Le procès à Rennes de Daniel Legrand, un des acquittés de l'affaire d'Outreau, est entré jeudi matin dans sa dernière ligne droite: les parties civiles ont plaidé sa culpabilité dans des viols d'enfants, alors que l'avocat général devrait requérir l'acquittement.
Après les avocats de Chérif et Dimitri Delay mercredi soir, ce sont les avocats de Jonathan Delay, troisième des quatre enfants victimes de l'affaire de pédophilie, qui ont plaidé la culpabilité de Daniel Legrand en tentant de retourner contre lui les "aveux" qu'il avait faits au cours de l'instruction du juge Fabrice Burgaud fin 2001. Daniel Legrand s'était rétracté début 2002, expliquant avoir voulu démontrer par l'absurde que ses accusateurs mentaient.
Il y a "une chance de briser la +malédiction+ Outreau si les vérités pouvaient se croiser et si Daniel Legrand pouvait s'affranchir de ses protestations...", a déclaré Me Sylvain Cormier, l'appelant littéralement à avouer sa culpabilité.
"La mise en scène, l'explication qu'on nous donne sur ces aveux est quand même déroutante (...). Pourquoi se donner le soin de donner une si grande vraisemblance à ses aveux, si par la suite on devra les démentir?", s'est-il interrogé. "Ce procès, tous les justiciables en ont besoin, de l'accusé aux victimes", a-t-il ajouté, le comparant à une sorte de "commission +Vérité et Réconciliation+ dont l'enjeu est moins d'ajouter de la souffrance à la souffrance mais de permettre à chacun de parler..."
"Tout est inversé dans ce dossier"
"C'est la première fois que je défends une partie civile où on m'attaque comme si j'étais en défense en train de défendre le pire salaud", a de son côté dénoncé Me Patrice Reviron, autre avocat de Jonathan Delay. "Tout est inversé dans ce dossier !"Pour lui néanmoins, dès lors que Daniel Legrand était mineur à l'époque des faits reprochés, "il n'y a pas de vraie pédophilie". "On vous a dit qu'il était aussi une victime, et je le pense", a-t-il ajouté, tout en soulignant la nécessité de pénaliser les faits.
"Daniel Legrand, c'est un risque, peut être acquitté (...). Je souhaiterais quand même qu'il soit condamné. Le principal, c'est que j'ai été entendu, j'ai été écouté et j'ai pu dire tout ce que j'avais à dire", a réagi Jonathan Delay, 21 ans.
L'avocat général Stéphane Cantero devrait demander l'acquittement dans son réquisitoire prévu en début d'après-midi. Daniel Legrand avait été acquitté en 2005, comme l'avaient été 12 autres des 17 accusés de cette affaire, qualifiée de "fiasco judiciaire". Il est cette fois poursuivi pour des faits qui auraient commis avant sa majorité. Tout au long des débats, les faiblesses de l'instruction d'origine ont été pointées à de nombreuses reprises.
La parole des enfants
La question de la parole des enfants, désormais de jeunes hommes d'une vingtaine d'années à qui toutes les parties reconnaissent le statut de victimes de viols répétés dans leur petite enfance, en particulier par leurs parents, a également été au coeur des débats.Le nom de "Dany Legrand", est bien issu d'une liste d'agresseurs retranscrite par une assistante familiale chez qui avait été placé Dimitri Delay en 2000, mais le fait que les enfants victimes n'aient ensuite pas reconnu Daniel Legrand aux procès de 2004 et 2005 a été rappelé à de nombreuses reprises.
Chérif, Dimitri et Jonathan ont pour la première fois affirmé, à ce procès de Rennes, que Daniel Legrand faisait bien partie de leurs agresseurs, accusant également plusieurs des autres acquittés. Mais leur mère, Myriam Badaoui, principale accusatrice de cette affaire, a témoigné à Rennes, tout comme les trois autres condamnés, que Daniel Legrand n'avait pas participé aux viols.
Le réquisitoire sera suivi par les plaidoiries de la défense, une demi-douzaine de ténors, notamment du barreau de Lille, qui défendaient plusieurs des acquittés de cette affaire.
Le verdict est attendu vendredi.