La défense des amis du Nord de Dominique Strauss-Kahn -deux entrepreneurs et un policier- s'est attachée jeudi à Lille à démontrer qu'ils n'étaient que des "clients" de la prostitution dans une fête "gauloise", que l'on voulait, fait sans précédent, "criminaliser" en les accusant de proxénétisme.
"C'est la première fois en France qu'on criminalise le client", s'exaspère Me Eric Dupond-Moretti, avocat de David Roquet, ancien directeur d'une filiale d'Eiffage, Matériaux Enrobés du Nord (MEN) et considéré comme l'un des "recruteurs".En fait, tout part d'une "fête" au scénario mal négocié, à entendre les conseils des trois prévenus, plaidant en cette avant-dernière journée du procès pour proxénétisme aggravé, dit du Carlton.
"Ce dossier c'est Very Bad Trip : une bande de potes qui ont fait la fête et se sont réveillés avec une gueule de bois", lance Me Karl Vandamme, conseil de Fabrice Paszkowski.
Un peu plus tôt, c'est le conseil du commissaire Jean-Christophe Lagarde qui s'interrogeait : "Et si ce qu'ont fait ces hommes était finalement une énorme fête avec ce qu'elle compte d'excès, d'insouciance, d'inconscience ? (...) On a le droit parfois de lâcher prise (...) y compris quand on est flic", assure Me Olivier Bluche.
Fabrice Paszkowski est un ami proche de Dominique Strauss-Kahn qu'il a rencontré dans le Pas-de-Calais dans les années 2000. Il organise la première soirée au Murano, à Paris, en novembre 2008.
"Pour la première fois après des années de libertinage, il rend l'invitation", explique son avocat Me Vandamme. Il paie tout de sa poche, souligne-t-il. Son client est aussi poursuivi pour escroquerie au détriment d'une société, Medicalis, dont il était à la fois le gérant et l'agent commercial.
Au cours de la douzaine de soirées dont il est question, Fabrice Paszkowski vient parfois accompagné d'une prostituée, et le cache, ne se sentant "pas glorieux".
"On a affaire à un client, voire un mauvais client, rechignant à payer, négociant certaines factures", note Me Vandamme.
La loi ne pénalise pas le client
Quand vient le tour de David Roquet, qui affirme avoir été le seul autre prévenu avec Fabrice Paszkwoski à savoir que les jeunes femmes étaient des professionnelles, là encore sa défense s'acharne cas par cas à démontrer qu'il s'agissait de relation de client à prostituée.Quand il discute avec les prostituées qu'il rémunère des lieux de rendez-vous, qu'il arrange leur transport, "est-ce qu'il aide à la prostitution ou est-ce qu'il
définit les modalités de la prestation sexuelle?" se demande Me Dupond-Moretti. Les avocats rappellent que la loi française ne pénalise pas les clients.
"J'ai le sentiment que Jean-Christophe Lagarde a assisté au procès de Dominique Strauss-Kahn, au procès de la prostitution, et que peut-être il n'a pas tout à fait assisté à son procès", suggère Me Olivier Bluche.
En ne pénalisant pas la prostitution mais en condamnant le proxénétisme, la loi a créé une certaine confusion, argumente Me Vandamme. "Quand la loi n'est pas claire elle doit profiter à ceux qui ont le sentiment de la respecter", ajoute-t-il. Le parquet a réservé l'une de ses réquisitions les plus lourdes à M. Paszkowski, demandant deux ans de prison avec sursis et 20.000 euros d'amende. Il a requis la même peine à l'encontre de David Roquet. Ils sont tous les deux accusés d'avoir fait payer les factures des soirées par leurs sociétés, au moins en partie.
"Jamais MEN ou Eiffage n'a financé un centime de prostituées. Jamais", souligne son conseil Stefan Squillaci. Vendredi, ce seront les dernières plaidoiries de la défense.
Puis DSK -pour qui le parquet a requis la relaxe- et les 13 autres prévenus auront la possibilité de prendre la parole s'ils le désirent, avant que le président du tribunal correctionnel ne prononce la mise en délibéré, au terme de trois semaines d'audience.