36 produits phytosanitaires composés de glyphosate seront retirés du marché en 2020, aggravant le mal-être d'agriculteurs picards tels que Vincent Guyot, fervent utilisateur du décrié herbicide.
Décision politique, ou scientifique ? Alors que l'Exécutif s'est engagé à sortir la France du glyphosate, et alors que 69 produits basés sur cette molécule sont sur le marché, l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) annonce le retrait de 36 références, représentant "les trois quarts" des ventes en 2018.
Le 29 mai prochain, leur distribution prendra fin. Les adeptes, notamment des agriculteurs, n'auront alors que quelques mois pour écouler leurs stocks : la fin de leur utilisation est fixée au 29 novembre 2020.
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Suite à un renforcement des exigences de l'Union européenne, l'agence publique procède au réexamen de tous les produits phytosanitaires composés de glyphosate et de surfactants (le glyphosate seul étant peu efficace, il est généralement associé à d'autres molécules). Ce nouveau cadre implique, de la part des industriels, "la fourniture de données supplémentaires concernant les risques pour la santé et l’environnement, (qui) requièrent des études spécifiques menées selon des méthodes standardisées et robustes". Or pour ces 36 produits, l'Anses sait déjà "l’insuffisance ou l’absence de données", d'où sa décision de les retirer "sans attendre la fin du processus en cours".
"C'est hyper traumatisant"
Utilisateur assumé de glyphosate (le sien reste autorisé sur le marché), Vincent Guyot, agriculteur dans l'Aisne, prend la nouvelle pour un nouveau coup de boutoir. "Je continue de subir, à être très malheureux, à être traumatisé par cette affaire, à ne pas comprendre ce qui arrive à notre pays, l'incompréhension complète qu'il y a sur ce dossier, se lamente le Picard. L’Anses va continuer ses travaux d’évaluation de la molécule, on verra bien son jugement final. On a besoin de savoir. Mais c'est hyper traumatisant ce qu'on vit, le jugement qu'on nous fout sur le dos."
Pour lui, il n'y a toujours pas d'alternative "équivalente" au glyphosate : "Quand j’entend dire gentiment que les jardiniers ont déjà les alternatives au glyphosate, paillage, engrais vert… je pleure. Faut arrêter de dire tout et n’importe quoi. L’échelle du jardinier n’est pas celle de l’agriculture. Je veux bien rembaucher 1000 personnes pour travailler sur mes 130 hectares, mais j’aurai jamais les moyens de les payer."
Quand un "conseiller" "jardinier" en #Bio solutions te donne une leçon d'#AgricultureS sans #glyphosate sur #Europe1 @Europe1 au micro de @MattBelliard et @SoMabrouk, tu te dis que #Voilacestfini #Jesuisdétruit ... pic.twitter.com/BHeqiAnlo8
— GUYOT Vincent (@GuyotVincent02) December 10, 2019
Où est le mal ? Où est le remède ?
Vincent Guyot pourrait être considéré comme un agriculteur plutôt écolo. C'est tout le paradoxe avec le glyphosate. Cet herbicide est particulièrement utilisé dans l'agriculture de conservation, un mode de culture fondé sur un travail minimum des sols, sans labour. Avantage : moins de carburants et de carbone dans l'air. Inconvénient : sans labour, il faut du glyphosate pour tuer les mauvaises herbes.
"On va me dire : rachète une charrue, tu détruis tout ce que tu as fait en 20 ans, et peut-être que tu arriveras à te passer du glyphosate", se désole l'agriculteur, après deux décennies d'efforts pour convertir son exploitation. Sans glyphosate, il prévient : "la balance carbonée sera plus mauvaise, on devra appliquer d'autres désherbants dans les cultures qui auront eux aussi un impact."
De son côté, l'Anses n'examine pas que les produits à base de glyphosate, elle a aussi lancé "une évaluation comparative avec les alternatives disponibles" : "seuls les produits (...) ne pouvant pas être substitués de façon satisfaisante, bénéficieront in fine de l’accès au marché français." Elle assure que l'évaluation sera finalisée d’ici le 31 décembre 2020.