Dans l'Aisne, certains chefs d'établissement ont opté pour les mesures de responsabilisation pour remettre les élèves dans le droit chemin. Une alternative à la sanction d'exclusion temporaire.
Comment punir un élève qui a dérapé ? Faut-il l'exclure même temporairement ? Cette décision n'est pas sans risque. Elle peut même parfois pousser un adolescent à la déscolarisation.
"On est dans la pédagogie"
Face à ce dilemme, certains chefs d'établissement choisissent une alternative pour remettre les élèves dans le droit chemin : la mesure de responsabilisation. Elle consiste pour l'élève à participer, en dehors des heures d'enseignement, à des activités de solidarité, culturelles, de formation ou à l'exécution d'une tâche à des fins éducatives.
"On est au-delà de la sanction bête et méchante, relève Gilles Bouriez, principal du collège Marie-de-Luxembourg, à La Fère. Le bénéfice, c'est que l'élève est encadré et qu'il prend conscience de ce qu'il a fait. On est dans la pédagogie".
À la recherche de partenaires
L'objectif de cette démarche est de faire participer les élèves, en dehors des heures d'enseignement, à des activités de solidarité, culturelles ou de formation à des fins éducatives.
Mais si la mesure existe depuis une dizaine d'années, elle est rarement utilisée, faute de partenaires. Une difficulté à laquelle a été confronté le chef d'établissement lors de sa prise de fonction à La Fère: "J'avais déjà mis en place ces mesures dans mon établissement à Chauny. Mais selon le secteur local où on se trouve, on a plus ou moins de partenaires. C'est plus facile d'en trouver dans une grande ville mais moins facile en zone rurale, comme à La Fère" reconnaît Gilles Bouriez.
C'est un investissement dans le temps qui demande de l'implication de tous les acteurs. Il faut que le cadre soit très bien posé.
Gilles Bouriez, principal du collège Marie-de-Luxembourg à La Fère
Une convention a fini par être signée avec la Ville en 2021, puis le collège a contractualisé en février dernier, avec le centre hospitalier gérontologique (CHG). "On sera en mesure de proposer la démarche l'an prochain. C'est long, admet le principal, parce que ça demande beaucoup de concertations. C'est un investissement dans le temps qui demande de l'implication de tous les acteurs. Il faut que le cadre soit très bien posé. Du côté des partenaires, il faut qu'il y ait un tuteur et au niveau de la famille, il faut aussi qu'il y ait un vrai partenariat".
À Soissons, trois établissements scolaires ont établi une convention de responsabilisation des élèves : le collège Gérard Philippe, le collège Lamartine et le lycée Le Corbusier. Trois partenaires ont signé avec eux : la Croix Rouge, Aid'Aisne et les chantiers d'insertion de Grand Soissons agglomération. Des partenariats rendus possibles depuis que la ville a obtenu le label "Cité éducative".
Gagnant-gagnant
Au collège Lamartine, deux élèves ont déjà bénéficié de ce dispositif. "Pour le moment on en a mis trois en place depuis octobre 2022, avec la Croix rouge, rapporte Didier Hautreux, le principal. Les élèves qui en sont sortis étaient enchantés car ils ont apporté de l'aide à des personnes fragiles. Je pense que ça a un retentissement dans la tête de l'élève".
Pour rendre plus efficace la mesure, les parents eux aussi s'engagent en signant un livret sur le dispositif et en accompagnant leur enfant. Elle ne peut se réaliser qu'avec leur accord et celui de l'adolescent "selon la gravité des faits. C'est souvent lié au comportement. Par exemple, il y a eu pour un élève un problème de respect envers l'assistante d'éducation, avec une falsification de droit de sortie d'établissement et qui a récidivé. Il sortait et refusait de rentrer. Il faut vraiment mesurer les faits qui sont reprochés aux élèves".
Les élèves qui en sont sortis étaient enchantés car ils ont apporté de l'aide à des personnes fragiles. Je pense que ça a un retentissement dans la tête de l'élève.
Didier Hautreux, principal du collège Lamartine à Soissons
Concrètement, l'élève sanctionné va toujours en cours, contrairement à une exclusion. Il intervient hors du temps scolaire et se rend trois jours dans la semaine, en ce qui concerne la Croix-Rouge, "car c'est là où il pouvait y avoir quelqu'un de disponible".
En un an, quatre à cinq mesures de responsabilisation ont été mises en place au collège Jacques Cartier à Chauny. Selon l'ancien principal Gilles Bouriez, l'expérience est concluante, même s'il reconnaît qu'elle ne peut pas s'adapter à toutes les situations : "on ne proposera pas ça à n'importe quel élève. Pour certains, c'est peine perdue. Le profit ira à celui qui a fait une faute grave comme le harcèlement. Dans la mesure où l'élève n'est pas un récidiviste, il peut dire 'j'ai compris la leçon'. Tous les élèves qu'on a mis en mesures de responsabilisation se sont retrouvés valorisés en leur permettant de transformer le mal qui a été fait. Par exemple, en animant un atelier lecture pour les enfants, ou en faisant des jeux avec des personnes âgées".
Autre avantage, lorsque l'élève respecte l'engagement écrit, seule la mesure alternative est inscrite dans son dossier administratif. Puis elle est effacée à l'issue de l'année scolaire.