Chaque année, des centaines d'opérations de prévention sont organisées sur les aires d'autoroute française. Objectif : sensibiliser à la sécurité routière, en rappelant aux conducteurs les dangers de l'inattention, de la vitesse ou encore de l'alcool au volant.
Si vous prenez l'autoroute pour partir en vacances, il y a de grandes chances que vous ayez déjà croisé ces stands sur une aire de repos. Apprendre à utiliser un test de stupéfiants, chausser des lunettes qui simulent les effets de l'alcool, ou revoir les gestes de premier secours : les opérateurs d'autoroute et les forces de l'ordre proposent aux vacanciers toute sorte d'activités. Objectif : parler sécurité routière.
Des animations ludiques pour mieux faire passer le message
Ce vendredi 5 juillet, l'une de ces opérations s'est tenue sur l'aire d'Urvillers, la plus fréquentée du département de l'Aisne. Et l'approche est plutôt ludique. Un animateur vous propose par exemple de vous installer au volant d'une "voiture-tonneau", c'est-à-dire un véhicule qui va tourner sur lui-même comme cela peut arriver lors d'un accident de la route.
"Ça, c'est très très gentil par rapport à un accident. En cas d'accident, si la voiture se retourne, elle s'écrase, le toit s'écrase, les vitres explosent. Mais là, on va voir surtout l'efficacité de la ceinture, à partir du moment où elle est mise correctement, explique-t-il. En moyenne 23% des décès sur la route tous les ans qui sont à cause d'une ceinture pas mise ou mal mise. Et sur les enfants, on est à 51%."
Le vivre en vrai, je pense que c'est assez traumatisant.
Héloïse, après avoir testé la voiture-tonneau
Des chiffres qui donnent le tournis, autant que la voiture-tonneau. "C'était très impressionnant, ça fait peur !, confirme Héloïse, qui a tenté l'expérience. Le vivre en vrai, je pense que c'est assez traumatisant."
Un peu plus loin, des curieux essaient les lunettes qui simulent l'alcoolémie. Elles donnent à voir ce que voit une personne avec 0,8 gramme d'alcool par litre de sang, c'est-à-dire après avoir ingurgité environ trois unités d'alcool. Jean-Luc ne boit pas, mais il s'est prêté à l'exercice. Il doit d'abord parcourir quelques pas sur un tapis avec des obstacles : il y va tout doucement, cela demande une concentration bien plus importante que d'ordinaire.
"Là, j'ai fait attention, mais si j'avais vraiment bu, j'aurais pas fait ça !", admet-il. On lui lance ensuite un ballon, à petite distance, et l'effet sur ses réflexes est bien visible : confus, il n'y parvient pas. Enfin, il doit ramasser une clé par terre et ouvrir une serrure. Il tâtonne, déconcerté. D'après lui, cette expérience a été bénéfique. "C'était très intéressant, assure-t-il. J'avais souvent vu ces démonstrations à la télé, mais je n'avais jamais essayé, et je suis content de l'avoir fait !" L'occasion pour l'animateur de lui donner quelques informations supplémentaires, dont l'une particulièrement marquante : si la consommation d'alcool est couplée à du cannabis, les effets sur le champ visuels sont multipliés par 14.
267 personnes tuées sur les routes des Hauts-de-France en 2023
Une piqûre de rappel essentielle quand on sait que dans les Hauts-de-France, 45% des personnes tuées sur les routes en 2023 l'ont été dans un accident impliquant un conducteur ayant consommé de l'alcool ou de la drogue.
Au total, ce sont 267 personnes qui ont perdu la vie sur la route cette année-là dans la région. C'est dans le Nord que le chiffre est le plus élevé : 94 décès, soit une augmentation de 3% depuis 2019. Avec 74 décès, le département du Pas-de-Calais subit quant à lui la plus forte augmentation, +21% en quatre ans. Les trois autres départements voient le nombre de morts sur les routes baisser. Et c'est la Somme qui est le meilleur élève avec une diminution de 9%.
Si les chiffres peuvent paraître décourageants par endroits, c'est parce que la prévention liée à la sécurité routière est un travail de longue haleine. "Ce n'est pas une opération qui va changer la donne. Des opérations comme celle-là, il y en a des centaines chaque année dans l'Aisne et des milliers un peu partout France, précise Damien Tournemire, sous-préfet de l'Aisne. À chaque opération, on va toucher un public différent, donc on espère faire changer peu à peu les comportements, en continuant à faire de la prévention ici d'une part, et au bord des routes, avec les forces de l'ordre, qui sont là pour faire de la prévention, mais aussi de la répression."
Sur l'autoroute, on va trouver en premier lieu la somnolence, qui est la cause principale dans un accident mortel sur trois.
Damien Tresseres, capitaine-commandant en second de l'EDSR
Car la répétition est bien un élément clé de la prévention. Près de 20 ans après son apparition dans les campagnes de prévention, à la télévision ou sur les affichages publics, tout le monde connait désormais Sam, le fameux conducteur désigné, et la célèbre phrase qui l'accompagne "celui qui conduit, c'est celui qui ne boit pas". Et si les accidents liés à l'alcool sont encore trop élevés, force est de constater que le nombre de personnes tuées dans les accidents avec un taux d'alcool positif a baissé de moitié depuis le début des années 2000.
Alors les opérateurs d'autoroute, les services de l'État, les forces de l'ordre et les compagnies d'assurance allient leur force pour parler sans relâche de tous les facteurs accidentogènes. "Sur l'autoroute, on va trouver en premier lieu la somnolence, qui est la cause principale dans un accident mortel sur trois. Et sur tout le domaine routier, il y a la vitesse et les conduites addictives, donc l'alcoolémie et les stupéfiants, mais également tout ce qui est distracteurs, comme l'usage du téléphone ou parfois d'ordinateurs portables pour les chauffeurs poids lourds", détaille Damien Tresseres, capitaine-commandant en second de l'escadron départemental de sécurité routière.
Les ouvriers autoroutiers, une population très exposée
Et sur l'autoroute, il n'y a pas que les conducteurs et passagers qui sont exposés au risque routier. Dans les Hauts-de-France, 350 agents de la Sanef sont chargés d'entretenir et de sécuriser les voies. Un métier essentiel, mais à haut risque. "Les ouvriers autoroutiers sont victimes en moyenne de trois accidents par semaine sur l'ensemble des autoroutes françaises, déplore Philippe Macq, directeur délégué de la Sanef dans la région. En 2023, ça fait 140 accidents, donc un bilan très lourd, avec 22 blessés et un décès."
Pour lui, il faut bien sûr insister sur l'importance de faire des pauses et de bannir les distractions au volant. Mais surtout, il est impératif de rappeler la bonne attitude en cas d'intervention d'agents sur l'autoroute. "Le corridor de sécurité est inscrit depuis 2018 dans le code de la route. Chaque conducteur, à l'approche d'un véhicule arrêté sur la bande d'arrêts d'urgence, soit ralentir, se déporter, voire changer de voie s'il peut", rappelle-t-il.
Ce type d'opérations prévention aura lieu tout l'été sur les aires d'autoroutes. L'occasion aussi d'apprendre ou de se remémorer les gestes de premiers secours, qui peuvent augmenter grandement les chances de survie d'une victime, en attendant l'arrivée des secours.
Avec Matthieu Maillet / FTV