C'est une tradition vieille d'un siècle : à la Toussaint, il est d'usage de fleurir les tombes des êtres chers avec des chrysanthèmes. Une période de travail intense pour les horticulteurs et les fleuristes.
Qu'il soit jaune, rose pastel, rouge vif ou même bicolore, le chrysanthème évoque toujours la même chose pour les Français : le souvenir d'un être cher. À la Toussaint, il est d'usage de fleurir les tombes avec ces fleurs, que l'on appelle aussi pomponettes, qui éclosent chaque année au moment où les jours raccourcissent.
Une tradition qui perdure, mais qui évolue
"Ils fleurissent naturellement au 1er novembre, explique Denis Desteucq, horticulteur à Prémont, dans l'Aisne, qui cultive une vingtaine de variété de chrysanthèmes. Là où il faut faire attention, c'est sur l'époque de plantation, qui va déterminer la grosseur. Plus on va planter tôt, et plus on aura une pomponette qui sera grosse." Cette année, il a cultivé 6 000 plants. Les boutures sont reçues en mai, et sont plantées jusqu'à la mi-juillet pour pouvoir, justement, proposer différentes tailles.
Tout un art, car il faut s'adapter aux tendances, qui évoluent avec les années. "La production de chrysanthèmes à grosses fleurs tend à s'estomper, ça n'intéresse plus que les personnes vraiment âgées", constate Jean-Pierre, le père de Denis, qui s'occupe de la vente des fleurs. Il note également que le choix de la teinte des fleurs change en fonction des générations. "Les jeunes sont plus attirés par les couleurs vives, comme le rouge, le jaune ou le blanc, et les gens d'un certain âge vont plutôt vers le mauve ou le rose pâle."
Depuis vingt ans qu'elle cultive des fleurs, la famille Desteucq a eu le temps de voir les tendances évoluer. Petit à petit, le chrysanthème semble se défaire de son symbole mortuaire. "Ça commence à changer dans l'esprit des gens, précise Denis. Certaines personnes les utilisent aussi pour décorer leurs maisons, leurs pas de portes, parce qu'on a des hivers de plus en plus doux, et qu'il n'est pas rare aujourd'hui de voir des chrysanthèmes fleuris jusqu'à mi-novembre, voire début décembre dans certains cas. C'est un peu un moyen de prolonger l'été."
Une bonne année pour le chrysanthème
Mais la tradition ne semble pas prête de disparaître pour autant. À quelques jours de la Toussaint, dans les allées, les clients sont déjà nombreux à choisir les pomponettes qu'ils offriront à leurs proches défunts. Chaque année, Béatrice Frénois fait la route depuis Guise, à 25 kilomètres de là, pour acheter ses chrysanthèmes. Cette année, elle en a choisi des mauve et blanc, et deux jaunes. "J'y tiens beaucoup, au moment de la Toussaint et puis des Rameaux. C'est une croyance. En plus, ce sont des jolies fleurs", sourit-elle. Joao de Freitas, lui aussi, trouve les chrysanthèmes "très beaux". Pour lui, les déposer sur les tombes à cette période de l'année représente "l'envie de vivre avec nos ancêtres, qui restent dans notre cœur".
Il y en aura pour tout le monde : l'année a été propice au développement des chrysanthèmes. "La production s'est bien passée, parce que les conditions étaient relativement clémentes. Il y a eu un ensoleillement pas trop important, et ça c'est bien pour le chrysanthème, parce que c'est une plante qui fleurit avec les jours qui raccourcissent. Alors s'il reçoit trop de lumière, il ne reçoit pas de message de se mettre en floraison, et il retarde son éclosion", explique Denis Desteucq.
Les ventes devraient se prolonger jusqu'au 11 novembre. De quoi prolonger encore un peu le temps du souvenir et du recueillement, et égayer les cimetières jusqu'aux premières gelées.
Avec Rémi Vivenot / FTV