Lucile Lefèvre, une habitante de Flavigny-le-Grand-et-Beaurain dans l'Aisne, a pris du Mediator durant 15 ans. Aujourd'hui, elle souffre d'une fuite sur une valve du coeur. Lors du procès qui s'ouvre lundi, elle espère avant tout une reconnaissance du statut des victimes.
"Je n'en prends plus depuis 2009, mais je me souviens que j'étais constament essouflée et c'est toujours le cas aujourd'hui, ça me fait un poid comme si j'allais mourir, je n'arrive pas à reprendre mon souffle", confie Lucile Lefèvre, 67 ans.Cette habitante de la commune de Flavigny-le-Grand-et-Beaurain dans l'Aisne, a pris du Mediator durant 15 ans pour soigner son diabète. Aujourd'hui, elle souffre d'une fuite sur une valve cardiaque. "Déjà, deux ou trois ans avant qu'il soit interdit je ne me sentais pas bien du tout."
Le scandale éclate en 2010
Le Mediator est un médicament prescrit à l'origine comme un coupe-faim et un antidiabétique. Durant 33 ans, il est utilisé par 5 millions de personnes en France. En 1999, le premier cas de "valvulopathie", c'est-à-dire un dysfonctionnement des valves cardiaques, est détecté chez une personne prenant du Mediator.S'il a été retiré du marché français le 30/11/2009, ce produit-phare des laboratoires Servier n'a fait les gros titres qu'1 an plus tard. L'annonce par l'Afssaps (devenue ANSM après le scandale) "d'au moins 500 morts" liées à ce médicament, avait provoqué un coup de tonnerre #AFP pic.twitter.com/YBjGkefru8
— Agence France-Presse (@afpfr) September 22, 2019
Après l'enquête menée par Irène Frachon, pneumologue à Brest, qui met en évidence des cas de lésions liées à la prise du médicament, le scandale éclate en 2010. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) annonce que 500 personnes sont décédées suite à la prise de Mediator. Selon une expertise judiciaire, il pourrait être responsable de 2 100 décès.
"Il ne faut pas que cela se reproduise"
Dix ans après l'arrêt de la prise de son traitement, Lucile Lefèvre n'arrive pas à tourner la page. "C'est impossible pour moi d'oublier et il ne le faut pas, il ne faut pas que cela se reproduise, il ne faut pas que d'autres laboratoires fassent la même erreur", affirme-t-elle. Avec le procès qui s'ouvre lundi au pénal à Paris, elle n'espère pas grand chose en terme d'indemnisation mais au moins que le statut de victime soit reconnu. "Quand j'ai demandé si d'autres personnes étaient dans le même cas que moi, j'ai eu plus de 500 appels, on avait tous exactement les mêmes symptômes, il n'y avait pas de doutes sur le fait que cela provenait du Mediator, j'ai vraiment réalisé que l'on avait été pris pour des cobayes", déplore-t-elle.
L'Axonaise espère pouvoir se déplacer à Paris pour suivre le procès qui va durer six mois. "Cela risque d'être long, ce ne sera pas la fin de nos problèmes, mais j'espère que l'on obtiendra gain de cause et que le tribunal reconnaîtra que les laboratoire Servier nous ont menti de A à Z."
Un procès hors normes
Le procès pénal qui ouvre ce lundi durera jusqu'à fin avril 2020. Il verra comparaître le groupe pharmaceutique Servier, sans son fondateur Jacques Servier décédé en 2014, et l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).Onze personnes morales et douze personnes physiques sont jugées devant le tribunal correctionnel de Paris. Près de 4 000 personnes ayant pris ce médicament se constituent partie civile.
Ce procès au pénal concerne essentiellement les poursuites pour tromperies aggravées, mais certains cas d'homicides et blessures involontaires, dont l'expertise avait conclu à la responsabilité du Mediator, seront aussi jugés.