Des 61 députés LR sortants de l'Assemblée nationale, 5 étaient élus en Picardie. Au second tour des législatives de 2022, 4 avaient eu face à eux un candidat du Rassemblement national. Avec le score inédit du RN aux Européennes, les prochaines législatives anticipées prennent désormais une autre tournure pour les élus Les Républicains picards.
Les choses n'avaient déjà pas été simples au second tour des législatives de 2022 pour les candidats Les Républicains de Picardie. Et il y a fort à parier que le scrutin anticipé des 30 juin et 7 juillet prochains sera encore moins facile pour les cinq députés LR sortants. Car tous, sans exception, avaient trouvé sur leur route vers la députation un candidat du Rassemblement national. Un Rassemblement national désigné première force politique par les électeurs des Hauts-de-France lors des Européennes.
Des sortants LR contre la ligne Ciotti
Si tous refusent en bloc l'alliance avec le RN annoncée par le chef du parti Eric Ciotti, ils savent aussi que la bataille va être âpre et difficile.
"Je sais qu'on a un enjeu face au Rassemblement national dans cette circonscription", reconnaissait Emmanuel Maquet sur le plateau du JT de France 3 Picardie mercredi 12 juin. Le député LR sortant de la 3ᵉ circonscription de la Somme était en effet en deuxième place du premier tour des législatives de 2022, derrière Nicolas Lottin, candidat du RN. Emmanuel Maquet avait finalement remporté le second tour avec 53,81% des voix, le candidat RN ayant obtenu un score de 46,19 %.
Candidat à sa réélection sous l'étiquette LR, Emmanuel Maquet joue la carte de l'expérience et du terrain : "Moi, je suis dans mon couloir. Je suis en campagne depuis lundi. Je suis sur le terrain comme je l'ai été depuis sept ans. Je veux être un pôle de stabilité. Les gens me connaissent. Depuis sept ans, j'ai l'honneur d'être leur parlementaire. Je porte à Paris la voix de cette circonscription. Et je pense que, dans ce monde très agité depuis 48 heures, les gens ont besoin de repères. Et je veux être leur repère".
Un repère fragilisé par l'écart de plus de 36 points entre la liste LR, placée 5ᵉ dans la Somme avec 6,69 % des voix, et celle du RN en tête à 42,56 % lors des dernières Européennes.
L'Oise, département de tous les dangers
Même constat dans l'Oise, département de tous les dangers pour les députés LR sortants. Ils sont trois à repartir en campagne pour leur réélection sous l'étiquette LR anti-Ciotti.
C'est du moins ce qui se dit dans la sphère LR isarienne à propos de Victor Habert-Dassault. Car le député sortant de la 1ʳᵉ circonscription est impossible à joindre depuis le début de la semaine pour avoir une quelconque confirmation. Et c'est via ses comptes de réseaux sociaux qu'il a annoncé sa candidature à sa réélection :
Mais les difficultés semblent moins insurmontables pour Victor Habert-Dassault que pour ses collègues députés LR sortants : lors du second tour des législatives de 2022, il avait devancé le candidat RN David Magnier de près de 17 points (LR 58,34 % / RN 41,66 %).
Il n’est pas question de ne pas avoir de candidat RN face à moi. Ce serait un cadeau que me ferait le RN et dont je ne veux pas.
Maxime Minot, député LR sortant de la 7e circonscription de l'Oise
Pour Maxime Minot, député de la 7ᵉ circonscription, le danger vient autant de la gauche que de l'extrême droite. Lors du premier tour des législatives de 2022, avec un score de 26,3 % des voix, il s'était enchâssé entre le candidat de la Nupes, Loïc Pen (26,6 %) et celui du RN (25,1 %). Il avait finalement été élu avec 56,74 %, devant la Nupes avec plus de 13 points d'écart (43,26 %).
Alors quand la rumeur dit que le Rassemblement national ne présentera pas de candidat dans la 7ᵉ de l'Oise, Maxime Minot s'agace : "il n’est pas question de ne pas avoir de candidat RN face à moi. Ce serait un cadeau que me ferait le RN et dont je ne veux pas. J’ai refusé l’alliance avec le Rassemblement national donc croyez-moi, ils ne vont pas me faire le cadeau de ne pas me mettre de candidat."
Dans la 5ᵉ circonscription de l'Oise, la situation est plus incertaine pour Pierre Vatin, député LR sortant. Au premier tour des législatives de 2022, il était arrivé second avec 23,19 % des voix, derrière Myriam Lamzoudi pour le RN qui avait recueilli 24,44 % des suffrages. Le front républicain avait joué à plein pour le second tour puisque Pierre Vatin avait été élu avec 59,78 % des voix contre 40,22 % pour son adversaire.
Le spectre des législatives de 2022
Et il est évident que le résultat du RN aux dernières Européennes dans le département (43,28 %) au regard de celui des Républicains (6,66 %) inquiète celui qui repart en campagne sous la bannière LR : "c'est vrai que c'est une configuration qui est nouvelle pour tout le monde et évidemment ça nourrit les conjectures, avoue-t-il. On verra quelle est l'inflation RN et si le score des Européennes se traduit aussi en augmentation sur le score des législatives. En 2019 et en 2022, on n'avait pas subi cette inflation. Est-ce que les gens vont voter l'étiquette RN ou vont voter Pierre Vatin, le député de terrain que tout le monde connaît, je ne sais pas. Quel que soit le scrutin, il y a toujours une appréhension parce qu'on ne sait pas ce que les gens vont voter au final. Mais moi, je crois qu'il faut faire sa campagne et puis voilà".
On peut toujours s’amuser à se faire peur. Mais la politique-fiction, ce n’est pas mon truc.
Julien Dive, député LR sortant de la 2e circonscription de l'Aisne
Mais c'est surtout pour Julien Dive, député de la 2ᵉ circonscription de l'Aisne, que les choses vont être compliquées. Même si, en 2022, il avait largement devancé son adversaire du Rassemblement national au premier (35,91 % contre 28,63 %) et au second tour (58,17 % contre 41,83 %) des législatives. "J’ai été réélu avec 58 % des voix. C’est un score honorable. Mais une élection ne fait pas une autre élection. Il faut rester humble dans tous les cas. Ceux qui pensent avoir déjà gagné au regard des résultats de dimanche se trompent. Les résultats de dimanche, il faut les décorréler du national et du local. Je considère que quand une campagne débute, les scores sont remis à zéro. Et la peur n’évite pas le danger. Ça ne sert à rien d’avoir peur. Il faut rester serein, concentré et humble. On peut toujours s’amuser à se faire peur. Mais la politique-fiction, ce n’est pas mon truc", s'agace-t-il.
Dans l'Aisne, la liste du parti de Julien Dive a recueilli 6,25 % des voix lors des Européennes. Contre 50,64 % pour le Rassemblement national. Le plus haut score du RN dans les Hauts-de-France.