Les producteurs de cidre de Thiérache visent l’AOP pour préserver et valoriser leur savoir-faire : "c'est 10 ans de délai minimum"

Peu nombreux, mais derniers représentants d'une vieille tradition, les producteurs de cidre de Thiérache dans l'Aisne et le Nord ambitionnent de voir leur boisson labellisée par une AOP. Une démarche de longue haleine.

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"Du temps de mes grands-parents, le cidre, c'était la boisson du paysan. En Thiérache, il y avait du cidre partout". Agriculteur lui-même, Hubert Vanassche est l'héritier de cette longue tradition à Neuve-Maison dans l'Aisne. Avec 15 hectares de vergers et une production variant de 5 000 à 10 000 bouteilles par an de cidre doux, demi-doux ou brut selon les années, le producteur est un des derniers représentants de cette tradition locale. Une production devenue assez confidentielle aujourd'hui dans ce terroir à cheval sur l'Aisne et le Nord.

Pour autant, quatre ou cinq producteurs ambitionnent aujourd'hui d'obtenir une reconnaissance pour le cidre de Thiérache. Deux sont implantés dans l'Aisne, deux dans le Nord. Leur objectif est d'obtenir un label "Appellation d'origine protégée", une protection du produit à l'échelle européenne qui nécessite que toutes les étapes de sa fabrication soient réalisées, selon un savoir-faire reconnu, dans une même zone géographique.

Quelques points ont déjà été lancés sur ce dossier. "C'est très long. Ça a démarré il y a trois ou quatre ans par un déplacement du préfet de l'Aisne", raconte Hubert Vanassche. Une étude a même déjà été réalisée et quelques financements ont été accordés. "C'est dix ans de délai minimum", annonce Hubert Vanassche, mais le producteur juge le moment propice. "On a le même mode de production. Aujourd'hui, le fait que l'on soit dans une seule région, c'est plus facile".

Un premier jet du dossier cette année

Au sein de l'Atelier agriculture Avesnois Thiérache qui épaule les agriculteurs sur différents sujets, Rino Iida, animatrice chargée de projet filière et circuits courts a été chargée de suivre ce dossier. "On envisage une AOP plutôt qu'une IGP, car les explications sur l'élaboration sont plus techniques. C'est le choix des producteurs. Ils ont vraiment la volonté de préserver et de valoriser ce savoir-faire. De faire une fermentation naturelle, c'est une méthode vraiment traditionnelle", explique la spécialiste.

Le dossier devra d'abord être présenté à l'INAO à l'échelon national, puis au niveau européen, s'il est validé. "Cette année, on envisage la rédaction d'un premier jet du dossier. Il faut démontrer que la production de cidre existe ici depuis longtemps et faire le lien avec les caractéristiques du terroir et le climat adapté à la production", indique Rino Iida. Pour cela, la page n'est pas totalement blanche puisque quelques travaux ont déjà été menés sur le sujet. "Il y a eu des recherches variétales sur les variétés locales. Il y a des variétés thiérachiennes. L'analyse agronomique a été réalisée. Il reste à réaliser l'analyse des jus de pomme et le génotypage".

Si chacun des acteurs de la démarche réalise qu'obtenir un label constitue une démarche de long terme, pour Hubert Vanassche, le jeu en vaut pourtant la chandelle. "Tout le monde ne connaît pas la Thiérache. C'est mettre en avant la Thiérache et garder une qualité propre au produit. Au moins, on protège le mode de production. Cela permet aussi à certains de planter", estime le producteur qui ne craint pas de voir de nouveaux arrivants. "D'autres ailleurs possèdent déjà ce label. Tous les cidres ont leurs particularités. Le monde attire le monde. Il y a toujours de la place. On n'est pas loin de Reims, de Paris, de Lille".

Le précédent du haricot de Soissons

Dans l'Aisne, d'autres producteurs ont déjà abouti récemment dans ce type de démarche. Ceux du haricot de Soissons, reconnu depuis l'an passé par une Indication géographique protégée. Il leur aura fallu vingt ans pour y parvenir. Didier Cassemiche, président de l'association des producteurs de haricot de Soissons se souvient : "Il y a eu des hauts et des bas. Il y a eu des périodes où on a abandonné le projet. Nous n'avions pas trouvé les personnes introduites dans ces réseaux-là pour faire avancer notre dossier. Il faut connaître le jargon, savoir à qui s'adresser. Il faut s'armer de patience".

Par expérience, le producteur souligne l'intérêt de s'entourer de connaisseurs de ce type de dossier. "Ils ont l'expérience du mot bien placé, de la virgule à la bonne place. Nous, on ne reste que des paysans. On a l'impression de savoir expliquer nos pratiques, mais ça ne parle pas forcément au commun des mortels. On vous demande de justifier beaucoup de choses", raconte Didier Cassemiche.

Faire vivre le label

Il reconnaît pourtant le bien-fondé de ces démarches. "Ça nous a obligés à écrire ce qu'on fait et à faire ce qu'on écrit. Ça nous a permis de bien structurer la démarche. Cela permet aussi, quand de nouveaux producteurs arrivent, de leur présenter un cahier des charges clair. C'est une magnifique reconnaissance du savoir faire des producteurs d'un territoire". Le représentant du haricot de Soissons prévient toutefois : "avoir un label, il faut savoir le faire vivre ensuite. Le gros du travail arrive après le label. C'est une nouvelle aventure qui réclame du temps et des moyens financiers".

Les producteurs de cidre de Thiérache semblent de leur côté bien conscients des difficultés qui les attendent, mais sont prêts à tenter l'aventure sans pression.

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