"C'est un légume qui va disparaître tout doucement" : le Gros-vert de Laon, un artichaut méconnu en voie d'extinction

Il a fait les beaux jours des maraîchers de la vallée de l'Ardon dans l'Aisne et des tables parisiennes aux XVIIIe et XIXe siècle. L'artichaut Gros-vert de Laon n'est quasiment plus cultivé. La faute à la concurrence de l'artichaut breton, mais aussi à un désamour pour le légume.

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C'est une variété rustique et méconnue. Un légume d'autrefois, emblématique du Laonnois et qui risque de disparaître : l'artichaut Gros-vert de Laon a fait le plaisir des tables du nord de la France, des Ardennes, mais aussi de Paris.

Une disparition lente et discrète

Dans Le Laonnois, il a été largement cultivé et commercialisé. En 1945, on comptait 28 maraîchers qui vendaient leurs Gros-vert de Laon. Mais depuis plusieurs années, le légume ne fait plus recette. Alain Marlier continue pourtant de cultiver du Gros-vert. Cela fait 40 ans qu'il en plante à Chivy-lès-Étouvelles. Pour lui, l'artichaut de Laon, c'est le terroir picard. Dans les années 90, il avait des clients partout en France. Aujourd'hui, il ne vend presque plus sa production. Ce qu'il arrive à vendre, ces sont les fleurs d'artichaut, utilisées pour des compositions florales.

"Après moi, ici, il n’y aura plus personne, se désole-t-il en coupant une tête d'artichaut. C’est un légume qui va disparaître tout doucement. Cette année, j'en ai planté 1 500. L’année dernière 2 000. Avant, on en faisait au moins 3 000-4 000 pieds qu’on emmenait aux Halles à Reims, mais pendant un temps ça ne valait rien non plus. On ne voulait que de l’artichaut breton. Ça revient un peu, mais il n’y a quasiment plus de cultivateurs d’artichauts. Donc même si les gens en reveulent, à part chez les petits jardiniers, ils n’en trouveront plus."

Avant, on vendait aux Halles de Reims. Aujourd’hui, je fais une petite vente tous les samedis à la maison.

Sylvie Emery, productrice d'artichauts Gros-vert de Laon

Il est l'un des deux derniers producteurs d'artichauts dans l'Aisne avec Sylvie Emery. Maraîchère depuis 43 ans, elle a repris l'exploitation au décès de son mari. Mais ses enfants ont décidé de faire un autre métier. "Ici, il y avait beaucoup de maraîchers avant. Nous, c'était la 5ᵉ génération, explique-t-elle. Et quand je ne serai plus là, il n'y aura plus personne pour reprendre. Surtout que la culture d’artichaut, ce n’est pas plus dur qu’autre chose. Avant, on vendait aux Halles de Reims avec nos autres légumes. Aujourd’hui, je fais une petite vente tous les samedis à la maison. Les gens mangent moins d’artichaut. C’est un légume qui se perd."

Connu et reconnu au XVIIIᵉ et XIXᵉ siècle

Le Gros-vert de Laon a pourtant eu son heure de gloire durant tout le XIXᵉ siècle. Il est mentionné dans tous les dictionnaires botaniques et autres précis d'horticulture. 

Avec ses grosses têtes larges, légèrement teintées de violet à la base et ses écailles étalées vert pâle au moment de la récolte, le Gros-vert de Laon n'a pas résisté face à son cousin breton, aux feuilles plus fermées, cultivé plus intensément.

Le Gros-vert de Laon n'est pourtant pas une variété récente. Il est en effet apparu dans le terroir laonnois, il y a près de 1200 ans. "La légende dit que c'est Charlemagne, lors de la campagne d'Italie, qui a ramené des plans d’artichaut. Sa mère, Berthe au Grand Pied, adorait ça, raconte Jean-Marie Rabouille, grand-maître de la confrérie de l'artichaut Gros-vert de Laon. Donc il a cherché un terrain pour repiquer ce fameux artichaut et il a trouvé la vallée de l'Ardon qui va de Leuilly à Chivy-lès-Étouvelles. Depuis ce temps-là, on cultive le Gros-vert de Laon. Aujourd'hui, il paraît que les jeunes n’aiment plus l’artichaut. Alors on essaie de le leur faire découvrir avec des recettes de cuisine ou la fête de l’artichaut."

Facile à cuisiner

Une recette, c'est justement ce que Sylvie Emery tient à nous faire goûter. Si ce légume se vend moins, il n'en reste pas moins facile à cuisiner. Cuit ou cru, le Gros vert se déguste en poivrade. Une sorte de mayonnaise locale avec des échalotes, beaucoup d'échalotes. "Vous émincez les échalotes, vous prenez des jaunes d'œufs, de la moutarde, sel, poivre et vous ajoutez l'huile. Vous tournez tout doucement pour ne pas que ça descende. Vous trempez le blanc de la feuille dedans et vous mangez comme ça", nous montre-t-elle en trempant une feuille d'artichaut dans le bol.

Le Gros-vert de Laon n'est protégé par aucun label, aucune indication géographie et autre appellation d'origine. "Pour quoi faire ? demande Jean-Marie Rabouille. On préfère que ça reste ouvert à tout le monde et que tout le monde en cultive, même ailleurs qu'ici."

Avec Gabin Cransac / FTV

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