13 salariés de l'usine Daunat à Chambry dans l'Aisne qui s'étaient mis en grève la semaine dernière ont appris qu'ils étaient mis à pied, et que l'entreprise envisageait de les licencier pour faute lourde.
Le contexte
Alors que la grève des salariés de l'usine de fabrication de sandwiches et de salades Daunat à Chambry a pris fin jeudi, 13 d'entre eux ont reçu un courrier ce samedi matin les informant leur mise à pied en vue d'une mesure de licenciement pour faute lourde. Le courrier ne mentionne aucun motif et précise que les salariés seront reçus lors d'entretiens individuels du 24 au 26 avril. En attendant, ils ne peuvent pas reprendre le travail.
Peut-on licencier un salarié pour avoir fait grève ?
Non, en aucun cas la grève ne peut être un motif de licenciement. Maître Jean-François Dejas, bâtonnier de Laon, rappelle que "le droit de grève est garanti par la Constitution, c'est un droit fondamental."
D'après l'inspection du travail, le seul motif valable pour licencier un salarié grévistes est la faute lourde (voir encadré). C'est ce dont parle la direction dans son courrier.
Quelle est la "faute lourde" invoquée par la direction ?
Pour l'instant, la direction n'a pas précisé le(s) motif(s) des poursuites. Séverine Busin, déléguée CGT mise à pied, pense que "c'est le barrage qui nous est reproché. Mais il faut savoir que la direction ne nous a demandés de le retirer !"
Le bâtonnier confirme que le blocage de l'usine peut en effet entraîner des sanctions au sein de l'entreprise. "Si les salariés ont le droit de faire grève au sein de leur entreprise, c'est autre chose que d'occuper illégalement des locaux et d'en interdire l'accès." En fait, Daunat peut considérer que l'action des grévistes avait pour but de nuire à l'entreprise. "Ça pose une question juridique intéressante. Dans la mesure où le blocage a pour but d'interdire le fonctionnement normal et régulier de l'entreprise, surtout pour une entreprise alimentaire, où l'urgence de travailler les produits est grande, on peut considérer qu'il y a matière à poursuites disciplinaires."
La sanction prononcée lors de l'entretien est-elle irrévocable ?
Non. Si les salariés veulent contester la sanction, ils peuvent faire appel et c'est alors au conseil des prud'hommes de trancher.
Les représentants du personnel peuvent-il être licenciés eux aussi ?
Oui. S'ils ont un statut particulier, contrairement à une idée reçue, les représentants du personnel ne sont pas "invirables". Mais pour les licencier, l'entreprise devra en effet engager davantage de procédures. "Ils sont protégés par la loi, il faut donc demander des autorisations administratives quand on envisage des sanctions qui peuvent aller jusqu'au licenciement.", explique maître Dejas. "Et les sanctions doivent être validées par l'Inspection du travail."
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Qu'est-ce qu'une faute lourde ?
Il existe quatre types de fautes qui peuvent entraîner des sanctions disciplinaires : la faute légère, la faute simple, la faute grave et la faute lourde.D'après la définition de l'Inspection du travail, la faute lourde est une faute "d'une gravité exceptionnelle, qui s'accompagne d'une intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise". Il peut s'agir par exemple de détournement d'argent, de vols ou de dégradation de biens de l'entreprise, ou du non-respect du secret professionnel. Une mise à pied conservatoire est généralement appliquée, comme c'est le cas à Daunat. L'employeur peut poursuivre l'employé fautif devant le tribunal civil et pénal. A priori, Daunat n'envisage pas cette option : l'accord de fin de grève stipulait d'ailleurs l'abandon des poursuites pénales.