Les Hauts-de-France ne figurent pas parmi les régions traditionnellement productrices de sapin de Noël, pourtant un essaim de producteurs y tire son épingle du jeu. Dans l'Aisne, cette activité souvent complémentaire d'une autre semble portée par l'intérêt des consommateurs pour les produits locaux.
Ils sont horticulteurs, agriculteurs ou même entrepreneurs de BTP. Dans l'Aisne, une dizaine de producteurs de sapins répartis sur l'ensemble du territoire s'activent actuellement pour répondre à la demande. Frédéric Marion est l'un d'eux. Cet agriculteur et éleveur de 50 ans, installé à Nogent l'Artaud dans le sud du département, gère une plantation de 5 à 6 hectares située à 1 km de sa ferme. Il y produit 3 variétés de résineux pour les fêtes : Omorika, Épicéa et Nordmann, le haut de gamme.
La ferme s'est véritablement lancée dans la vente depuis une bonne quinzaine d'années, un peu par hasard. "Mon père a commencé il y a 25 ans. À l'époque, un Belge cherchait du terrain pour faire pousser des sapins. Nous avions un hectare inutilisé. Nous avons planté, mais l'accord était oral et nous n'avons jamais eu de nouvelles ensuite. Nous avions les sapins sur les bras, alors pour récupérer l'argent des plants, on a commencé à en vendre. Cinquante la première année, puis tous les ans on en vendait un peu plus et c'est parti comme ça", se souvient Frédéric Marion.
Une véritable diversification
L'activité s'intègre bien dans le calendrier agricole de cet éleveur. Elle constitue désormais une véritable diversification. "Le mois de décembre, c'est vraiment un mois creux. Au 15 novembre ça commence à bouger".
Le sapin constitue une culture relativement peu exigeante même si cette année le producteur déplore la perte de la moitié de ses plants à cause de la sécheresse. "Les sapins poussent à leur guise. Je ne fais rien du tout. Je ne mets aucun désherbant", explique Frédéric Marion. Le producteur fait même appel à des moutons pour désherber sa parcelle. "C'est une race à tête noire qui ne mange pas les sapins. Cela fait une tondeuse écologique", précise-t-il. Du coup, Frédéric Marion a entamé des démarches pour faire reconnaître le caractère "bio" de son activité : "Pour me démarquer des autres", dit-il. Une procédure de certification qui doit durer 3 ans.
La production de sapins de Noël représente également une activité complémentaire pour Vincent Gadroy à Hirson. Même si ce dernier est horticulteur de profession, l'arbre de Noël cela constitue un produit à part. À son compte depuis 1995, il fait pousser une centaine de sapins. "Je fais beaucoup plus de fleurs ou de plantes à massif", concède-t-il.
"On fait de l'Épicea et du Nordmann. On coupe pour le montrer au client, c'est presque à la demande. On vend le sapin dans nos serres, les gens repartent directement avec", explique Vincent Gadroy.
Une corde de plus à l'arc de cet horticulteur qui reste un petit producteur face à la concurrence étrangère notamment. "Sur la Thiérache, ce sont beaucoup de petits. Il n'y a pas de gros producteurs de sapins, ce n'est pas comme dans les Ardennes belges."
"Je suis optimiste"
À Francilly-Selency, près de Saint-Quentin, Dominique Lequeux, des pépinières du même nom, travaille, en revanche à une échelle plus importante. En 1982, il a repris une entreprise qui compte aujourd'hui 4 salariés et exploite 2,5 hectares de sapins. "C'est important en surface, mais pas en chiffre. C'est un plus", précise le producteur.
Nordmann, sapin bleu ou sapin de Serbie, "plus élancé". Le pépiniériste vend des arbres de 1 à 12 m de hauteur pour les plus grands. Des sapins vendus en pot avec racine et sortis de terre quelques jours à peine avant la vente. "Ils tiennent sans problème jusque mi-janvier. On arrache en fonction de la demande", raconte Dominique Lequeux.
Pour lui, il s'agit d'un véritable travail de pépiniériste. "Il y a un entretien, une taille, on le reforme pour qu'il soit beau. On fume, on travaille on laboure". Les sapins sont plantés en mars ou avril. Ensuite, il faut patienter. "Si c'est un sapin des Vosges, il faut 4 à 5 ans. Il faut 2 ans de plus pour un Nordmann. Ça fait 6 ou 7 ans".
Dominique Lequeux met en avant une production "zéro phyto". "L'important c'est une bonne fumure avant la plantation". Le producteur apporte ensuite une dose de fumure organique durant la croissance de ses sapins. À l'issue, il les vend au détail, aux commerces, aux administrations, aux entreprises. Une activité qui laisse à ce producteur le plaisir de contribuer à sa manière à l'esprit des fêtes. "Quand on vient choisir le sapin, c'est un événement. En général, les gens viennent avec les enfants. Quand vous voyez la lumière dans leurs yeux, c'est féerique".
Selon le producteur, l'activité tient son rang face à la concurrence de masse d'autres régions comme la Bretagne ou de voisins comme la Belgique ou le Danemark. "Les gens recherchent le sapin naturel et reviennent chez le producteur. On sait que c'est frais. Il y a eu une mode de l'artificiel, il y a une dizaine d'années, mais on repart. Depuis 2 ans, on le ressent. Je suis optimiste".
Le goût du local
Un sentiment d'évolution que confirme Frédéric Marion à Nogent l'Artaud. La vente de sapins est désormais une activité à part entière pour son exploitation agricole. "Ça commence à compter", confie le producteur. "Je ne ressens pas la concurrence des autres. Ce sont beaucoup des habitués qui viennent et puis le bouche-à-oreille attire de nouveaux clients. Depuis qu'on vend, on vend de plus en plus tous les ans. Je ne fais aucune publicité d'ailleurs". Au point de craindre la rupture de stock en fin de saison. "Au 21 décembre, j'arrête de couper car il faut que j'en garde. Je suis toujours juste à la fin. Depuis 5 ou 6 ans, je plante beaucoup plus. J'ai encore 2 années compliquées et après je vais être bien".
Outre l'aspect économique l'agriculteur apprécie cette activité qui lui apporte un contact nouveau et direct avec les clients "Ça permet de faire connaître le métier d'agriculteur. On discute, ils n'imaginent pas que c'est moi qui les produit".