Jeudi 4 mars, le parquet de Soissons annonce la mise en examen pour homicide involontaire du compagnon d'Elisa Pilarski, Christophe Ellul. Retour sur une enquête qui tente de déterminer l'auteur des morsures ayant entraîné la mort de la jeune femme en forêt de Retz dans l'Aisne le 16 novembre 2019.
Dans le cadre de l'information judiciaire ouverte au tribunal de Soissons pour le délit d'homicide involontaire par agression d'un chien, Christophe Ellul, le compagnon d'Elisa Pilarski a été mis en examen jeudi 4 mars 2021. La jeune femme de 29 ans, enceinte de 6 mois, est morte en forêt de Retz dans l'Aisne le 16 novembre 2019. Son corps avait été retrouvé par son conjoint, l'autopsie concluant à un décès lié à une "hémorragie consécutive à plusieurs morsures."
Au regard des indices graves ou concordants retenus contre Christophe Ellul, le magistrat instructeur a prononcé sa mise en examen "pour avoir par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, involontairement causé la mort d’Elisa Pilarski, l’homicide résultant de l’agression commise par plusieurs chiens dont il était propriétaire ou gardien au moment des faits", indique le parquet.
"Christophe Ellul n'a pas du tout pris cette mise en examen comme un affront, son rapport à la justice est très bon, il reste donc confiant", a assuré son avocat, Me Alexandre Novion.
Les chiens de chasseurs suspectés
Personne n'avait été mis en examen à ce jour. Depuis le 16 novembre 2019, l'enquête se poursuit pour tenter de déterminer le ou les auteurs des morsures ayant entraîné la mort de la jeune femme, orginaire de Rébénacq près de Pau dans les Pyrénées-Atlantiques.
Elisa Pilarski vivait alors à Saint-Pierre-Aigle dans l'Aisne et s'était rendue en forêt de Retz pour promener le chien de son compagnon Curtis. Christophe Ellul se trouve alors à Roissy dans le Val d'Oise, il travaille chez Air France. Il raconte qu'il a reçu un appel de sa compagne lui disant qu'elle était en train de se faire mordre par plusieurs chiens, aux jambes et aux bras. Il se rend alors d'urgence sur les lieux et découvre le corps sans vie de sa compagne.Tout de suite, Christophe Ellul réfute la responsabilité de Curtis et incrimine les chiens de chasse à courre présents ce jour-là.
Les chiens de chasseurs du Rallye de la passion sont alors suspectés. Le procureur de la République de Soissons annonce que des prélèvements ADN vont être effectués sur 67 chiens.
Les enquêteurs s'intéressent aussi à un autre scénario, celui d'une altercation avec un promeneur et son malinois. Recherché par la gendarmerie, l'homme a été interrogé et mis hors de cause par les enquêteurs : ses horaires ne collaient pas avec ceux du décès de la jeune femme.
Curtis coupable selon un rapport d'experts
Un an se passe et plusieurs théories voient le jour dans les médias et sur les réseaux sociaux sans qu'aucun suspect ne soit encore clairement identifié. Le 1er novembre 2020, un rapport d'analyse de deux experts vétérinaires tombe. Il conclut que seul Curtis peut être à l'origine des morsures qui ont entraîné la mort de la jeune femme. À l'appui de la démonstration : la comparaison des blessures avec la taille de la mâchoire des chiens, mais aussi une analyse du comportement du Curtis et de son dressage.
Celui-ci présenté comme un American staff est en réalité un croisement entre un lévrier whippet et un patterdal terrier, importé des Pays-Bas. Selon le parquet de Soissons, le chien avait fait l'objet d'un dressage au mordant, une pratique interdite en France et "de nature à abolir toute capacité de contrôle ou de discernement", selon les experts.
Pour la défense du Rallye La Passion, dont le maître d'équipage est placé sous un statut de témoin assisté, il n'existe donc plus de place au doute quant à la culpabilité de Curtis. Des conclusions immédiatement remises en cause par l'avocat de Christophe Ellul : "On est totalement ahuris de voir ces deux experts conclure, avec une telle radicalité, de façon aussi abrupte, que le seul coupable est Curtis, avait-il déclaré. L’autopsie avait indiqué qu’Elisa était décédée d’un choc hémorragique causé par des morsures de chien, voire plus probablement de plusieurs chiens, en raison de la répartition des blessures sur le corps d’Elisa et des différences de morphologie entre les blessures."
Les resultats des tests ADN : le tournant de l'affaire
Deux jours plus tard, les tests ADN effectués finalement sur 33 chiens confirment également l'implication exclusive de Curtis. "À ce stade de l'instruction, les expertises se rejoignent et tendent à démontrer l'implication exclusive du chien Curtis, sans qu'aucun élément ne permette de mettre en cause les chiens appartenant à la société de vénerie", avait affirmé dans un communiqué Eric Boussuge, le procureur par intérim de Soissons en charge du dossier à l'époque.
Mais le compagnon de la jeune femme ne cesse de clamer l'innocence de son chien, notamment lors d'une conférence de presse organisée à Bordeaux le 10 novembre 2020. "Ce que vous pouvez entendre sur les médias, c'est une bêtise. Curtis est rentré en France en règle avec un passeport européen, avec tous ses vaccins même la rage. Il est arrivé chiot à trois mois. Et en ce qui concerne le mordant, Curtis n'a jamais été dressé à mordre. Il n'a jamais eu d'agressivité envers Elisa, ni moi, ni envers les enfants", avait-t-il déclaré.
Selon lui aussi, la meute des chiens de chasse présente le jour de la mort d'Elisa Pilarski, n'est pas en règle. "Il manque cinq chiens qui ont disparu, et selon monsieur Sébastien Van den Berghe, le maître d’équipage du Rallye La Passion qui organisait une chasse à courre en forêt de Retz ce jour-là, les cinq chiens sont morts et ont été enterrés dans la forêt, mais il n'y a pas de certificat de décès." Christophe Ellul avait demandé une contre-expertise dans ce dossier, une requête rejetée en janvier dernier par le juge d'instruction, décision contre laquelle il a fait appel.
Il a été laissé libre sous contrôle judiciaire avec l'interdiction d'entrer en contact avec la famille d'Elisa Pilarski, partie civile à la procédure. "C'est à l’issue de l'information judiciaire qu’il sera décidé des suites qu’il conviendra de donner à cette affaire et de saisir ou non le tribunal correctionnel aux fins de jugement", précise le parquet.