85 % des fleurs vendues en France sont importées, parfois, elles viennent de l'autre bout du monde. Face à ce phénomène aux lourdes conséquences écologiques, de jeunes producteurs tentent de faire renaître la floriculture française, pour proposer des fleurs de saison produite dans le respect de la nature. Exemple dans la Somme.
Au milieu des grandes cultures qui recouvrent la plaine du nord de la Somme, une toute petite parcelle nichée entre les villages de Puchevillers et Toutencourt regorge de fleurs de toutes les couleurs.
C'est la ferme du P'tit Quesnoy, où un jeune couple d'agriculteurs s'est lancé dans la production de fleurs séchées avec un rêve ambitieux : participer à la renaissance de la filière de la floriculture française.
"Je vais vous montrer l'aneth, c'est une fleur sénescente qui a un port particulier, ce qu'on appelle l'ombelle", explique Cyril Quandalle en cueillant la fleur pour la montrer aux visiteurs qui profitent de la journée portes ouvertes de sa ferme, dimanche 29 septembre.
Une oasis fertile
Agronome de formation, ce trentenaire a créé cette activité il y a trois ans avec son épouse Clarisse, sur la parcelle de sa grand-mère. L'objectif du couple est de produire en régénérant la nature de ce terrain laissé en friche pendant des années et pour cela, Cyril met tout son savoir-faire au service de la terre.
"Ici, on a de la féverole, c'est une légumineuse que l'on associe avec une fleur, montre-t-il un peu plus loin. Les deux plantes vont faire tout leur cycle ensemble et la féverole apporte de l'azote au sol, ce qui nourrit l'autre plante en place et le sol pour la suite."
S'il prend un plaisir communicatif à parler des 60 espèces qu'il cultive, le but de cette visite est aussi de faire découvrir un produit méconnu : la fleur française. "Aujourd'hui, on achète des bouquets sans trop savoir d'où ça vient, regrette Cyrille. C'est une filière qui s'est perdue."
La fleur locale et de saison
Dans la vieille bâtisse de la parcelle, Clarisse fait sécher les fleurs que produit Cyrille pour créer des compositions, qu'elle vend à des particuliers et des professionnels, par exemple des restaurants.
"Les trois quarts des fleurs séchées que l'on trouve sur le marché ne sont pas françaises et elles sont teintées, on voit rarement leurs couleurs naturelles, constate-t-elle. Alors qu'on arrive à obtenir de très belles couleurs juste avec la fleur naturelle."
Dans l'atelier, le magenta profond des immortelles d'Australie séchées côtoie le blanc pur des camomilles et le jaune lumineux des hélichryses. "On prône cette idée de la fleur française et de la fleur de saison, ajoute Clarisse. La France était un gros producteur de fleurs, on voudrait relancer cette culture."
"C'est une filière qui s'est perdue il y a vingt ans au profit des filières internationales, renchérit Cyrille. On parle de 'slow flower', c'est-à-dire que l'on va consommer la fleur du moment. On va consommer de la fleur fraîche du printemps à l'automne, ensuite, des fleurs séchées pour l'hiver."
Un marché qui renaît
Cyrille et Clarisse ont adhéré à un collectif, La fleur française, qui milite pour une renaissance de cette filière. Et la dynamique semble bien lancée : "le nombre d'installations est important et croissant d'une année à l'autre. Aujourd'hui, on est une quinzaine de floriculteurs dans les Hauts-de-France", se réjouit Cyrille. Sur la carte du collectif, sept producteurs de fleurs locales sont référencés en Picardie.
Consommer local, c'est pourtant aller à l'encontre de réflexes bien ancrés. "On ne peut pas acheter des roses à la Saint-Valentin parce que ce n'est pas du tout la saison des roses", rappelle Clarisse. La plupart des roses vendues à cette occasion arrivent en effet par avion du Kenya, d'Éthiopie et d'Amérique latine.
Mais le public semble prêt à changer. "Au niveau des mariages, beaucoup veulent être plus écoresponsables, les mariés me demandent souvent quelles sont les fleurs de saison, complète Clarisse. Au niveau des professionnels, je travaille beaucoup avec les restaurants et ils recherchent la saisonnalité, même dans leur déco."
"On parle beaucoup de consommer local pour les légumes, mais en fait, c'est la même chose pour les fleurs", conclut Cyrille. S'il reste beaucoup de chemin à parcourir pour reconquérir le marché national, où près de neuf fleurs sur dix sont importées, l'enjeu écologique est de taille : d'après BpiFrance, un bouquet de trente roses est responsable de l'émission de 60 kilogrammes de CO2.
Avec Vincent Le Goff / FTV