assassines à l'encontre de l'instruction, de l'ensemble des plaidoiries des avocats de la défense.
Rappelant que le dossier avait été criminalisé dans un premier temps avec la notion de proxénétisme aggravé en bande organisée, Me Delarue se demande pourquoi il n'a pas fini devant une cour d'assises.
"Nous sommes au coeur d'un débat de société (...) peut-être appartient-il au peuple de juger. Pour une large partie, ce procès baigne dans une hypocrisie invraisemblable", estime-t-il.
Ancienne "chèvre" (collaborateur) pour la police, René Kojfer possède d'une manière générale un entregent conséquent à Lille. Le procureur l'a qualifié de "joyeux bonhomme de la prostitution lilloise".
"Vous saviez tout des péchés, des conduites un peu débauchées, qu'il fréquentait des prostituées", accuse Me Delarue. "On considérait bien que ses errements n'étaient pas punissables, sinon on n'aurait pas laissé sévir pendant quinze ans un proxénète international", ajoute-t-il.
Conclusion de l'avocat : ce n'était pas M. Kojfer qui était visé, mais bien l'ancien patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn, l'un des 14 autres prévenus du procès en cours, que son client pourtant ne connaît pas.